Défense et accusation se livraient les lundi 27 et mardi 28 mai 2024 à une bataille acharnée lors du procès pénal en appel sur l’Affaire Bunyoni. Dernier acte avant que la Cour suprême ne se retire pour délibérer. Les accusés demandaient d’être blanchis au moment où le Ministère public réclamait, en plus de la perpétuité contre Bunyoni, la saisie de ses 153 maisons et parcelles, 43 véhicules et plus de 24 milliards d’amende.
Escortés sous bonne garde, Alain-Guillaume Bunyoni et ses trois coaccusés sont retournés dans leurs prisons respectives le 28 mai 2024 après deux jours de procès marathon. Ils doivent attendre trente jours pour savoir s’ils seront acquittés ou pas. Devant la Cour suprême siégeant en appel au second degré de sa chambre judiciaire, ils ont tout fait pour démontrer qu’ils sont incarcérés injustement puisqu’ils n’ont rien fait de mal.
Dans un procès intenté par le Ministère public contre ces hauts responsables de la police, ils ont été accusés, entre autres, de complot contre le chef de l’Etat pour renverser le régime constitutionnel ; de tentative d’assassinat du chef de l’État à l’aide de fétiches ; d’outrage au chef de l’État et au Premier ministre ; d’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat ainsi que d’enrichissement illégal et déstabilisation de l’économie nationale.
Devant la barre, l’accusé en chef a tout nié réaffirmant que c’est plutôt une chasse à la sorcière. Sa place ne devait pas être dans la prison mais plutôt dans sa famille. Il a ainsi demandé sa libération provisoire à défaut d’être acquitté. Il a démontré encore une fois qu’il est fin connaisseur du code de la procédure pénale du Burundi en contrattaquant aux charges du Ministère public qui répète qu’il a tous les éléments à charge contre l’inculpé.
« Du début à la fin, j’ai toujours plaidé qu’on amène des éléments compromettants qu’il proclame détenir. Mais, jusqu’aujourd’hui, il n’a rien donné sauf lire à l’envers les dispositions de la loi. J’ai interjeté appel car cette Cour va voir que le premier juge s’est contenté de donner plus de crédit aux accusations au lieu d’appliquer la loi librement », s’est-il défendu.
Lors du deuxième jour du procès, l’ancien Premier ministre n’a pas oublié de dénoncer que la Cour n’a jamais voulu d’abord vider les exceptions qui étaient pourtant indispensables pour la bonne continuation du procès. Il a cité, entre autres, l’article 9 qui devait tout annuler. Il a rappelé qu’avant de procéder aux devoirs de sa charge, l’Officier de Police judiciaire doit, sous peine de nullité, faire mention de ses nom et prénom, son grade, le Commissariat auquel il est attaché ainsi que le numéro de la carte professionnelle délivrée par le procureur général de la République.
« Rien n’a été respecté. Veuillez constater que sur les procès-verbaux que j’ai, il n’apparaît aucune identification de l’OPJ. Bien plus, il a ignoré les conditions dans lesquelles ces interrogatoires ont été faites », explique-t-il. Passant du complot contre les institutions à l’enrichissement illicite, Alain Guillaume Bunyoni a réaffirmé qu’il est blanc comme neige et qu’il a toutes les preuves nécessaires pour démentir les affirmations du Parquet général de la République.
Aucune loi n’empêche à personne d’être riche
Concernant l’enrichissement illicite et ses biens non déclarés, il indique qu’il a tous les contrats de vente attestant qu’il les a acquis légalement et dans la transparence.
« Aucune loi n’interdit à un citoyen d’être riche. Quand le président de la République appelle que chaque bouche doit avoir à manger et que chaque poche doit avoir de l’argent, Bunyoni n’est-il pas concerné ? »
Et au Ministère public de rétorquer. « On n’a trouvé beaucoup de billets en francs burundais et en monnaies étrangères chez vous. Cela contribue à nuire à l’économie nationale. Par ailleurs c’est avec ces billets de banque que vous payiez ceux qui étaient avec vous pour comploter contre les institutions. » Selon l’accusé, ces affirmations sont mensongères et gratuites. Il a alors suggéré à la Cour de demander combien d’argent trouvé chez lui et sous quel motif les fouilles et perquisitions ont été menées secrètement.
