Depuis des années, les vendeurs de lapins dans la ville de Gitega sont obligés de résister à la chaleur et à la pluie. La seule place leur réservée pour écouler leurs produits est la route. Ils doivent alors rester sur leur garde au passage des véhicules, des motos et des vélos. D’après eux, l’accès limité aux circuits formels de vente les empêche de toucher une clientèle beaucoup plus large.
Alors que le gouvernement du Burundi a fait de l’élevage des lapins une priorité dans tous les ménages du pays, dans la ville de Gitega, la vente des lapins est souvent considérée comme une activité à petite échelle.
Au marché central de Gitega, il n’y a pas par exemple de place réservée à la vente des lapins. Les éleveurs sont ainsi contraints de vendre leurs produits sur les bordures des routes, sous des conditions climatiques peu favorables telles que la chaleur et la pluie. Le dimanche (le seul jour de la semaine pour la vente et l’achat des lapins à Gitega), il faut être matinal pour espérer acheter ou vendre ce petit ruminant. Et là aussi, il faut se diriger vers le quartier vétérinaire où les éleveurs et acheteurs se rencontrent au milieu de la route avec le risque d’être heurté par des motos, des voitures et des vélos. C’est comme si la vente et l’achat des lapins était une activité qui n’est pas reconnue localement. Pour les éleveurs et vendeurs, cela est discriminatoire et décourageant. Aussi, cela impacte énormément leur activité.
« Chaque fois, les propriétaires des maisons nous chassent et nous obligent de dégager la route. Ils indiquent que nous sommes devant leurs portails et que nous obstruons leur entrée », déplore Marc Dukezimana qui vient de Birohe pour vendre ses cinq lapins. Il fait observer que les conditions dans lesquelles ils travaillent nuisent énormément à leurs bêtes. Et pour cause, les lapins ne supportent pas beaucoup de chaleur ni beaucoup de bruit.
« Il y’a quatre semaines, deux de mes lapins sont morts à cause de la chaleur sous laquelle nous les exposons. Ce jour-là, ça a été une grande perte pour moi. Au moins 40 000 FBu sont ainsi partis en fumée.», témoigne-t-il.
Au milieu de la route qui sert de place du marché de lapins, Marc Dukezimana n’est pas le seul à se plaindre des conditions difficiles dans lesquelles ils travaillent.« Cette exposition au soleil et au vent combinée à un environnement de vente inadapté, affecte négativement nos rendements économiques », a également estimé le prénommé Isidore.
A cet effet, Caritas Bikorimana suggère qu’on leur attribue une place couverte au marché central et qu’ils soient autorisés à vendre tous les jours. Elle fait savoir que cette activité aide beaucoup les familles qui n’ont pas beaucoup de moyens. Il suffit de vendre 2 ou 3 lapins pour satisfaire quelques besoins économiques.
« D’abord, les lapins se multiplient vite. Ils sont aussi faciles à transporter. Même un enfant peut amener cinq lapins au marché et revenir avec des vêtements ou du matériel scolaire », assure Annociate Nduwayo. D’après cette mère de 7 enfants, les lapins l’ont aidée dans l’achat du matériel scolaire pour ses 3 enfants qui sont déjà à l’école.
Ils demandent plus de considération
L’absence de marché formel pour la vente des lapins dans la ville de Gitega a des conséquences directes sur la rentabilité de cet élevage. Les éleveurs parlent d’une non-valorisation de leurs marchandises.
Selon eux, en vendant leurs lapins en bordure des routes, souvent à vil prix, les éleveurs ne parviennent pas à tirer pleinement profit de leur activité. Cette situation contribue à renforcer une image négative sur l’élevage des lapins. Il est souvent en effet perçu comme une activité de subsistance au lieu d’être une véritable activité économique.
A titre d’exemple, un lapin adulte qui pèse au moins 2 kg est négocié entre 10 000 et 20 000 FBu. Ils estiment en outre que si les lapins étaient vendus dans des espaces organisés, les prix pourraient être régulés et les éleveurs pourraient mieux négocier.
« Le dimanche, il faut être matinal ou tu risques de brader tes lapins », nous a expliqué le prénommé Léonard devant son panier rempli de lapins. Il n’est pas non plus satisfait du bas prix qu’on leur donne quand il le compare à un kilo de viande de bœuf qui s’achète à 22 000 FBu ou à celui d’une poule qui est à 30 000 FBu. Et d’affirmer que les éleveurs de lapins ne gagnent presque rien malgré les efforts fournis. L’activité reste donc à l’état embryonnaire, loin de son plein potentiel.
Les acheteurs déplorent aussi l’absence de place réservée à la vente des lapins au marché central de Gitega. Seulement, ils craignent que les prix pourraient alors s’envoler. Ils suggèrent aussi que la vente se fasse tous les jours et non seulement le dimanche.
« Nous profitons encore du prix d’achat faible. Mais, le pire est à craindre quand ils seront vendus au marché central. Là au moins, on pourra les acheter quand on veut au lieu de les chercher seulement le dimanche matin », souligne le prénommé Olivier, un vendeur de viande de lapin dans un bistrot au quartier Shatanya II. Il trouve que l’aspect sécurité alimentaire ne doit pas être sous-estimé.
En effet, dit-il, la viande de lapin est riche en protéines et faible en matières grasses. Ce qui en fait un aliment de qualité pour de nombreux ménages.
« Une meilleure organisation du secteur de l’élevage des lapins pourrait rendre leur viande plus accessible à un grand nombre de personnes. Ce qui contribuerait ainsi à la lutte contre la malnutrition dans la mesure où le poisson, la viande de bœuf ou de poule ne sont plus à la portée de beaucoup de gens », ajoute la prénommée Liliane, une mère de famille.
Nous avons cherché à joindre le commissaire du marché central de Gitega pour qu’il puisse s’exprimer sur les doléances des éleveurs et acheteurs mais en vain.