Dans les collines et quartiers de Gitega, un phénomène prend de l’ampleur. Faute d’argent pour payer les soins médicaux, de plus en plus des habitants se tournent vers des remèdes miracles. Pour la plupart, ces produits issus de plantes locales promettent de soigner presque tout. Des promesses parfois trop belles pour être vraies.
Pour les habitants de Gitega, la médecine moderne reste un luxe. Consulter un médecin ou acheter des médicaments est hors de portée pour ceux qui peinent à joindre les deux bouts du mois. C’est dans ce contexte que des maisons des tradipraticiens s’installent dans les quartiers et proposent leurs traitements à « des prix imbattables ».
Mais, à y regarder de près, ce n’est pas seulement une question d’argent. La tradition joue un rôle clé. En effet, ces remèdes ou suppléments nutritionnels utilisés depuis des générations inspirent confiance chez certains. Autour du marché, dans les carrefours ou dans les chambrettes pour ne pas dire des maisons médicales, les tradipraticiens proposent toute sorte de concoctions.
« Avec ce flacon de thé à base d’écorce d’un arbre de la Kibira, la maladie des reins s’en va en 30 jours », promet un vendeur muni d’un mégaphone près du marché central de Gitega. D’autres proposent des poudres et des liquides censés revitaliser le cœur, traiter la stérilité chez les femmes ou encore guérir l’impuissance masculine en un rien de temps.
Face aux doutes, une stratégie s’impose : les présenter non pas comme des médicaments mais comme des compléments nutritionnels. Une appellation floue qui permet peut-être de contourner la surveillance des autorités sanitaires tout en rassurant les clients. Les maisons dans lesquelles les tradipraticiens exercent ne désemplissent pas, ce sont toujours des files d’attente du matin au soir.
« J’ai séjourné presque dans tous les hôpitaux de Gitega et acheté des tonnes de médicaments mais, rien n’évoluait. Selon les témoignages de ceux qui se sont déjà fait soigner ici, je crois que je vais guérir », indique Xavier Ndereyimana de la zone Mungwa rencontré chez un tradipraticien au quartier Nyamugari.
Même son de cloche de la part de la prénommée Jacqueline qui affirme avoir tout pris comme médicaments mais que sa santé ne cesse de s’empirer. D’après cette trentenaire, cela fait deux ans qu’elle a des douleurs atroces au niveau de la tête. Les médecins lui ont prescrit des lunettes mais rien ne change. Elle avale tous les jours des calmants sans pour autant savoir ce dont elle soufre.
« Ici, on me conseillait de changer les lunettes. Là on m’indiquait d’aller me faire examiner à travers un le scanneur. Il m’arrive aussi de penser que j’ai été ensorcelée !»
Des bienfaits réels mais …
D’après différents agents de santé communautaire et des médecins, impossible de nier que certaines plantes utilisées par les guérisseurs ont de véritables propriétés médicinales. En effet, certaines plantes sont riches en antioxydants ou anti-inflammatoires. Elles peuvent soulager certains maux. En parallèle, ces remèdes s’avèrent abordables, faciles d’accès et offrent à la population une alternative lorsque l’hôpital est hors d’atteinte.
« Dans nos campagnes, les suppléments nutritionnels ont longtemps été utilisés par nos grands-mères pour soigner certaines maladies des enfants. Le problème aujourd’hui est que certaines personnes sans aucune connaissance en la matière se prennent pour des spécialistes et vendent n’importe quoi », souligne Térence Butoyi, un agent de santé communautaire.
Et pour le prénommé Lucien, un infirmier médical, ces supposés remèdes miracles peuvent être un couteau à double tranchant. En l’absence d’un contrôle sanitaire qui garantit la qualité de ce qu’on achète, les mauvaises surprises vont des intoxications aux effets secondaires graves.
« Il suffit de regarder la façon dont ces soi-disant remèdes sont conservés ou exposés au soleil et à la pluie. Difficile de dire qu’ils ne peuvent pas être un danger pour la santé ! ». Il fait savoir que le vrai danger réside dans l’abandon d’un traitement médical efficace pour des solutions de fortune.
Un diabétique qui arrête son traitement pour prendre une décoction risque d’avoir des complications graves et parfois fatales. Pendant ce temps, certains guérisseurs exploitent la vulnérabilité des malades en vendant des produits inefficaces à des prix parfois exorbitants.
Collaborer avec le secteur médical
Pour éviter le pire, la médecine traditionnelle doit être mieux encadrée. Des experts appellent à tester scientifiquement ces remèdes pour séparer le bon grain de l’ivraie. Pourquoi ne pas intégrer ces plantes aux recherches médicales, tout en formant les tradipraticiens aux bases de la santé publique ? Albert Ndikumana, un tradipraticien expérimenté, défend son activité : « Certaines de nos plantes soulagent des maladies que la médecine moderne ne guérit pas facilement. Mais, il y a des imposteurs parmi nous qui salissent notre nom ». Il plaide alors pour une reconnaissance officielle afin de collaborer avec le secteur médical.
« Si je dis que tel remède guérit l’estomac, les amibes ou le rhumatisme, il ne faut pas chercher de midi à quatorze heures. Amène-moi quelqu’un qui souffre de cette maladie. Après un certain temps, ce sera lui-même qui va témoigner en ma faveur. Moi, je ne fais pas de la publicité plutôt ce sont des personnes que j’ai traitées qui font de la publicité pour moi », ajoute-il.
Tous les pays qui s’enfoncent dans la misère connaissent un tel problème