Depuis dimanche 1er avril, plus de 2500 fidèles de la « prophétesse » Eusebie Ngendakumana, dite ‘’Zebiya”, ont regagné le bercail. Ils sont heureux de retrouver leurs familles mais restent fidèles à leur culte né à Businde (Kayanza).
Ils sont nombreux. De tous âges. Vieillards pouvant à peine se tenir debout, des enfants faméliques, des visages effarés, mais qui arrivent tout de même à esquisser un petit sourire…, une preuve de leur bonheur de revoir leur terre natale. Mélancolie et tristesse flottent ce lundi 2 avril, vers 16h sur les postes-frontières de la Ruhwa(Cibitoke) et la Kanyaru haut (Kayanza).
Ils sont 900 adeptes de Zebiya rapatriés, la majorité des femmes et enfants (383 via Ruhwa et 517 via Kanyaru haut, NDLR), qui sont venus s’ajouter aux 1604 rapatriés le dimanche de Pâques.
« La fin du périple », s’accordent à dire tous ces réfugiés .Ils venaient de passer deux semaines au Rwanda après avoir fui Kamanyola (en RDC).
D’après Dieudonné Ngendakumana, le représentant des réfugiés arrivés via la frontière Kanyaru haut, le périple ne s’est pas déroulé comme voulu. « Après avoir refusé de nous enregistrer par le système biométrique, les autorités rwandaises nous ont séparés en 3 groupes : les femmes et les enfants, les vieux et les jeunes et envoyés dans de camps différents. Parmi les jeunes, nombreux sont ceux qui ont été envoyés à Nyarushishi (près de Bukavu, à la frontière rwando-congolaise), tandis que les femmes et les vieux ont été envoyés à Nyanza et Bugesera».
Craignant le pire avec le carnage de Kamanyola, nous avons demandé d’être rapatriés dans notre pays”. Notre requête, témoigne-t-il, sera vite acceptée.
“Aux actes manqués… »
Vers 18 h, du poste-frontière de Ruhwa, où ils étaient rassemblés dans l’attente d’être acheminés au lycée de Cibitoke pour passer la nuit, le climat de méfiance et l’angoisse qui se lisaient sur leurs visages depuis leur arrivée se dissipaient petit- à petit. Ceux originaires des provinces frontalières de Cibitoke guettaient la moindre arrivée d’un membre de leurs familles pour les ramener chez eux.
Une mère-cultivatrice, originaire de la commune Giheta (province Gitega), une larme au coin des yeux, sous anonymat lâchera qu’après les drames vécus, elle ne croyait plus qu’elle retournerait chez elle un jour. « C’est le moment de me consacrer à jamais à ma famille, rattraper le temps perdu ». Elle a rejoint Kamanyola laissant son fils cadet 3 ans. Peur au ventre, elle se demande si son enfant va la reconnaître.” Mais, autant affronter et demander pardon », se dit-elle.
Même cas de figure pour Victor Hitimana, également originaire de la province Gitega, dans le quartier Yoba (commune Gitega). Après l’incident de Businde en 2013, il a abandonné sa famille pour rejoindre Zebiya à Kamanyola. Un périple, en aucune manière qu’il n’est pas prêt à refaire, glisse-t-il doucement.
Le contraste
Une situation aux antipodes de celle de Kamariza et Caroline (pseudonymes, elles ont refusé de donner leurs vrais noms). Toutes trentenaires .Originaires de Ngozi et anciennes instructrices, bien que heureuses de retrouver leurs familles, ouvertement, elles ne regrettent pas d’avoir rejoint Zebiya à Kamanyola. « On l’a fait pour la gloire de Dieu, afin que soit attendue la bonne nouvelle dans tous les coins du pays. Si la Vierge nous appelle de nouveau, nous irons »
Au lycée communal de Mparamirundi (commune Busiga, province Ngozi), où les réfugiés passés par Kanyaru haut), avaient passé la nuit dans l’attente d’être ramenés dans leurs provinces respectives, c’était l’agitation totale.
Bouillonnant d’impatience de regagner leurs ménages, la centaine d’adeptes encore sur le lieu, ne juraient que par la Vierge Marie. « C’est sa main qui nous a protégées de tout mal durant notre fuite, pourquoi s’en séparer ? Nous la louerons toujours », insiste Claude Nkamicaniye, un instituteur, originaire de Mwaro. Pour lui, ils sont déterminés à tout endurer pour la Vierge Marie.
Une case départ, garantie pour autant ?
Formellement contre leur rassemblement dans de lieux de culte, particulièrement à Businde, dans leurs discours les autorités administratives leur ont clairement signifié que celui qui osera à aller à l’encontre de ces interdictions sera sévèrement puni. « De tels comportements seront assimilés aux troubles contre l’autorité publique et incitation à la révolte. Un délit sanctionné par le code pénal »a martelé Joseph Nahimana, administrateur communal de Busiga.
