La famille et l’association Bafashebige qualifient d’injuste et arbitraire la décision de refuser le diplôme à une lycéenne. Pour le directeur de l’école, le conseil disciplinaire n’a fait qu’appliquer le règlement scolaire.
« Comment la direction a-t-elle pris une telle décision sur base de soupçons ? Pourquoi avoir attendu qu’elle rentre pour lui refuser le diplôme ?», s’interroge Marcien Nsengiyumva, oncle paternel d’Espérance Hatungimana. Cette dernière, élève au Lycée pédagogique de Gihanga a vu le conseil de discipline de son école lui refuser le diplôme parce que la soupçonnant d’être enceinte. Pour lui, cette décision est injuste et arbitraire.
Même son de cloche pour Emmanuel Nibizi,Secrétaire exécutif de la Coalition Bafashebige. Il parle d’une mesure illégale, surtout basée sur des soupçons, voire un abus de pouvoir : « C’est une violation de ses droits ! »
Selon Nestor Ngendabanka, directeur du Lycée communal pédagogique de Gihanga, le conseil de discipline n’a fait qu’appliquer l’article 9 du chapitre II de l’ordonnance ministérielle du 7 juin 2011 portant fixation du règlement scolaire. Celui-ci stipule que les fautes qui méritent un renvoi et une non-admission dans aucun établissement pour l’année scolaire en cours sont l’homosexualité, les relations sexuelles en flagrant délit, une grossesse (l’élève est réintégrée ailleurs après accouchement). « Même si l’année touchait à sa fin, elle n’était pas finie, contrairement à ce que ses proches pensent», explique le directeur.
Un encadreur était dans le collimateur
Onze filles de cette école étaient soupçonnées d’être enceintes et toutes ont été convoquées, selon le directeur. Et comme les élèves de la terminale de étaient déjà rentrés, la direction a demandé au tuteur de Mlle Hatungimana de la contacter : « Quand Mlle Hatungimana ne s’est jamais présentée, nous avons conclu au mépris. Deux élèves ont avoué qu’elles étaient enceintes. Les autres ont fait un test de grossesse qui s’est avéré négatif.»
De plus, ajoute Mr Ngandabanka, l’élève recalée était soupçonnée d’être enceinte des œuvres de l’un des encadreurs de l’école. De ce fait, il était impératif qu’elle se présente pour faire la lumière sur cette affaire: « La crédibilité de notre école était en jeu, on ne veut pas que notre établissement porte l’étiquette de bordel. »
L’oncle paternel affirme que la convocation n’ait pas parvenue à sa nièce : « Ce n’est que par après que nous avons pris connaissance de la cause du recalement. »
Pour le directeur du Lycée communal pédagogique de Gihanga, la jeune fille doit reprendre l’année et va être réintégrée dans un autre établissement scolaire. Mais sa famille ne compte pas abandonner la partie: « Qu’elle soit enceinte ou non, elle avait réussi et on ne voit pas pourquoi elle doit reprendre l’année. » La famille d’Espérance Hatungimana ont d’abord porté plainte à la direction provinciale de l’enseignement de Bubanza puis au ministère de l’Enseignement de primaire et secondaire. Elle attend la suite du recours.
Victime de son refus
Pour Donatien Muryango, Inspecteur régional de l’enseignement secondaire public et privé dans la région Ouest, la décision du conseil de discipline est légale du fait qu’il a convoqué la jeune fille et qu’elle ne s’est pas présentée. En plus, ajoute-t-il, l’année passée une trentaine d’élèves de ce lycée étaient enceintes ; et l’année suivante plus d’une dizaine. Pour lui, il est tout à fait normal que la direction de l’école prenne des mesures : « Elle est victime de son refus. Pour la couvrir, son tuteur avançait qu’elle souffrait d’un abcès, mais sans aucune pièce justificative. » Néanmoins, tranquillise l’inspecteur régional, si Espérance Hatungimana vient témoigner, « peut-être qu’elle aura gain de cause. »