Alors que la formation des candidats agents recenseurs se poursuit à travers tout le pays, du 25 juillet au 11 août 2024, ces derniers dénoncent les « mauvaises conditions de traitement » et appellent au changement pour ne pas discréditer le dénombrement principal prochain.
À travers le point de presse qu’il a animé le 24 juillet 2024, le Directeur général de l’Institut national de la statistique du Burundi (INSBU) et président du Bureau central du Recensement Général (BCR) de la Population, de l’Habitat, de l’Agriculture et de l’Élevage (RGPHAE) a annoncé le début d’une formation à l’intention des candidats agents recenseurs. Initialement prévue de débuter le 23 juillet 2024, cette formation des candidats agents recenseurs, qui vont prochainement faire le dénombrement principal, a été reportée.
« Pour des raisons indépendantes de sa propre volonté et compte tenu de la non-disponibilité des listes définitives des candidats agents recenseurs présélectionnés dues à beaucoup d’irrégularités constatées par les Comités communaux du recensement général de la PHAE, notamment liées aux fonctionnaires qui figuraient sur les listes et des candidats dont les dossiers ne sont pas complets, la date de la formation est reportée au jeudi 25 juillet 2024 », peut-on lire dans le communiqué relatif au report de la formation des agents recenseurs daté du 23 juillet 2024 et signé par Nicolas Ndayishimiye, président du BCR.
Comment se déroule cette formation ? Iwacu a recueilli des témoignages des agents recenseurs et contrôleurs aux différents centres.
Des conditions difficiles pour les candidats agents recenseurs
Tous les candidats agents recenseurs contactés par Iwacu reconnaissent que la formation dont ils bénéficient se déroule dans des conditions qui ne les favorisent pas. « Par exemple, puisque la formation a été reportée, nous avons consommé beaucoup d’argent avant le début proprement dit de la formation. Cet argent ne nous sera pas remboursé. On nous a promis de nous donner chacun 10.000 BIF pour le déplacement (aller-retour). Or, ces frais de déplacement seront versés sur nos comptes après la formation. Nous nous débrouillons pour arriver aux centres de formation avec le coût actuel des déplacements », se lamentent-ils.
Il en est de même au niveau du logement. Certains ont pu louer des chambres, tandis que d’autres sont dans une situation précaire. « Nous avons quitté nos collines pour aller suivre la formation au chef-lieu des communes. Ceux qui n’ont pas d’argent pour louer des chambres d’hôtel se contentent d’aller se loger chez leurs familles et ceux qui n’ont pas de famille habitant à proximité des centres de formation se retrouvent dans une situation intenable. »
N.J., un candidat agent recenseur qui suit une formation dans l’un des centres de l’ancienne circonscription de Cibitoke, dénonce le mauvais traitement dont ils sont victimes. « Nous mangeons une fois par jour. Dans la formation, on nous donne une assiette de 18.000 BIF comme repas de midi avec un retard très considérable. Des frites, du riz, du haricot, un morceau de viande et de feuilles d’amarante cuites accompagnés par de l’eau de Kinju et du fanta. C’est tout ça comme plat de 18.000 BIF. », précise-t-il.
Il indique que pendant le soir, ils tirent le diable par la queue. « On se débrouille pour se nourrir le soir. Si tu n’as pas d’argent, tu passes une nuit blanche. Nous ne parvenons pas à bien suivre la formation. Certains d’entre nous ont déjà abandonné la formation à cause justement de ces mauvaises conditions. »
Nos sources dans les anciennes circonscriptions de Kirundo, Gitega et Muramvya rencontrent le même calvaire. Certains parmi ces candidats agents recenseurs ont préféré abandonner la formation parce que la situation était intenable. « Quand on fait l’appel et qu’on constate qu’il y a ceux qui sont absents, on considère qu’ils ont abandonné la formation et on les remplace immédiatement. Il y a des gens qui restent aux environs en attendant de remplacer les autres », lâche une source à Kirundo.
