Au Burundi et en Afrique en général, on célèbre bien la « journée de l’arbre », « la journée mondiale de l’enfant africain », « la journée de l’eau », celle de la « personne âgée », « handicapée » et bien d’autres « journées » sur des thèmes très variés. C’est une bonne chose et honni soit qui mal y pense.
Il y a quelques jours, on célébrait « la journée des personnes victimes des disparitions forcées ». La discrétion semblait de mise pour la célébration de cette journée. Aucun pouvoir n’est heureux de célébrer que des personnes qu’il est censé protéger « disparaissent ».
La disparition est une pratique hélas courante dans toutes les dictatures : la victime est niée dans la mort elle-même. Elle bascule dans le rien. La victime est littéralement effacée. La représentation de la mort (une tombe, une croix) permet une forme certes toujours insatisfaisante de réparation symbolique.
Avec l’effacement des traces, la personne soustraite de la vie est même effacée du monde des morts. Aucun rituel funéraire, aucune inscription sur une tombe, le mort bascule ipso facto dans le rien. Nul endroit pour se recueillir. Des dizaines, des centaines de milliers de Burundais ont été ainsi « effacés ». Une pensée à tous nos compatriotes tués et « jetés » sans aucune sépulture.
Effacer. C’est ce qu’ils ont voulu faire pour notre collègue Jean Bigirimana. Depuis cet après-midi du 22 juillet 2016. Aucune trace de Jean. Apparemment, parler de Jean Bigirimana gêne certains. Mais malgré les attaques, nous refusons le silence, l’effacement.
Ce dimanche, nos collègues de l’AJBE, Association des Journalistes Burundais en Exil ont rendu visite à la famille de notre collègue disparu qui vit en exil au Rwanda. Ils étaient porteurs de la petite collecte issue d’une campagne que nous avons lancée sur internet pour les enfants de Jean Bigirimana. Nous voulons aider les deux enfants à poursuivre leurs études dans des conditions décentes.
Merci à vous tous qui avez contribué. La cause est noble. Ce dimanche, il ne s’agissait pas seulement de remettre un peu d’argent, c’était pour leur dire : « nous sommes là, avec vous ». Et d’après nos collègues sur place, c’était la joie dans cette famille éprouvée. La maman et les enfants ont retrouvé leur sourire. Ils savent qu’ils ne sont pas seuls.
Au nom des journalistes d’Iwacu et de toute la famille des journalistes, partout où ils se trouvent, merci à tous ceux qui ont répondu à notre appel. Soutenir les études de ces enfants, c’est refuser une seconde mort de Jean Bigirimana. Que la solidarité soit notre force.