C’est dans ce sens, explique-t-il, qu’une fois le certificat de reconnaissance de rapatriement délivré par le ministère de l’Intérieur remis, le rapatrié devra faire preuve d’une conduite exemplaire afin qu’il soit réinséré dans son emploi.
Des mesures décriées par ces adeptes. « Au lieu de toujours recourir à la force, le gouvernement devrait privilégier le consensus et permettre le dialogue », proteste M.Ngendakumana. « Nous priver de la liberté de culte alors que c’est garanti par la Constitution est injuste ».
Pour les cultivateurs, l’administrateur communal souligne que dans l’attente d’une nouvelle saison culturale, le ministère de l’ Intérieur via son projet Rapatriement a prévu des subsides. « Nous allons leur donner de quoi tenir avant les prochains labours ».
Pour les élèves, « Le 3ème trimestre débute dans quelques jours, ils devront attendre une nouvelle année scolaire », justifie-t-il.
Les adeptes de « Zebiya » ravivent les tensions entre le Burundi et le Rwanda
Le gouvernement accuse le Rwanda de tentative d’enrôlement des réfugiés adeptes d’Eusebie Ngendakumana pour faire partie des groupes armés. « Ces manœuvres visent à perturber le processus du référendum ».
La brouille diplomatique entre le Burundi et le Rwanda repart de plus belle. Pourtant, la ministre des Affaires Etrangères rwandaise avait adressé une correspondance des plus cordiales à son homologue burundais. Louise Mushikiwabo faisait savoir les raisons du rapatriement de ces réfugiés. Le Rwanda ne pouvait tolérer l’« attitude inhabituelle » de ces réfugiés. Ces derniers venus de Kamanyola en RDC ont refusé de se conformer aux lois du pays d’accueil : ils refusaient notamment leur enregistrement biométrique et la vaccination des enfants de moins de 5 ans. Les concertations menées n’ont pas abouti. Il ne restait que le rapatriement immédiat des récalcitrants.
Des raisons somme toute plausibles, Pour rappel, les réfugiés avaient adopté un comportement similaire en République démocratique du Congo. Le HCR basé à Kamanyola se disait « excédé par leur manque de coopération et leur refus de se plier aux normes de cette organisation. »
Entre temps, le gouvernement burundais donne une autre version de l’histoire. Dans des témoignages à la télévision nationale, ces réfugiés parlent de vaine tentative d’enrôlement par le Rwanda, pour constituer une force déstabilisatrice contre Bujumbura. Ce mercredi 4 avril, le secrétaire général du gouvernement « a condamné avec énergie cette nouvelle tentative d’actions déstabilisatrices par le Rwanda. » Le gouvernement burundais parle d’enrôlement des jeunes burundais dans des activités criminelles. Par ailleurs, il exige la libération d’autres réfugiés « pris en otage » par le pays des mille collines.
Dans ce communiqué, le gouvernement dit avoir trouvé le mobile de ce nouveau recrutement des adeptes d’Eusebie. « Ces manœuvres ne visent qu’à perturber le processus du Référendum Constitutionnel en cours. » Il prévient : les perturbateurs seront condamnés à essuyer le même échec que lors des tentatives précédentes.
La hache de guerre loin d’être enterrée
Bujumbura a depuis 2015 accusé son voisin d’être parmi les instigateurs du putsch manqué. Le Rwanda abrite les personnes poursuivies pour tentative de coup d’Etat. Jets de grenades, attaque à main armée, tout est attribué au Rwanda accusé de nourrir l’espoir de renverser les institutions Burundaises.
Le gouvernement burundais brandit à chaque fois le rapport des experts des Nations unies sorti en 2016 ainsi que celui de l’ONG Refugees international. Dans des témoignages, des réfugiés burundais affirmaient avoir « été recrutés et formés par le Rwanda dans le but de renverser le président burundais, Pierre Nkurunziza. »
Kigali a de son côté toujours démenti ces allégations. L’ambassadeur du Rwanda à l’ONU, Eugène Gasana avait rejeté le travail des experts onusiens qui enquêtaient en RDC. Selon lui, ces allégations sapent davantage la crédibilité du groupe d’experts, « qui semble avoir étendu son propre mandat, et enquête apparemment sur le Burundi. »
Agnès Ndirubusa
C’est vraiment ne pas connaître le Rwanda et son Président ainsi que le système en place dans ce pays que de croire qu’il y a eu tentative d’enrôler ces fameux chrétiens d’un autre âge, embrigadés au point de refuser de faire vacciner leurs progenitures!
Mais bon, puisqu’il faut continuer à provoquer, voire tenter le diable, courage …..