Cette même source indique qu’il est difficile de discuter entre eux de tous ces problèmes et surtout de faire un signe de réclamation. « Il y a ceux qui veulent le faire, mais ils ont peur car on leur dit que c’est un travail patriotique et qu’il est interdit de réclamer en groupe. »
Les contrôleurs ne sont pas épargnés.
« Comme la formation était prévue de débuter le 23 juillet, nous nous sommes dépêchés pour approcher les centres de formation. Mais, vous savez que la formation a été reportée. Nous ne pouvions pas retourner chez nous et revenir encore une fois vu le coût actuel des déplacements. Nous avons préféré y rester. Franchement nous vivons le même calvaire que ceux que nous formons », confie F.I, un des contrôleurs.
Il signale que même leurs frais de formation (la formation des contrôleurs a terminé le 14 juillet) ne sont pas encore versés sur leurs comptes. « On se débrouille comme les autres. Pire encore, nous avons été surpris de voir que le contrat pour les contrôleurs débute le 29 juillet alors que la formation a débuté le 25 juillet 2024. C’est vraiment choquant. »
Ils appellent au changement. « Nous demandons que la situation s’améliore sinon qu’ils n’attendent pas aux données fiables. Puisque si on commence comme ça, le prochain travail de terrain risque d’être compromis »
Par ailleurs, les agents recenseurs et leurs formateurs demandent qu’on leur donne ces 18.000 BIF prévus pour une assiette afin qu’ils puissent se débrouiller. « Là où nous sommes, le coût réel de l’assiette qu’ils nous donnent est de 3000 BIF. Avec le fanta et l’eau qui accompagnent ce plat, la consommation s’élèverait à 7500 BIF », glisse une source à l’un des centres de Cibitoke.
Des insolites
« Jusqu’à la première date de la formation, c’est-à-dire le 23 juillet, l’information faisant état de son report n’était pas encore tombée », se désole un de nos sources.
Certains auraient été désorientés sur le lieu de la formation. « Par exemple, ceux de Gitebo et l’ancien Bwambarangwe se sont d’abord rendus à Kobero dans la province de Muyinga parce qu’ils étaient informés que c’est là où la formation allait avoir lieu. Arrivés là-bas, ils ont été réinformés que c’est plutôt à Rusarasi (Busoni) où allait se tenir ladite formation. Ils sont retournés. », raconte un des agents recenseurs
Après deux jours passés à Busoni, poursuit notre source, les chefs du Bureau provincial de recensement et celui du cabinet de gouverneur de la province Kirundo ont décidé de nous délocaliser vers un centre du chef-lieu de la province, puisque à Busoni, les conditions étaient désastreuses. « C’est nous mêmes qui avons payé le transport vers au chef-lieu de la province. Imaginez-vous alors avec le coût actuel des déplacements ce que nous endurons. »
À Cibitoke, au moins un directeur d’internat a pu loger quelques candidats agents recenseurs qui étaient arrivés le 23 juillet. Mais là aussi, ils se débrouillaient pour manger. Pendant la formation, les candidats agents recenseurs s’asseyent à même le sol pour manger. « Il n’y a pas de tables. Les conditions d’hygiène ne sont même pas respectées. »
Une autre insolite : la quantité de nourriture servie aux candidats agents recenseurs est sciemment diminuée pour la revendre à ces derniers pendant la nuit. « Puisqu’ils savent que le BCR ne nous prend pas en charge pendant la nuit, ils nous donnent une quantité de nourriture insignifiante. Nous achetons le reste comme repos du soir à un prix qui varie entre 3000 BIF et 4000 BIF. », indique une source à Cibitoke.
