Cinq Burundais armés de fusils sont gardés dans une cellule militaire du 104ème régiment de Luvungi. Ils accusent le directeur général adjoint de la police et le commissaire provincial à Cibitoke de les avoir envoyés pour traquer des FNL.
<doc4093|left>« On accusait les FNL de perturber la sécurité dans notre pays. Pourtant, des éléments envoyés par les cadres de la police burundaise sont surpris sur notre sol avec des armes », s’étonne M.E, un habitant de Luvungi. Des informations recueillies auprès des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) parlent d’un groupe armé recherché, il y a un mois. L’incident se produit lundi 21 mai, selon nos sources. Vers 14 heures, indiquent-elles, le chef de la position Lubenga située à la frontière avec le Burundi et son agent de transmission sont arrêtés à un kilomètre de la position par des hommes armés.
Les victimes n’ont pas d’armes et sont en tenues civiles. D’après les mêmes sources, ils les conduisent dans une petite forêt près de la Rusizi. «Nous y avons trouvé 7 personnes capturées, depuis 6 heures du matin et 6 vélos», témoigne le chef de la position Lubenga. 5 minutes après, poursuit-il, son agent de transmission parvient à s’échapper. « Il est alors allé alerter d’autres militaires restés à la position », indique-t-il. L’intervention ne tarde pas car quelques minutes après, quatre militaires de la position Lubenga ceinturent leurs adversaires. Comme Iwacu l’a constaté, c’est un petit espace aménagé, à côté de la Rusizi. Des restes de nourriture comme la pâte et les poissons étaient visibles. On remarque aussi plusieurs sentiers battus, prouvant que ces gens faisaient beaucoup de déplacements. « Ils passaient dans une petite île de la Rusizi pour franchir la frontière », raconte le chef de poste. Selon les éléments de la FARDC, ces hommes armés déclinent immédiatement leur identité quand ils voient cette intervention. « Ne nous faites pas de mal, nous avons été envoyés par des cadres de la police nationale pour traquer des éléments des FNL sur le sol congolais », signalent-ils.
Ces militaires les tranquillisent et les invitent à venir à la position pour leur montrer le bon chemin à suivre. « C’était une tactique militaire pour les arrêter et sauver la vie de notre chef sans faire de dégâts », explique M.I, un autre militaire. Arrivés à la position de Lubenga, racontent nos sources, trois d’entre eux s’enfuient, mais cinq autres sont désarmés de leurs 2 fusils kalachnikov et de 2 pistolets neufs. Ils sont alors conduits au centre Luvungi, au 104ème régiment pour interrogatoire.
Le moment des révélations
Iwacu a pu voir ces personnes capturées, mais a sollicité la permission de les interviewer sans succès. Pourtant, des sources proches du 104ème régiment de Luvungi révèlent que ces gens ont indiqué avoir été envoyés par Jérôme Ntibibogora, commissaire provincial de police à Cibitoke, à l’Ouest du Burundi et Gervais Ndirakobuca, directeur général adjoint de la police nationale. Les mêmes informations précisent que ce sont ces hauts cadres de la police qui leur donnent les armes et les munitions. Les informations recueillies auprès de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR), à Luvungi, expliquent qu’ils étaient chargés de traquer les FNL.
En outre, nos sources constatent que ces éléments sont parmi ceux qui perturbent la sécurité en RDC: « Vendredi dernier, vers 16 heures, ils ont tendu une embuscade à une camionnette militaire au groupement de Bwegera. » Ces informations font état de deux militaires de grades de Major et Lieutenant tués sur le champ et de six militaires blessés. Des militaires congolais ayant requis l’anonymat estiment que cette question sera discutée entre les deux gouvernements. Ils déplorent que cet acte intervienne au moment où les relations de bon voisinage impliquent l’échange d’informations et non des infiltrations.
