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RDC : luttes intestines au M23

05/05/2013 Commentaires fermés sur RDC : luttes intestines au M23

Depuis fin février, le mouvement du M23 s’est scindé en deux groupes. Les combats obligent la population à fuir. La Monusco déclare qu’elle n’acceptera pas la reprise de Goma.

<doc7506|left>Depuis février 2013, le M23 s’est déchiré en deux factions. La première est composée de combattants du colonel Sultani Makenga. A ses côtés, on retrouve le colonel Vianney Kazarama et Bertrand Bisimwa, respectivement porte-paroles militaire et politique.
La 2ème aile est menée par Jean-Marie Runiga et Bosco Ntaganda, [celui-ci étant déjà à la Cour pénale internationale (CPI).->http://www.jeuneafrique.com/Article/DEPAFP20130323094110/cpi-rwanda-kigali-rdcrdc-bosco-ntaganda-ecroue-a-la-haye-comparaitra-mardi-devant-la-cpi.html]

Pourquoi ces dissensions ?

Selon les informations recueillies à Bunagana et à Rutshuru, les deux groupes se disputeraient le leadership du mouvement. La pomme de discorde reside dans un potential compromise entre Kinshasa et les rebelles. Ce compromise ferait ainsi suite à l’accord-cadre sur la paix, la sécurité et le développement de la République Démocratique du Congo et de la région des Grands Lacs qui a été signé à Addis-Abeba. Concrètement, le camp de Runiga s’opposerait farouchement à toute intégration au sein des institutions nationales congolaises alors que le groupe de Makenga serait prêt à appuyer une telle démarche.

Un autre malentendu, selon une source proche de la société civile, résiderait dans le partage du butin pillé lors de la prise de Goma le 20 novembre 2012. « Ils ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur comment partager tous les biens pillés » explique D.E de la société civile. Cette source affirme que 50 véhicules de type jeeps de la garde présidentielle se trouvent pour le moment au camp Rumangabo. « Ils ont été bloqués au moment où ils arrivaient au Soudan du sud », signale une autre source.

Un combat est engagé

Des sources sur place indiquent que le groupe de Sultani Makenga a tenté de désarmer Jean-Marie Runiga à sa résidence de Bunagana, localité située à la frontière avec la ville ougandaise de Kisoro sans y parvenir. «C’est Bosco Ntaganda, un autre officier rebelle qui a réussi à extirper Runiga de la menace de Makenga vers 19 heures», révèle N.U, un combattant du M23.

A partir de cette heure, raconte G.F, membre de la société civile à Rutshuru, des coups de feu ont été entendus toute la nuit : «Certains habitants ont fui vers l’Ouganda voisin et d’autres se sont cachés dans leurs maisons ». Cette source indique que Jean-Marie Runiga aurait déjà quitté Bunagana pour s’installer à Rutshuru-centre, situé à environ 80 km de Goma, dans la province du Nord-Kivu.

Une journaliste congolaise tuée

Lors de ces affrontements entre les deux tendances de la rébellion, Sifa Kahashi, journaliste congolaise, a été tuée. D’après H.N, un habitant de Rutshuru, cette journaliste de la radio locale privée, la Colombe, était présente sur les lieux quand les discussions entre les deux groupes ont commencé. « Quand les affrontements ont éclaté, les rebelles ont tiré sur elle afin qu’elle ne diffuse pas ce qu’elle avait vu », explique notre source. Ces attaques ont également semé la mort à Rutshuru. Le bilan reste toutefois inconnu. Mais les habitants de cette localité évoquent trois officiers fidèles à Jean Bosco Ntaganda tués au cours de l’attaque.

Des combattants de Jean Bosco Ntaganda sont pour le moment aux environs de la ville de Goma. « Ils veulent reprendre Goma », s’inquiètent certains habitants de ce chef-lieu de la province du Nord-Kivu. Néanmoins, les responsables de la MONSUCO font savoir qu’ils n’accepteront plus la reprise de Goma. Des hélicoptères onusiens effectuent des patrouilles presque toute la journée pour localiser les rebelles. Suite à ces combats de dimanche et lundi (24 et 25 février), des éléments du M23 avaient quitté les régions de Rutshuru-centre et de Kiwanja. Les Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) ont profité de ce retrait pour occuper de nouveau ces localités. Néanmoins, au moment où nous mettons sous presse, nous apprenons que les FARDC se sont encore une fois retirées après quelques atermoiements. Les combats entre les deux groupes du M23 se poursuivent.

