Par Daniel Kabuto*
Aucun pays n’aime accueillir des réfugiés sur son territoire. Leur présence est toujours source de difficultés voire de conflits.
Et pourtant, bien d’anciens réfugiés se sont illustrés par des apports considérables sinon mémorables au bien-être de l’humanité ou aux progrès des pays d’accueil. C’est ici des parcours de combattants.
Lorsqu’un réfugié politique prend l’initiative de demander à retourner dans son pays, des mécanismes sont alors mis en branle pour l’aider à rentrer dans la dignité. Cela peut prendre pas mal de jours voire des mois avant que la demande ne s’exécute.
Devant ce retard et surtout face au scepticisme d’anciens compagnons d’exil qui estiment que les conditions de retour ne sont pas réunies, les candidats au retour peuvent se sentir menacés.
Les alertes qu’ils peuvent alors lancer sont comme des appels du pied auprès du HCR et du pays hôte pour qu’ils se grouillent et les fassent partir le plus tôt possible.
Avec l’arrivée des réseaux sociaux, tout se propage vite et le cas des demandeurs de rapatriement de Mahama défraie la chronique.
Ce qui est certain, le réfugié politique qui veut rentrer fait toujours face à un dilemme: remercier pour son séjour en exil ou plutôt se complaire en éloges à l’endroit du système qu’il maudissait quelques années plus tôt? C’est un saut vers l’incertain.
En adressant leur lettre de détresse au président du Burundi, les réfugiés ont fait leur choix. Quoi d’étonnant qu’ils se fabriquent déjà un bouc émissaire en la personne de Maggy Barankitse?
Ingratitude ou opportunisme ?
En vérité, ceux qui restent ne se font point d’illusion sur les confessions que ceux qui rentrent vont faire aux autorités de la mère patrie. Ils ont souffert et en ont eu tellement marre qu’ils préfèrent la soumission à la précarité des camps de réfugiés. Ils sont, autrement dit, prêts à vivre à genoux, dans la cage dorée que leur offre le système autrefois honni! L’humanité chérit le mythe de Sisyphe.
Et s’ils allaient de détresse en désillusions? Je ne le leur souhaite pas. Mais les plaies d’une nation mettent généralement longtemps à saigner avant de se cicatriser! M ;Nkurunziza n’est plus là, néanmoins le système est loin d’avoir abandonné son sport de prédilection: le cynisme, les enlèvements, les disparitions, les exécutions extrajudiciaires, etc.
Victor Hugo, Albert Einstein furent des réfugiés. Jamais ils n’ont été moins élogieux envers ceux qui leur ont soutenu dans leur exil. L’enthousiasme d’un retour au bercail ne devrait jamais pousser l’homme à brûler les navires derrière lui. Un minimum de bon sens.
Et si quelque main invisible tirait les ficelles de ce rapatriement si bruyant de quelques Burundais du camp de Mahama? De la Tanzanie, les réfugiés rentrent régulièrement, de leur plein gré, dit-on. C’est le discours officiel. Pourtant, parmi ceux qui rentrent, bien des familles confessent les contraintes liées aux menaces et privations orchestrées par le pays hôte. La Tanzanie rêve de se débarrasser du fardeau des réfugiés burundais. Et l’on dirait que le Rwanda chérit les réfugiés puisqu’il offre des abris aux Africains en perdition dans l’enfer de la Libye ? Non, les grandes douleurs sont muettes. Les réfugiés qui veulent rentrer feraient mieux de se conformer aux indications du HCR et d’éviter de se transformer en pyromanes. Le camp doit leur survivre jusqu’au jour où le retour se fera, pas pour des miroirs aux alouettes !
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* Daniel Kabuto
Né à Bujumbura en 1971, Daniel Kabuto a grandi au camp des réfugiés de Rilima au Rwanda. Juriste de formation (Université Nationale du Rwanda), en 1994 il rentre au Burundi et se fait inscrire à la faculté des lettres et sciences humaines, département des langues et littérature françaises de l’Université du Burundi. Mais il doit fuir en RDC après le massacre des étudiants hutus en juin 1995. Revenu à Bujumbura en février 1996, il obtient une bourse de la coopération belge et part étudier à l’Université de Yaoundé II. Après une licence en droit public, en août 2000 il atterrit à Paris sans passeport ni visa. Il est arrêté. Libéré de la prison, il part pour les Pays-Bas où il obtient un statut de réfugié politique. Il s’intègre dans ce pays, apprend le néerlandais et s’engage en politique. Avec une poignée de compatriotes ils vont lancer une cellule du parti CNDD-FDD. En 2007, il rentre au pays. Il occupera de hautes fonction au ministère des Affaires étrangères et la deuxième vice-présidence. Passioné par la littérature, il a déjà publié deux petits romans, un récit et un essai. Brillant, esprit libre, le franc-parler de Daniel Kabuto l’a contraint de nouveau à quitter le Burundi. Il vit aux Pays-Bas.