Alors que le gouvernement refuse de publier le rapport du premier trimestre d’exécution budgétaire, la dette intérieure s’est accumulée et les exonérations sont exécutées à 255,5%. Pour l’Olucome, le gouvernement est en faillite.
Après deux semaines de la présentation de mauvais résultats de l’enquête sur le budget ouvert, le gouvernement du Burundi n’a pas encore publié le rapport d’exécution budgétaire du premier trimestre.
A ce propos, le porte-parole du ministre des Finances, du Budget, et de la coopération au Développement Économique, Désire Musharitse, indique que le rapport est déjà produit. Il indique qu’il ne peut pas être publié sur le site du gouvernement : «Il est exclusivement pour l’usage interne.»
Désiré Musharitse précise que les Burundais ont seulement besoin du «budget citoyen» déjà publié sur ce site. Du reste, martèle-t-il, les rapports sont donnés à l’Assemblée nationale. En cas de besoin, le ministre des Finances peut donner l’autorisation de consulter ce document confidentiel.
«Nous pouvons seulement communiquer les réalisations en matière des recettes et dépenses exécutées au cours de ce premier trimestre», précise Désiré Musharitse. Celui-ci confie que sur un montant de plus de 789 milliards BIF de recettes propres prévues pour l’exercice budgétaire 2018, l’OBR a recouvré plus de 212 milliards de BIF à la fin du premier trimestre 2018, soit un taux de réalisation de 26, 9%. En ce qui concerne les dépenses, sur un montant de plus de 409 milliards de BIF prévus, plus de 30 milliards ont été exécutés soit un taux d’exécution de 25, 2%.
Concernant les questions sur le taux d’exécution des investissements sur les ressources internes, l’endettement intérieur par l’émission des bons du trésor et les exonérations, Désiré Musharitse se refuse à tout commentaire.
Les non-dits dans ce rapport
Selon une source proche du ministère des Finances, du Budget et de la Privatisation, ce rapport est disponible depuis le 19 avril dernier. Cette source révèle que l’Etat a connu un faible taux d’exécution des investissements sur les ressources internes. Sur plus de 130 milliards prévus, plus 9 milliards seulement étaient exécutés, soit un taux d’exécution de 7,5%.
D’après cette source, le gouvernement a connu un problème de trésorerie durant le premier trimestre. A travers le moyen classique d’émission des titres du trésor, il avait été contraint de s’endetter auprès de la Banque centrale. Cet endettement intérieur s’est accumulé au cours de ce premier trimestre.
En janvier, l’Etat, par le biais de la Banque de la République du Burundi(BRB), a émis 54,6 % des bons du trésor, dont 39 % de cette dette ne sont pas encore remboursés. En février, sur 67,1% des bons de trésors vendus, 44, 9% ne sont pas remboursés. Au cours de mars, sur 77, 2% des bons du trésor vendus, 49,9% ne sont pas remboursés.
En outre, ce rapport montre que les exonérations accordées au cours de cette période s’évaluent à 46 milliards de BIF. Pour rappel, le budget voté pour les exercices 2017 et 2018 au titre des exonérations est de 18 milliards de BIF. Les exonérations sont exécutées à la hauteur de 255,5%. Celles accordées aux membres du gouvernement, aux parlementaires, à la présidence, à la police et à l’Armée viennent en tête. Elles représentent 26 milliards de BIF, soit 57,4% des exonérations totales.
Quant aux financements extérieurs, les investisseurs, les médicaments et produits pharmaceutiques, ils partagent les 22 milliards BIF restants. Ils ont bénéficié respectivement 24%, 71%, 9% et 5,31% des exonérations totales.
« L’Etat ne devrait pas être exonéré »
Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome, se dit sidéré : «Il est déplorable que le rapport du budget fasse état d’exonérations du gouvernement, de la présidence, de la police et de l’armée. »
Selon un principe du droit fiscal, assure-t-il, l’Etat est une personne morale comme les autres. « L’Etat n’est pas exonéré. Il doit payer les droits de douanes.»
Cet activiste de la société civile dénonce la corruption de quelques individus ayant gagné des marchés au niveau de la présidence, de la police et de l’armée et qui profitent « indûment » de ces exonérations.
Au sujet de l’endettement intérieur, le président de l’Olucome affirme que soit les recettes publiées par l’OBR sont « fantaisies », soit les recettes collectées sont détournées par certains individus. Et aussitôt de se demander : « Comment l’Etat n’a pas pu rembourser les bons du trésor émis alors que les recettes collectées dépassent de loin les prévisions?»
M.Rufyiri estime que l’Etat est au bord du gouffre : «Il risque de s’effondrer car il n’est pas capable de financer son fonctionnement.»