Vendredi 22 novembre 2024

Économie

Regideso/Onatel :« Une restructuration s’impose !»

09/02/2021 Commentaires fermés sur Regideso/Onatel :« Une restructuration s’impose !»
Regideso/Onatel :« Une restructuration s’impose !»
Gabriel Rufyiri : « La Regideso a signé des contrats coûteux qui auront des impacts négatifs sur la vie de la population burundaise. »

La santé financière des sociétés publiques Regideso et Onatel laisse à désirer. La mauvaise gouvernance, entre autres problèmes, serait à l’origine de cette descente aux enfers. L’Olucome demande au chef de l’Etat de restructurer ces entreprises à l’instar de l’Office Burundais de Recettes (OBR).

« Ces entreprises connaissent des pertes financières énormes et une mauvaise gestion administrative suite aux manquements graves qui s’y observent », indique le président de l’Observation de lutte contre la corruption et les malversations économiques (Olucome), Gabriel Rufyiri. Selon lui, le leadership est instable et moins compétent. « Un directeur général nommé élabore une planification stratégique des activités qu’il n’achève pas faute de sa durée en fonction dans cette société car il se trouve remplacé prématurément. La pléthore du personnel recruté sans une procédure dans ces sociétés est un défaut».

D’après Gabriel Rufyiri, chaque directeur général recrute les militants du parti au pouvoir ou ses proches sur base de favoritisme et non sur base des critères objectifs. « Dans ces sociétés, ils font des commandes de matériels défectueux constituant des stocks morts ayant consommés d’énormes fonds de ces sociétés publiques».

Des arriérés de paiement énormes

Parmi les autres manquements observés par l’Olucome, il y a des arriérés dus par les entreprises privées et les services publics qui ne sont pas remboursés. « Pour la Regideso, l’ancien directeur général Jéroboam Nzikobanyanka avait affirmé qu’elle comptabilisait plus de 65 milliards de Fbu d’arriérés. La négligence dans la gestion des produits vendus cause également des dégâts énormes. Pour le cas de la Regideso, l’eau des robinets se déverse sans arrêt dans les camps militaires, policiers, dans les prisons, les écoles à régime d’internat, causant ainsi des pertes financières énormes à cette société, surtout pour les militaires et les policiers qui ne paient pas l’eau et l’électricité de cette société».

L’Olucome fait savoir que concernant les marchés publics lancés dans ces sociétés, ils sont attribués par clientélisme ou favoritisme à des personnes morales ou physiques non compétentes qui commandent des matériels défectueux emportant d’énormes moyens financiers suite à des frais de commissions qui sont octroyés aux personnels de ces sociétés.

Quid du contrat Interpetrol ?

De l’avis de l’Olucome, la Regideso a signé des contrats coûteux qui auront des impacts négatifs sur la vie de la population burundaise. « En effet, en 2010, la Regideso a signé un contrat avec Interpetrol selon lequel ce dernier devrait lui fournir 10 Mégawatt (10MW) pendant 6 mois. Selon les informations à la disposition de l’Olucome, l’achat de ces 10 MW a causé une perte totale de 3,7 milliards Fbu pendant 6 mois».

Pour ce contrat de 10 ans, poursuit-il, la perte pour la Regideso est de 7,4 milliards BIF par an soit 74 milliards BIF dans 10 ans. « Ces pertes sont en train d’être encaissées alors que depuis 2011 la Regideso a déjà revu à la hausse plus de 3 fois les prix de l’eau et l’électricité à la hauteur de plus de 100 % pour l’électricité et plus de 500 % pour l’eau».

Gabriel Rufyiri soutient que l’affaire ne s’est pas terminée par-là : « Même s’ils ont constaté les pertes, les responsables de la Regideso et certains membres du gouvernement de l’époque ont signé, en mai 2017, le second contrat avec toujours Interpetrol pour la location de 30 MW y compris les 10 MW de l’ancien contrat pour une durée de 10 ans irrévocable. D’après ce contrat, si la Regideso ne paie pas Interpetrol, ce dernier a le droit de saisir les comptes de cette société publique. » Et selon ce contrat, le gouvernement n’a pas le droit de l’annuler. « Cela étant, l’Interpetrol peut exiger à la Regideso de lui rembourser le montant équivalent à une quantité d’électricité non consommée de 10 MW par an car elle consomme moins de 20 MW par an au lieu de 30 MW convenus. Bien encore, le gouvernement a une obligation de donner à Interpetrol 30 % du coût total des ventes en devises selon ce contrat. » L’Olucome pense qu’il y a des cadres de l’Etat qui signent de tels contrats pour leur profit et non au profit de la population burundaise.
Et la société Payway ?

« Un autre contrat avec la société Payway a été signé en date du 15 février 2017. Le directeur de Payway est un homme d’affaires important au Burundi qui a représenté d’autres hommes d’affaires dans cette affaire. Payway était bien payée à telle enseigne qu’elle bénéficiait d’un taux de 8 % sur les unités cash power vendus et 5 % sur les factures payées. Les informations qui nous parviennent confirment que ce contrat pourrait bien être renouvelé malgré les préjudices énormes qu’il a causés à la Regideso», fait-il savoir.