Un message d’avertissement avait été donné
Dans un message destiné aux candidats agents recenseurs, ils avaient été informés qu’« il n’y aura pas de pause-café, seule la pause déjeuner et une bouteille d’eau sont prévues par jour et par personne. »
Le même message précise qu’il n’y a jamais existé de frais de formation. « Seuls les frais de déplacement sont prévus à raison de 10.000 BIF par jour et par personne et ces frais seront donnés à la fin de la formation. Le BCR ne prend pas en charge les gardes de vos enfants (les nounous). »
Enfin, ce message annonce que pendant la collecte des données, un montant forfaitaire sera donné à chaque personne. Ce montant sera mentionné dans le contrat qu’elle va signer avec le BCR.
Pour rappel, le président du BCR, Nicolas Ndayishimiye avait indiqué que le coût global de la mise en œuvre du RGPHAE s’élève à 97 milliards BIF et que 66 milliards sont déjà disponibles. C’était à Gitega lors du lancement de la campagne de sensibilisation pour le recensement général.
Il sied de rappeler également qu’un recensement général se fait dans le but de mettre à la disposition des décideurs des statistiques fiables et justes visant à aider ces derniers à faire une bonne planification, un suivi, une mise en œuvre et une évaluation des programmes, projets et politiques publics idoines.
Le BCR explique
« Je n’ai pas de commentaire spécial sur ces lamentations, qui d’ailleurs, ne reflètent pas le sentiment de plus de 18000 candidats en formation. Je trouve par exemple non fondé quelqu’un qui s’est présenté au lieu de la formation le 23 juillet 2024 alors que ce lieu n’était pas encore communiqué selon la note de présélection y relative qui disait que la formation va commencer le 23 juillet dans des lieux qui seront communiqués ultérieurement. », réagit d’entrée de jeu, Nicolas Ndayishimiye, président du BCR.
Pour les autres lamentations, avance toujours M. Ndayishimiye, le Bureau Central du Recensement (BCR) suit la même procédure depuis qu’il a commencé à former plus de 800 agents cartographes en décembre 2023 (à Bujumbura), près de 900 agents contrôleurs et assistants TICs en juin et juillet 2024 (dans les cinq nouveaux provinces).
« Par ailleurs, ceux qui se lamentent qu’ils ne vont pas collecter de données fiables, c’est qu’ils ne sont pas du métier statistique et ont un faible niveau d’amour de leur patrie. », insiste le président du BCR.
Sur la question des frais de déplacement des contrôleurs, Nicolas Ndayishimiye rappelle que le BCR leur avait déjà informé de la procédure à suivre dès le début de la formation. « Pour leurs contrats, ils ont commencé le 25 juillet 2024 et le BCR a pris quatre jours pour une mise à niveau par rapport à la performance individuelle et ce, au regard des résultats qu’ils ont obtenus après la formation et à leurs capacités managériales. »
Le président du BCR pense d’ailleurs que malgré ces « mauvaises conditions » le dénombrement principal prochain ne pourra pas être discrédité. « Car, parmi eux, nombreux sont ceux engagés pour la réussite du RGPHAE, opération statistique de souveraineté nationale et gage de l’indépendance de notre pays, le Burundi. »
Toutefois, il souligne que le BCR est en contact permanent avec eux et tout ira bien.
« Par ailleurs, ceux qui se lamentent qu’ils ne vont pas collecter de données fiables, c’est qu’ils ne sont pas du métier statistique et ont un faible niveau d’amour de leur patrie. »
»Le patriotisme est un sentiment partagé d’appartenance à un même pays, la patrie, sentiment qui en renforce l’unité sur la base de valeurs communes. Il conduit à ressentir de l’amour et de la fierté pour sa patrie. Le patriote est prêt à se dévouer ou à se battre pour elle afin d’en défendre les intérêts ».
Burya hamwe abatwara hamwe n’abatwangwa bose bogira sentiment patriotique niho vyogenda neza mais non pas appeler les uns A etre patriotes comme si ils ne le sont pas. Entre celui qui debloque 18000BIF pour ce plat combien modeste et celui qui constate que le prix est exorbitant et qu’A un tel prix le plat pourrait etre double pour soulager la faim du soir, je me demande qui?? des deux peut se reclamer patriote. Si ce n’est pas l’un c’est l’autre.