La province de Kirundo vit sa plus belle saison culturale depuis bien des années. La récolte est bonne, affirme la population. Mais, celle-ci et l’autorité restent sur leurs gardes : la famine peut les surprendre.
<doc6915|left>« 200Fbu pour trois pièces», c’est la réponse qu’on reçoit d’une maman venue vendre ses maïs grillés, au bord du lac Rweru, en commune Busoni. Cette somme, c’est la valeur d’un seul dans d’autres provinces, s’étonnent les visiteurs, de passage sur ce lac.
Ce n’est pas tout. Sur les routes, le sorgho et le tournesol fleurissent. La récolte est proche. Quittant le lac, tout au long de la route menant au chef-lieu de la commune, des tas de haricot, non encore décortiqués, suspendus sur le toit des maisons se remarquent. Les cabarets de l’{urwarwa} (bière locale fabriquée à partir de la banane) font aussi de très bonnes affaires.
Hélas ! Malgré les sourires, la mauvaise expérience, récurrente, la "malédiction" comme on l’explique ici, n’est pas loin dans les esprits : "Nous pouvons être surpris à n’importe quel moment", indique un habitant de la commune Busoni, qui craint "des pluies avec de la grêle, et tout est fini" …
À l’origine, le déboisement
Pour l’origine des affres que vit la population de Kirundo, un petit retour dans l’histoire de la province : «1970. Certaines communes de la province Kirundo étaient inhabitées, des forêts. Des populations venues de Ngozi et Kayanza à la recherche des terres cultivables s’y sont installées. Elles ont commencé à tout déboiser », raconte le gouverneur de province, Réverien Nzigamasabo.
Dix ans plus tard, ajoute-t-il, la compagnie de fabrication du tabac, Burundi Tobacco Company (BTC) fait de Kirundo sa source d’approvisionnement la plus importante en matière première : «Des montagnes ont été rasées pour pouvoir alimenter les fours qui servaient de séchage du tabac récolté, sans toutefois penser à un reboisement ultérieur.»
La sècheresse, conclut le gouverneur, n’a pas tardé à frapper.
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– [Kirundo n’est plus le « grenier » du Burundi->http://iwacu-burundi.org/spip.php?article4050]
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Pourtant, avec ses huit lacs (Rweru, Cohoha, Rwihinda, Kanzigiri, Gacamirindi, Nagitamo, Narungazi et Mwungere) préférés par certaines cultures spécifiques comme le tournesol et le palmier à huile, "Kirundo a un énorme potentiel économique qui peut être exploité et par l’industrie agroalimentaire et le tourisme."
Des projets existent désormais pour développer certaines filières agricoles, à l’instar de la culture du palmier ou encore des campagnes systématiques de reboisement : " Dans quelques années, Kirundo pourrait espérer le répit", soupire le gouverneur.
En attendant, dehors, les habitants retiennent leurs souffles quelques semaines encore.