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<img4094|left><img4095|left><img4096|left><img4097|left><img4098|left>{Ces cinq personnes arrêtées sont gardées temporairement dans une cellule militaire à Luvunge. Elles peuvent être transférées d’un moment à l’autre à Bukavu. Il s’agit de : Théophile Manirakiza, Bernard Niyonkuru, Benoît Bizindavyi, Marc Nsandaganya, Jean Paul Ndikuriyo. Trois autres se sont évadées.}
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Les deux officiers nient les faits
Jérôme Ntibibogora, commissaire provincial de police à Cibitoke, signale que la police était déjà à la recherche de Théophile Manirakiza et son groupe. « Ce sont des bandits qualifiés », indique-t-il. A la question de savoir comment la bande a eu des armes dites de la police, M. Ntibibogora sort un pistolet et dit : « Regarde bien. Toute arme de la police est estampillée PNB. Même celles de l’armée ont des marques distinctives. Ceci pour prouver que ces armes ne sont pas de la police nationale. »
Toutefois, le commissaire reconnaît que Théophile fut un agent du SNR. Théophile avait été recruté comme agent de renseignements, affirme-t-il, pour le ramener à la raison, car il était indiscipliné. Néanmoins, continue le commissaire, il était toujours poursuivi puisque son comportement n’a pas changé.
Gervais Ndirakobuca alias Ndakugarika réfute toutes les allégations portées contre lui. Le numéro 2 de la police burundaise affirme qu’il ne connaît pas les personnes arrêtées. Par ailleurs, explique-t-il, il ne peut pas collaborer avec le commissaire provincial. « Hiérarchiquement parlant, c’est le commissaire régional qui est directement sous mes ordres», souligne-t-il. Ndirakobuca estime que son nom a été cité pour ternir son image.
Elie Bizindavyi, porte-parole de la police nationale, réfute catégoriquement les accusations de ces personnes arrêtées en RDC : « Ce sont des malfaiteurs qui veulent discréditer notre corps. » Au niveau de la faisabilité, constate-t-il, cette mission est impossible. « Il n’y a pas de relation directe entre le directeur général adjoint de la police et un commissaire provincial, selon la hiérarchie du corps de police », explique-t-il. Il estime qu’ils ont cité les noms de ces deux cadres de la police pour se couvrir : « Quand on est surpris dans des actes de barbarie, on peut user de tous les moyens pour être libéré. » Le porte-parole de la police reconnaît que les relations sont au beau fixe entre les deux pays : « Nous échangeons des informations, mais la RDC n’a pas encore signalé ce cas. »
Philippe Nzobonariba, secrétaire général et porte-parole du gouvernement, estime que ces bandits se sont entendus pour citer les noms des deux policiers, une fois attrapés. Pour lui, le gouvernement congolais n’a pas encore saisi le Burundi pour ce cas.
« Théophile faisait la pluie et le beau temps »
«Finalement, vous les Burundais, vous êtes très compliqués ! Vous dites que ce sont des combattants FNL qui font des ravages dans notre pays. Mais ce sont des espions de votre gouvernement », lance un Congolais rencontré sur la Rusizi. Fâché, ce quinquagénaire indique que les 5 ne s’inquiétaient de rien même dans les mains de l’armée congolaise : « Ils ont même téléphoné à certaines hautes autorités de la police burundaise. »
Le constat est le même chez les Burundais rencontrés sur la Rusizi. « C’est une honte pour la nation. Des bandits qui prétendent travailler pour notre patrie ! Ce qui est étonnant, ils ont téléphoné au commissaire Jérôme, d’après ce que j’ai entendu », s’indigne N.H. Dans sa pirogue, J.M. fait signale que toutes les activités sur la Rusizi ont été suspendues au moment de leur capture.
A Rugombo, des habitants rencontrés poussent un ouf de soulagement : « Théophile et Elysée sont des agents du SNR, et tout le monde le sait. Ils intimidaient tout le monde dans notre commune. Avec des armes de la police, ils faisaient des navettes entre le Burundi et le Congo. Dernièrement Théophile a pris par force deux chèvres qu’il a vendues au Congo », déplore un habitant de Rugombo. Toutefois, les inquiétudes ne manquent pas. Un autre homme doute : « Je ne pense pas que Théophile et son groupe peuvent passer beaucoup de temps en prison. Ils vont les relâcher et nous serons très malheureux. »