Les combattants fidèles à Sultani Makenga sont spécialement déployés dans presque tout le territoire de Rutshuru et à Runyuni, point culminant d’où l’on peut voir facilement certaines localités du Rwanda. D’après des combattants du M23, on peut installer des armes lourdes et attaquer ou pilonner beaucoup de localités de la RDC à partir de Runyuni qui se trouve à presque 1 km du Rwanda.

<doc7505|right>La population s’inquiète

Des habitants des localités de Mbuzi et Rusayo dans le groupement de Bweza et Chengerero n’ont pas quitté leur ménage. Toutefois, ils vivent la peur au ventre tout comme la population restante de Rutshuru. Les gens y vaquent timidement à leurs activités quotidiennes. Du moins ceux qui sont restés car une partie de la population de Rutshuru a fui vers Kanyarucinya, à presque trois kilomètres de Goma.

La situation est aussi tendue à Gicanga, une localité à cheval entre Masisi et Rutshuru. Les combats opposent les FARDC à un groupe d’hommes armés non encore identifiés, apparemment dirigé par un certain colonel appelé Janvier. Plus d’une centaine de personnes ont été tuées et plusieurs blessés ont été évacués par le CICR, les avions de la MONUSCO et la Croix Rouge du Congo. Ils sont admis à l’ECC/CBCA, centre hospitalier Bethesida de Goma. Ils sont soignés par la Croix Rouge. La population demande aux deux groupes de s’entendre afin d’accélérer les négociations avec le gouvernement à Kampala.

Une suite de scissions

D’aucuns constatent que ce mouvement n’a jamais réellement affiché d’unité. En effet, le M23 est un groupe créé suite à la guerre du Kivu. Il est composé d’ex-rebelles du CNDP, réintégrés dans l’armée congolaise suite à un accord de paix signé le 23 mars 2009 avec Kinshasa. Ils ont alors mis en place ce mouvement parce qu’ils considéraient que le gouvernement congolais n’avait pas respecté les modalités de cet accord. Chaque aile a nommé son représentant dans les négociations de Kampala : Makenga qui serait plus enclin à un accord avec le gouvernement congolais est représenté par René Abangui alors que Runiga, soutenu par le Rwanda et l’Ouganda, a envoyé Roger Lumbala, député d’opposition devenu soutien du mouvement rebelle.

Néanmoins, la tendance pro-Sultani Makenga, affirme, via communiqué officiel, ne pas avoir connaissance d’un quelconque projet d’accord avec Kinshasa qui pourrait déboucher sur l’intégration de ses hommes dans l’armée congolaise. La signature d’un tel compromis était attendue pour le 15 mars, sanctionnant ainsi les pourparlers de Kampala. Le communiqué a été signé par Bertrand Bisimwa, nouveau président politique du M23 pro-Makenga ce 13 mars.

<quote>L’accord d’Addis-Abeba du 24 février 2013 prévoit un retour à la paix dans l’Est de la RDC. Toutefois, aucune sanction n’a été decidée vis-à-vis du M23. Pour atteindre ce but, Kinshasa pourrait mettre en place une réintégration partielle des rebelles dans l’armée nationale, comme cela avait été le cas en 2009 avec la rébellion du CNDP. Le texte va être proposé très bientôt au facilitateur ougandais. Kinshasa serait d’accord pour intégrer le mouvement du M23 dans l’armée nationale, jusqu’au niveau du grade de lieutenant. Pour les autres officiers, l’analyse sera menée au cas par cas. Selon cet accord, certains mutins seront intégrés dans la vie civile. Pour les grands chefs notamment ceux touchés par des sanctions onusiennes, ce sera également du cas par cas. Il pourra y avoir une amnistie avec l’accord du parlement. Le même accord exige que la RDC approfondisse la démocratie et réforme son armée.</quote>

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