« Si on t’avait averti tu aurais tout caché ou détruit. », martèle le substitut du procureur général de la République. En guise de réponse, Bunyoni a fait le décompte des hautes autorités déjà assassinées par des hommes en arme mais que les coupables se la coulent douce toujours. Pour lui, il n’aurait pas attendu qu’il soit tué avant d’être arrêté.
« Tout le monde connaît les généraux et les ministres déjà assassinés dans des conditions obscures. Je citerai, entre autres, le général Adolphe Nshimirimana, le colonel en retraite Jean Bikomagu, le général de brigade Athanase Kararuza, la ministre Hafsa Mossi, le colonel Darius Ikurakure assassiné dans les enceintes de l’Etat major des forces armées, et bien d’autres ». Tout en rejetant toutes les charges contre lui, il n’a pas hésité de lancer une pique à la Cour : « Est-ce que toutes ces infractions de nuire à l’économie nationale ou d’enrichissement illicite ont été stoppées depuis mon arrestation ? », s’est-il interrogé.
« Oui. On n’a saisi cette montagne de billets prétendus trouvés chez moi. Comment se présente la situation aujourd’hui ? Le dollar américain s’échange à combien ? Le carburant est-il disponible ? Vous constaterez avec moi que tout ceci est un montage bien orchestré par ceux qui veulent me faire taire. Je suis un mouton à sacrifier », déplore Bunyoni.
Les jugements de la Cour vous rendront blanc ou noir
Pour les accusés, ces interprétations de la loi sont vides de sens dans la mesure où la responsabilité pénale est toujours personnelle. Rien n’autorise à saisir les biens familiaux alors que la responsabilité pénale est toujours individuelle et personnelle. Ils déplorent le fait que le Ministère public arrête, ment et accuse les gens à tort et à travers se cachant derrière le privilège de ne pas être emprisonné ou condamné même s’il s’avère qu’il a commis des irrégularités ou des injustices.
Lors du procès, quand le Parquet égrenait les chefs d’accusation à l’endroit des condamnés, sans exception aucune, ces derniers clamaient haut et fort qu’ils sont dans le box des accusés à cause de la machination des uns et des autres, surtout ceux qui veulent se débarrasser des éléments gênants.
« Si la Cour devait constater que même les PV que j’ai été forcé de signer ont été modifiés, elle saurait que ce procès ne devait pas avoir lieu », s’est justifié Colonel de police Désiré Uwamahoro. Il persiste et signe que les arrestations, les enquêtes, les interrogatoires et les condamnations ont été effectuées sans aucun respect de la loi. Il indique en outre que le fait d’être condamné sur l’accusation du complot contre la sécurité intérieure et les institutions du pays est injuste puisque cette infraction n’existe nulle part dans le code de procédure pénale.
« Il confond une infraction avec un titre d’un chapitre du code de procédure pénale. Bien plus, j’avais demandé que des exceptions observées soient d’abord vidées dès le début mais il s’empresse de cacher ce qu’il devait montrer et démontrer », a-t-il ajouté.
Selon Uwamahoro, la divulgation du secret professionnel dont il est accusé n’a pas de sens dans la mesure où il ne travaillait pas au Parquet qui émet des mandats d’arrêt ou de perquisition. Il n’a pas non plus collaboré avec le service national des renseignements qui devait mettre en exécution l’arrestation d’Alain Guillaume Bunyoni qui était recherché. Il a réclamé que le Parquet démontre comment il aurait divulgué un secret qu’on ne lui avait pas confié.
Même son de cloche chez Samuel Destin Bampfumukeko. Il rejette en effet toutes les accusations du Ministère public portées contre lui. Il estime qu’il est sur la barre à cause des injonctions du chef de cabinet du service national des renseignements du Burundi qui voulait le mettre hors circuit à la suite des mésententes répétitives qui existent entre les deux personnes.
« Il m’avait toujours menacé de me faire du mal un jour. Et ce jour est arrivé. Vous ne faites qu’exécuter ses ordres et c’est lui-même qui vous a obligé de glisser mon nom dans cette affaire sombre. Vous ne cherchez qu’à sauver votre peau et c’est tout. Sinon, toutes ces accusations sont infondées », attaque-t-il.
