Jeudi 21 novembre 2024

Société

Région Centre Gitega/Emploi de petites jeunes filles : Elles vivent un calvaire

Région Centre Gitega/Emploi de petites jeunes filles : Elles vivent un calvaire
Un travail très fatigant pour cette bonne de Yoba portant un bébé qui a la moitié de son poids

Dans le milieu rural, des jeunes filles sont arrachées du banc de l’école pour aller servir comme bonnes en ville comme Gitega. La plupart d’entre elles ont entre 10 et 15 ans et touchent un salaire de misère. Les employeuses affirment qu’elles ne peuvent pas faire autrement dans la mesure où ces jeunes filles leur sont envoyées par leurs familles. Une fois engagées vient le déchantèrent et la désillusion.

Dans la ville de Gitega, ces jeunes filles travaillent comme bonnes ou femmes de ménage surtout dans les quartiers populaires et particulièrement bon marché. Elles viennent du milieu rural essentiellement des provinces de Karusi, Muramvya, Ruyigi et Muyinga où il y’a une forte démographie ainsi que des familles pauvres et ignorantes. Pour arriver en ville, elles sont appelées par celles qui les y ont précédées qui les placent dans des familles et qui les connectent avec les ménages qui ont besoin d’une bonne. Elles ne sont donc pas obligées de faire du porte-à-porte pour demander du travail comme le font leurs frères domestiques.

Ce sont les premières arrivées qui deviennent en effet des intermédiaires entre ces petites filles de la campagne et les patronnes. Le salaire est souvent fixé par la maman de la petite, l’employeuse ou la « commissionnaire ». A peine arrivée, on promet à la petite des monts et merveilles principalement un bon salaire qui sera renouvelé tous les trois mois. Et pourtant comme nous l’avons constaté après notre enquête dans la ville de Gitega ces petites filles fraichement sorties de la compagne vivent un calvaire.

« Je viens de Shombo et j’ai 12 ans. Ma mère m’a signifié que la maman qui veut m’embaucher est une personne très gentille et que je serais bien traitée. Mais, je suis déjà fatiguée du travail que j’effectue. Je vais rentrer », nous fait savoir une jeune prénommée Alice. D’après cette bonne qui porte un bébé de 5 kg, elle marche à peine avec ce bébé pleurnichard. « Je ne peux m’asseoir pendant plus de 10 min ni le déposer sur le lit. Il veut que je reste debout même s’il dort. », raconte-t-elle avec regret.

La situation n’est pas non plus reluisante chez la jeune fille de 14 ans prénommée Claudine. Elle vient de Muriza en province de Ruyigi. Elle travaille dans une famille de trois enfants. Elle doit se réveiller très tôt le matin pour les préparer avant d’aller à l’école. Pendant ce temps, les parents sont encore au lit.

Quand elle a été engagée, la patronne lui avait indiqué qu’elle va s’occuper seulement des enfants. Mais aujourd’hui, elle combine la garde des bambins et la cuisine.

« Je viens de passer une année ici et on me paie 15 000 FBu. C’est maintenant que je constate que j’on m’a trompée. Le travail que je fais est très fatigant. Même avec 25 000 FBu, je ne pourrai pas continuer. Les femmes qui habitent dans des villes sont trop méchantes. Ma patronne ne m’a jamais félicitée pour le travail abattu. Ce sont toujours des remontrances, de la réprimande, des injures et des mises en garde ! » témoigne-t-elle avec amertume

« Ma mère m’a promis de revenir me voir après deux mois. Mais c’était faux et l’argent que la patronne devait me payer je ne le vois pas. Elle m’a expliqué qu’elle le garder pour que je ne le gaspille pas et qu’elle me donnera la totalité le jour où je rentrairais », déplore la prénommée Francine de Gahera, 15ans.

