Le métier de couturier connaît une transformation significative à Gitega. De plus en plus de femmes et de jeunes filles embrassent ce métier. Elles parviennent à s’imposer et à innover.
Elles sont très nombreuses au marché central de Gitega et devant les magasins des étoffes. Il y a quelques années, la couture était le monopole des hommes. Ce métier était considéré en effet comme un travail exigeant de la précision et de la rigueur réservé aux hommes.
Cette perception évolue progressivement si bien que les femmes et les filles se taillent aujourd’hui la part du lion dans le métier de couture. Les clients ont de plus en plus confiance en elles et leur confient leurs habits.
« Au début, les gens ne croyaient pas en moi. Certains clients refusaient même que je touche à leurs vêtements, car ils pensaient que j’étais nulle et sans expérience », témoigne par exemple Jeanne Nahimana, une couturière installée au marché central de Gitega depuis cinq ans.
« Mais, avec le temps, ils se sont habitués en voyant d’autres femmes s’installer. Ils ont remarqué la qualité de notre travail et, aujourd’hui, j’ai des commandes régulières », se réjouit-elle.
« Malgré une formation d’une année dans la couture et broderie, le début a été difficile pour moi. Je ne me contentais que de rapiécer les habits usés des hommes. Mais, jour après jour, mes collègues m’ont aidée à m’intégrer et me laissaient leurs commandes », renchérit Elizabeth Nduwayezu.
Comme nous l’avons constaté, de nombreuses femmes rurales, autrefois occupées par l’agriculture ou les tâches domestiques, se lancent aussi dans la couture. Ce qui leur permet d’accéder à une source de revenus stable. Elles contribuent ainsi activement au développement socio-économique de leur communauté et surtout de leurs foyers.
« Avant, je passais mes journées aux champs. Je dépendais entièrement de mon mari. Aujourd’hui, grâce à la formation que j’ai suivie, je couds des vêtements et je gagne mon propre argent, » explique Marie Chantal Ntakagero, une couturière dans un village voisin de la ville de Gitega.
Pour beaucoup, cette évolution sociale reflète un changement de mentalités même si certains hommes couturiers continuent de voir d’un mauvais œil cette incursion féminine dans leur domaine.
De nouveaux styles
Selon certaines sources, contrairement à leurs homologues masculins, les femmes couturières tendent à innover et à diversifier leurs offres en intégrant de nouveaux styles et techniques. Leur capacité à s’adapter aux évolutions du marché leur permet de mieux faire face à la baisse de la demande traditionnelle.
« Aujourd’hui, si tu ne proposes pas quelque chose de moderne et d’unique, les clients vont ailleurs, » confie Aline Kanyamuneza, 24 ans.
« Je me suis formée à de nouvelles techniques de coupe. Parfois, j’utilise les réseaux sociaux pour chercher de nouveaux modèles », ajoute-t-elle.
Aujourd’hui, rare est de voir les hommes, surtout les jeunes garçons, acheter des tissus pour se faire confectionner un pantalon ou une chemise. Partant, les vieux couturiers qui ne s’adaptent pas au contexte peinent à recevoir des commandes. Selon eux, plusieurs raisons expliquent cette dynamique. Notamment, une grande partie de la population masculine préfère désormais les vêtements prêt-à-porter ainsi que les habits de seconde main jugés plus accessibles financièrement et répondant à la mode.
« Si ce n’est que de mettre ces habits sur la taille ou de coudre des uniformes scolaires, il est rare de recevoir une commande d’un jeune garçon. Seule la clientèle féminine est plus grande et les couturières en profitent beaucoup », fait remarquer le prénommé Benjamin, un couturier qui vient de fêter 25 ans dans le métier.
D’après ses propos, les temps changent. L’époque où on avait beaucoup de commandes jusqu’à ce qu’on se dispute avec les clients à cause des retards dans la livraison est révolue.
Un problème de financement
Mais, l’essor des femmes dans ce domaine n’est pas exempt de défis. L’accès aux financements pour ouvrir ou développer un atelier reste un obstacle majeur. De plus, le manque d’infrastructures modernes et de formation continue peut freiner leur épanouissement.
« Celles qui ont des moyens ouvrent des ateliers de couture. Ce sont elles qui gagnent plus que nous qui travaillons sur la place publique », explique Claudine Akimana, l’une des pionnières dans la couture à Gitega.
Certains observateurs considèrent qu’avec des formations adaptées, un meilleur accès au financement et une sensibilisation accrue à la consommation locale, les femmes couturières de Gitega ont le potentiel de transformer le secteur et d’ouvrir la voie à une nouvelle génération de créatrices de mode.