Dieu appelé au secours
Lors de la séance de mardi 28 mai, un détail a surpris plus d’un dans l’audience de Côme Ndacayisaba qui s’est défendu seul sans l’assistance d’un avocat. Regard perdu, il parlait à voix basse. A toute question embarrassante, il évoquait le secours et la vengeance du Bon Dieu pour ses détracteurs. Accusé de comploter contre les institutions de la République en déplaçant la personne recherchée et en détruisant les preuves du complot, il a tout nié en qualifiant ces accusations de fantaisistes et mensongères.
« Que mon patron soit entré dans ma voiture constitue une infraction ? Même dans mes dépositions, je constate qu’on a changé ce que j’ai dit et je ne sais pas pour quel intérêt on ne respecte pas la parole de quelqu’un », a-t-il plaidé.
« Le premier juge n’a pas respecté la loi ! »
A l’ouverture de la séance, le Ministère public avait indiqué que lui aussi avait interjeté appel à cause des irrégularités observées dans la mise en exécution du procès précédent. Il estime que le siège n’a pas respecté la loi car les biens qui devaient faire l’objet de saisie ne le sont pas jusqu’ici.
« La loi n’a pas été respectée car l’arrêt devait être exécuté dans l’immédiat et même aucun sou d’amende n’a jamais été versé au Trésor public. Le jugement rendu stipule en effet qu’en plus de ses biens incriminés, la valeur d’amende à payer devait être multipliée par deux et c’était plus de 24 milliards de nos francs », a-t-il chargé. Il ne comprend pas pourquoi tout cela n’a pas été fait alors que la Cour est sensée connaitre la loi plus que toute autre personne.
Après le réquisitoire du Ministère public, les prévenus n’ont pas manqué de réclamer que la Cour les relâche et qu’ils soient dédommagés. L’affaire a été mise en délibéré et le verdict tombera dans un délai ne dépassant pas trente jours selon le président du siège.
L’histoire retiendra que comme dans les audiences précédentes, la sécurité autour et à l’intérieur de la petite salle d’audience se trouvant dans les enceintes de la prison centrale de Gitega avait été renforcée. Fouille corporelle minutieuse, interdiction de porter des lunettes, des montres, des bracelets, des carnets et des stylos à bille. Sauf pour les officiers de police et les membres du service national des renseignements, aucune autre personne n’avait le droit de porter le téléphone.
A la suite de l’exiguïté de la salle, ou des mesures de sécurité, tous ceux qui souhaitaient suivre ce procès n’ont pas eu le privilège d’y accéder. A l’entrée, la police te demandait pourquoi tu étais là. Beaucoup de gens ont alors préféré rebrousser chemin. Précisons que l’audience concernant la tentative d’assassinat du chef de l’État à l’aide de fétiches et l’outrage au chef de l’État s’est déroulée à huis clos.
J’aimerais personnellement savoir quelles sont les sources « légales » et origines « légales – aussi! » de ces richesses qui lui ont permis d’acheter « légalement » 153 maisons et parcelles, ainsi que 43 parcelles.
– Quelles activités commerciales « toujours légales » exerçait-il pour accumuler autant de richesses! – Quels employés (pas ceux qui ont construit ces maisons ou acheté ces véhicules) ont travaillé dans ses compagnies?
– Qui étaient ses partenaires d’affaires?
– Quels étaient ses fo-urnisseurs?
– Quels étaient ses clients?
– Où sont ses livres comptables?
– Pendant qu’il occupait ses hautes fonctions au sein de l’appareil étatique, combien de temps avait-il pour s’occuper de ses activités commerciales génératrices de ses richesses « ill-égales »?
S’il est capable de prouver la légalité de sa richesse, sa place n’est pas en prison mais dans l’enseignement : je vous garantis que le Burundi deviendrait une puissance économique mondiale avant même la fin de l’année 2030.
Ne venez surtout pas me dire que les avocats de l’État ne sont pas capables de penser à des moyens de prouver que ses revenus sont de sources illicites!
« Aucune loi n’interdit à un citoyen d’être riche ». C’est comment on le devient qui peut parfois « légalement » poser problème!
En entrant/sortant en fonction dans divers hauts services de l’état, Bunyoni a-t-il déclaré ses biens comme l’ordonne la Constitution? Si la déclaration a été faite et que l’autorité et la justice n’y ont rien trouvé de criminel ou répréhensible, les nominations ont été actées sans problème, signifiant qu’il n’y a rien à lui reprocher.
Au cas contraire, si la déclaration des biens n’a pas été faite, et qu’on découvre aujourd’hui qu’on a confié des hautes fonctions à un gangster de haut vol, l’autorité doit aussi de son côté assumer sa responsabilisé dans sa négligence de faire respecter la Constitution.
