Dimanche 12 janvier 2025

Société

Région Centre/Gitega/La forge traditionnelle : un métier en péril à Giheta

Région Centre/Gitega/La forge traditionnelle : un métier en péril à Giheta
Pascal Bagumibona dans sa forge de Gishora à Giheta

Il y’a quelques années, Gitega abritait des familles de forgerons qui fabriquaient des outils comme les haches, les serpes, les machettes, les couteaux, les houes etc. Aujourd’hui, ces artisans ne se comptent que sur le bout des doigts. Il s’agit d’un héritage qui disparait progressivement et ces artisans pourront abandonner leur métier. Tel est notamment le cas en commune Giheta.

Au cœur de la commune Giheta de la province de Gitega, sur les collines Mashitsi et Gishora autrefois bastions de la forge traditionnelle, les enclumes résonnent désormais moins fréquemment.

La scène d’un forgeron martelant des lames, des serpes ou des houes s’efface petit à petit. Si cette activité artisanale a longtemps été un des piliers de la vie rurale, elle fait face aujourd’hui à une disparition progressive.

Ceux qui restent affirment que ce métier autrefois respecté est aujourd’hui considéré par beaucoup comme archaïque. Non seulement ils doivent batailler pour trouver la matière première mais aussi, ils doivent se contenter de forger les outils qu’on ne trouve pas sur le marché. Et pour cause, les outils importés chassent ceux travaillés à la main.

La forge traditionnelle, malgré ses défis, reste un symbole de résilience et d’ingéniosité. « Quand j’étais enfant, mon père croulait sous les commandes et il devait travailler en groupe avec ses collègues pour les livrer à temps. Mais voilà, je reçois une commande une fois par mois », raconte Pascal Bagumibona, forgeron âgé de 73 ans.

D’après ce vieil homme, le métier de forgeron tend à disparaitre. Jadis, son père et son grand-père avaient le savoir-faire dans le choix des minerais et dans la manière de les fondre.

Mais, aujourd’hui, il ne croit pas qu’il reste quelqu’un qui peut distinguer aisément le minerai de fer et celui du cuivre et surtout comment les séparer avec d’autres minerais dont on n’a pas besoin dans la forge. Il précise qu’on ne trouvait pas le fer à l’état naturel. Il fallait bien choisir une pierre qui contient un pourcentage plus élevé de fer et la fondre pour obtenir du fer.
« Ils n’avaient pas de diplômes académiques. C’était du savoir-faire unique transmis de père en fils, de génération en génération », souligne-t-il.

Selon lui, cette séparation était un long processus. Une fois à la maison, il fallait séparer le fer des impuretés. A cet effet, le minerai était chauffé à très haute température à l’aide du charbon de bois et du soufflet. On le recueillait alors à l’état liquide.

Le produit était alors soumis à l’opération d’affinage pour éliminer le plus possible les impuretés contenues dans le minerai. La plupart de ces éléments disparaissent avec le feu. Le produit final, acier ou fer doux, était coulé dans des moules sous forme de lingots.
« Tout ça c’est du passé. Moi-même je ne me rappelle pas exactement l’endroit où on trouvait ces pierres. Seulement, on disait que c’est loin de Gitega et ils y passaient des jours. C’est par après que j’ai su que c’était à Karusi et à Buraza. Mais je n’y’ ai jamais mis les pieds », ajoute Protais Nduwimana.

De nouveaux matériaux

Les forgerons de Giheta s’appuient désormais sur des pièces métalliques récupérées car les minerais naturels de fer ou de cuivre sont devenus introuvables. Ces nouveaux matériaux, souvent extraits des carcasses de véhicules, sont également convoités par des commerçants qui les collectent pour les exporter.

« Tout est exporté ! Nous, on doit payer beaucoup pour pouvoir récupérer ce qui reste, » déplore le forgeron prénommé Constantin, 52 ans. Cette situation ne fait qu’aggraver la précarité de ces artisans. Là où un outil local pouvait autrefois être fabriqué pour un coût raisonnable, il devient aujourd’hui presque aussi cher que les produits importés et donc hors de portée pour de nombreux locaux.

« Nous travaillons encore, mais avec beaucoup de difficultés. Les minerais de fer et de cuivre qu’utilisaient nos pères ne sont plus disponibles », confie le prénommé Protais, un forgeron de 53 ans de Gishora. Son atelier, modeste mais chargé d’histoire, abrite des outils rudimentaires hérités de ses ancêtres.

« Maintenant, nous utilisons des matériaux de récupération comme les châssis de voitures et des ressorts. Mais, même ceux-là sont devenus trop chers », ajoute-t-il. Face à cette concurrence, les forgerons perdent de plus en plus leur clientèle. Les outils industriels, bien qu’onéreux, séduisent par leur standardisation et leur disponibilité dans les magasins. Ce qui aggrave la marginalisation des artisans locaux qui peinent à s’aligner sur les prix et les volumes de production des industriels.

« Avant, une hache achetée ici coûtait à peine1 000 FBu. Aujourd’hui, une hache industrielle coûte parfois dix fois plus », se lamente un client prénommé Diomède. Malheureusement, la durabilité des outils importés laisse souvent à désirer.

« Les houes, les haches, les machettes locales sont lourdes mais solides et tiennent des années. Mais, celles qu’on achète au marché aujourd’hui, il faut les remplacer presque chaque année », déplore une prénommée Anastasie.

Forum des lecteurs d'Iwacu

1 réaction
  1. Niyonkuru

    Il faut encourager l’artisanat burundais parce qu’il remplit d’ingéniosité. Et je n’hésite pas de dire que nos ancêtres étaient plus intelligents que nous. Ce qui est paradoxal.

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