L’Olucome rappelle que les cas passés des sociétés tombées en faillite et privatisés montrent qu’il s’est observé des malversations et détournements qui restent toujours impunis. « Lors de la dernière privatisation du port de Bujumbura, son directeur est parti en Afrique du Sud avec une somme importante de plus de 280 millions de BIF et sans libérer les actions qui oscillaient autour de 10 milliards de BIF. Le gouvernement n’a rien fait pour récupérer ces fonds».

Il donne un autre exemple : « A l’Onatel, une société sud-africaine a escroqué les mauvais gestionnaires de cette société d’un montant de plus de 650 mille dollars. Cette somme est toujours dans les mains de ces voleurs, selon nos dernières informations. Dans la politique de charroi zéro, au lieu de réduire les dépenses publiques comme prévu, le gouvernement a dû dépenser plus de 32 milliards de BIF par an au lieu des 12 milliards de BIF initialement prévus pour les indemnités kilométriques à cause des cadres de l’Etat qui mettent en avant leur profit au lieu de celui de la population. »

Une mauvaise gouvernance, selon le Premier ministre Bunyoni

Le Premier ministre Alain-Guillaume Bunyoni a regretté les mauvaises performances de la Regideso.

Dans une réunion avec le personnel de la Regideso en octobre dernier, le Premier ministre Alain-Guillaume Bunyoni a regretté les mauvaises performances de cette société qui ne génère pas de dividendes depuis 10 ans. « Vous devriez vous évaluer vous-même et vous demander la cause de la régression des employés de la Regideso », a-t-il martelé. Il avait indiqué que de nouvelles mesures ont été envisagées mais que c’est la Regideso elle-même qui s’oppose souvent aux réformes initiées par le gouvernement. Comme réformes, il a notamment parlé de la décentralisation de cette entreprise et l’installation des compteurs cash water. Quant au ministre de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines, Ibrahim Uwizeye, il a annoncé que la Regideso sera scindée en deux sociétés s’il s’avère possible de le faire.

Concernant l’Office national des télécommunications (Onatel), le chiffre d’affaires est passé de 10 milliards BIF en 2015 à 5 milliards BIF en 2020. Le gouvernement parle d’une mauvaise gestion de l’entreprise au cours de ces dernières années tandis que la direction avance un problème structurel. « L’Onatel ressemble à une maison sans toit, sans portes ni fenêtres. Son chiffre d’affaires est en dessous de zéro », a indiqué le Premier ministre Alain Guillaume Bunyoni devant les cadres de cette société publique. « Les causes de la régression de l’Onatel se situent au niveau interne. Il est étonnant qu’un personnel qualifié et compétent ne puisse pas s’adapter à la concurrence et à l’évolution technologique. Si cela est arrivé, c’est-à-dire que les employés ont failli à leur mission». As ses yeux, l’instabilité des directeurs généraux prouve à suffisance que les dirigeants de l’Onatel qui se sont succédé ont fait une mauvaise gestion. En substance, selon le Premier ministre, c’est la mauvaise gouvernance qui est à l’origine des déboires de l’Onatel.

Que propose l’Olucome ?

Le chiffre d’affaires de l’Onatel est passé de 10 milliards BIF en 2015 à 5 milliards BIF en 2020.

Selon I’Olucome, privatiser les sociétés publiques génère des pertes énormes au Burundi. Il demande au président Ndayishimiye de faire restructurer ces sociétés publiques à l’instar de l’Office Burundais des Recettes (OBR). Avec un préalable : « Faire tout pour que le contrat mafieux qui est entre Interpetrol et le gouvernement burundais soit annulé en respectant bien évidement les lois burundaises en la matière. De plus, sanctionner tous les présumés serviteurs signataires du contrat de 30 MW après un audit juridique et financier de ce contrat mafieux. »

L’Olucome demande au chef de l’Etat d’exiger que les 650 mille dollars retournent dans les caisses de l’Onatel et de sanctionner tous les cadres de l’Etat impliqués dans cette affaire de marché public. D’après cette organisation, il faut aussi exiger que les fonds qui ont été détournés par l’ancien directeur général du port de Bujumbura, nommé après la dernière privatisation, retournent dans les caisses de l’Etat, et donner l’ordre aux services concernés de clarifier les actions de chaque actionnaire du Port de Bujumbura car il existerait ceux qui percevaient des dividendes sans s’être acquittés de leurs actions.

Pour l’Olucome, il faut aussi commanditer un audit organisationnel et financier international afin de déterminer de façon précise la santé économique et financière de ces deux sociétés publiques et ainsi appliquer la loi sur l’action récursoire pour tout le montant de ces sociétés que le gouvernement ne sera pas capable de faire retourner dans les caisses de l’Etat. « Dans la foulée de ces actions, il faut demander les statuts de la société Payway afin de vérifier ses actionnaires car l’Olucome dispose d’informations selon lesquelles ces actionnaires seraient de hauts placés de la République avec leurs enfants ou leurs épouses».

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