Une situation déplorable

Chez les pères de famille, cette situation est déplorable mais ils ne peuvent rien y changer. Ils soulignent qu’ils ne sont pas associés dans le choix des bonnes et des domestiques. Ce sont leurs épouses qui les cherchent et les engagent.

« Ma responsabilité est de payer à la fin du mois. Sinon je ne peux pas interférer dans le travail des domestiques pour m’éviter des problèmes avec ma femme », a reconnu par exemple un prénommé Léonce, un commerçant de la ville de Gitega. Il informe qu’il y’a une année, il a voulu plaider en faveur d’une bonne renvoyée par sa femme et cela a failli lui coûter son mariage. Il a alors décidé de ne plus s’ingérer dans le travail des domestiques.

Même son de cloche chez le prénommée Evariste. Ce fonctionnaire n’a jamais apprécié qu’un enfant travaille chez lui mais la décision revient à sa femme.

« Parfois, on ferme les yeux mais faire travailler un enfant moins âgé que tes propres fils et filles est déshonorant, c’est gênant !».

Les patronnes s’en défendent

Quant aux patronnes, elles s’en lavent les mains. Elles disent en effet que la faute revient principalement aux parents. Elles affirment qu’elles ne demandent pas des mineures comme bonnes. Mais quand leurs mamans n’y voient pas d’inconvénients, elles ne peuvent pas se passer de cette main d’œuvre docile et bon marché.

« Ce sont les parents qui les amènent pour le motif qu’ils n’ont pas de moyens afin de pouvoir payer les uniformes et le matériel scolaire de tous leurs enfants. Nous faisons de l’humanitaire en quelque sorte », répond toute gênée mais cyniquement une mère de famille qui emploie ce genre de bonnes.

D’autres sources indiquent que ces jeunes enfants filles mineures qui viennent des campagnes fuient la pauvreté qui oblige les parents à les envoyer travailler pour subvenir aux besoins de toute la famille. Le faible niveau d’éducation et d’information des parents est épinglé. Les parents ne connaissent pas en effet l’impact négatif du travail lourd sur leurs enfants mineurs ainsi que ce que prévoit la législation en vigueur.

Nous avons voulu savoir la position des organisations qui militent en faveur des droits de l’enfant à Gitega mais elles étaient injoignables.

Forum des lecteurs d'Iwacu

4 réactions
  1. Jereve

    J’interroge la loi et ceux qui sont chargés de son application: si cette loi existe, que dit-elle en ce qui concerne l’exploitation des enfants et des mineurs? Que dit les ministères chargés du travail, de l’éducation et des affaires sociales? Et les associations et individus chargés de la protection des plus vulnérables? je ne fais que poser des questions, car je ne vois pas ou plutôt ne comprends pas comment une société humaine et civilisée laisse passer des sacrilèges pareils.

  2. Témoin

    Il n’y a pas d’autres mots pour nommer cela: c’est l’esclavage

    • Mandela

      Vous avez tout à fait raison et cet esclavage est pratiqué par des familles des personnes qui ont été à l’école, qui ont fait l’université… Ils sont sensés comprendre plus que les autres. Ce ne sont pas les petites gens qui pratique un tel esclave. Malheureusement tout le monde trouve cette situation normale. Un enfant, sa place est à l’école, non pas dans des familles des riches, exploité ; c’est une honte.
      Un pays qui ne sait pas protéger ses enfants, il est mort. On parle des droits de l’hommes, il faut commencer pas là. Les députés passent leur temps à voter des lois, on ne sait pour quoi mais personne ne lève un petit doigt pour dénoncer ce trafic intérieur des enfants. Ce sont des enfants des pauvres n’est-ce pas ?
      Même ici, sur ce réseau, pas de réactions, c’est un sujet qui n’intéresse personne!

      • Yan

        Ce qui est déroutant c’est qu’il y a des gens qui se permettent à longueur de journée de dénoncer la colonisation ou l’esclavage, alors qu’eux même les pratiquent au quotidien.

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