Le ciment fabriqué au Burundi est devenu un matériau de construction très rare à Gitega. Ceux qui ont des chantiers se rabattent sur celui qui vient de la Tanzanie malgré son prix salé. Certaines personnes rencontrées parlent de spéculation et de contrebande.
Au Gitega, chercher le ciment BUCECO (Burundi Cement Company) est comme si on cherchait un produit de beauté dans un magasin des clous. Au centre-ville de Gitega, sur les murs de certains magasins c’est écrit « Vente de matériaux de construction ».
Pour attirer les clients, les commerçants affichent sur les murs de leurs magasins qu’ils vendent du ciment. Mais, la majorité d’entre eux ont des stocks vides en ciment.
Quand un client entre pour demander du ciment BUCECO, les vendeurs font semblant de n’avoir rien entendu. Le quiproquo s’installe alors entre le vendeur et l’acheteur. Au lieu de lui répondre directement, le vendeur demande plutôt au client où il l’a vu ou entendu parler.
La prénommée Mariamu témoigne qu’elle a passé tout un mois à attendre alors qu’elle comptait seulement cinq jours pour s’acheter cinq sacs de ciment BUCECO.
Comme l’attente a été très longue, le mur de sa clôture qu’elle voulait cimenter a fini par céder suite à la pluie.
Le constat malheureux est que les gens de Gitega qui ont besoin du ciment BUCECO sont obligés d’attendre une éternité en faisant des va- et- viens chaque matin à faire le tour des magasins, le but étant de vérifier si, par hasard, cette perle noire est de nouveau disponible.
Les commerçants leur indiquent qu’ils doivent aller d’abord se faire inscrire à la commune et qu’ils seront informés de l’arrivée de ce ciment.
« Chaque matin c’était mon travail. Je faisais le tour de tous les magasins et j’avais même trouvé des guetteurs qui m’avertiraient si des camions venaient à décharger ce ciment à Gitega. J’ai fini par réaliser que je m’étais beaucoup trompée », témoigne une dame qui était déterminée à attendre le ciment BUCECO qui lui coûterait moins cher. Elle s’est résolue à aller prendre celui qui vient de la Tanzanie.
« Au moment où j’ai perdu mon temps en cherchant le ciment le moins cher, un sac du ciment Dangote 3X coutait 51 000 FBu. Quand je me suis décidée à l’acheter, le sac était à 53 000 FBu », raconte-t-elle.
Le prénommé Jérémie a connu une autre mésaventure. En effet, alors qu’il avait engagé quatre maçons croyant qu’il allait avoir facilement les 30 sacs de ciment, il ne les a pas eus. Il a dû payer les quatre maçons qui ont passaient toute une semaine sans ériger même un mètre de hauteur sous prétexte qu’ils attendaient le ciment pour faire le béton.
Une complicité
Dans ce genre de situation, la contrebande et la spéculation deviennent une règle. Quand par exemple un ou deux camions déchargent plus de 1 000 sacs de ciment à Gitega, il faut compter au moins une heure pour que toute la cargaison disparaisse.
Les clients, pour ne pas dire les commissionnaires, se bousculent alors et achètent tout. Ceux qui sont plus dans le besoin, c’est-à-dire ceux qui le cherchent pour construire leurs maisons rentrent bredouille.
« J’ai été étonné quand quelqu’un m’a proposé de lui donner 51 000 FBu pour le sac. Il m’a dit de lui donner seulement l’argent et de l’attendre quelque part. Je ne sais pas là où il a pris, mais c’était bel et bien un sac du ciment de BUCECO alors qu’il y’a presque un mois sans qu’il y ait une nouvelle livraison officielle de ce produit », souligne Calinié.
D’après certains témoignages, il s’agit du ciment que les commissionnaires cachent, sac par sac, à des endroits différents pour le revendre tranquillement à un prix dépassant de loin le prix officiel.
« Ils sont toujours non loin des magasins et guettent ceux qui entrent pour leur proposer ce service. Jamais ils ne te diront qu’ils ont deux sacs. Ils te parlent de quelqu’un qui a terminé son chantier et qu’il a un peu de ciment qu’il veut revendre pour acheter des clous ou autre chose », explique le prénommé Jean Claude rencontré au centre-ville le matin 23 janvier 2024.
« A y regarder de près, ils sont en contact avec les propriétaires des magasins. Je ne sais pas comment ils se débrouillent pour le cacher mais je suis sûr qu’ils travaillent pour eux », ajoute-il. Aujourd’hui, ceux qui ont des moyens ou de grands chantiers ne perdent pas leur temps à chercher l’introuvable. Ils font les commandes directement en Tanzanie.
Pour les moins nantis, ils mettent l’argent ensemble et se partagent tout le camion. Ceux qui ont du ciment en provenance de la Tanzanie, ont-ils une autorisation d’importation ? Seules des enquêtes approfondies pourraient le dire.