Car sans déclaration des biens à l’entrée et sortie de fonction, donc sans aucune référence ou comparaison, comment pourrait-on distinguer les biens acquis légalement et ceux acquis de façon frauduleuse? Il me semble que Bunyoni est en train de jouer sur cette corde.
@Jereve
Tant qu’il peut prouver qu’il a accumulé ses richesses légalement, cela me convient. Je ne suis pas intéressé à connaître combien il avait en entrant dans ses fonctions ou en en sortant. Qu’il l’ait déclaré ou pas, ses livres comptables devraient suffire pour faire la lumière sur ce qu’il avait à tout moment et à tous les niveaux au cours de son évolution de combattant démobilisé à premier ministre richissime!
Avec tous les avoirs et richesses qu’il a accumulés, tout homme d’affaire qu’il se prétend être et qui est transparent dans la gestion légale de ses affaires devrait avoir tenu une forme de comptabilité.
@Jereve,
Pourriez vous, s’il vous plait, partager la source du papier dans lequel on parlait des bien mal acquis au proche orient par un Burundais?
Merci
Cherchez sur internet « Dubai Unlocked ».
Merci @Jereve.
Mr Gacece,
Vos questions auront été répondues avant qu’il soit trop tard si le Burundi avait une presse libre. Regardez les cas des pauvres qui périssent dans les prisons de SNR et Pénitentiaires qu’ont ils fait. Et ceux qui sont morts juste ! Imaginez ce qui serait arrivé à un journaliste d’investigation qui aurait pointé au 5eme villas?
Si vous avez la chance de passer par Bruxelles, observez le nombre de journalistes Burundais qui y sont. C’est incroyable! Qui pensez vous les y envoyés?
Ce qui se passe au Burundi est « classic text book d’un systeme pourri ». De la tête jusqu’en bas!
@Jean Pierre Hakizimana
Une presse, même libre, ne voit pas tout… mais surtout, ne regarde pas tout. Et tout le monde sait qu’on ne peut voir que ce qu’on regarde scrupuleusement.
Certainement qu’elle ne voit pas tout mais elle peut oser poser de bonnes questions auxquelles les autorités seraient obligées de méditer dessus/débattes, etc, etc,,,,, vous voyez ou cela mèneraient. Peut être changer la mentalité et culture Burundaise. Bayesian theory!
Le Burundi est un pays ou l’information n’existe presque pas dans une période d’abondance d’offre et consommation d’information! Et ceci n’est pas un accident. La nouvelle loi de la presse!
La réalité est que quiconque qui a osé poser une question à été traité comme un enemi(e) de la nation donc obligé de partir en exile pour sauver sa peau sinon c’est la torture, prison, etc, etc, Mr le president le sait bien car il a travaillé avec/pour lui: Ce mr était un tyran dommage que l’on le remet pas au tribunal International pour crime contre l’humanité. Mais je soupçonne que ceci produirait une avalanche politique car les projecteurs seraient immédiatement sur les grandes tètes Burundaises. C’est pour cela que, je pense, il fallait le retirer de la circulation, le juger vite fait et le caser. Il ne faut pas le laisser parler car Mr sait trop!
Voici un example:
https://www.iwacu-burundi.org/un-journaliste-diwacu-echappe-a-une-tentative-denlevement/
Quand l’Etat terrorise!
CQFD!
@Jean Pierre Hakizimana
Arrêtez s’il vous plaît!
N’importe qui peut se déguiser en policier, utiliser une camionnette aux vitres tintés et tenter de kidnapper quelqu’un… Pourquoi pas des bandits?
On ne connaît pas non plus la vie personnelle de ce journaliste et les ennemis qu’il pourrait s’être faits dans sa vie personnelle ou professionnelle.
Toute personne voulant éliminer son ennemi sans se faire inquiéter peut y recourir… et faire porter le chapeau à la police ou à l’État.
Il est quand meme stupéfiant que le General Bunyoni ait invoqué les assassinats en plein jour des personnalités suivantes: Hafsa Mossi, le colonel Darius, le General Adolphe, etc…
1) Bunyoni etait Ministre de l interieur et sait quelque chose de ces assassinats
2) Pourquoi on ne profite de cette occasion pour recolter les secrets et crevé l abces.