Les nouvelles nominations à la tête du Cndd-Fdd font polémique. Pour les uns c’est une ouverture politique, tandis qu’une autre opinion parle d’une stratégie du Président de la République pour mieux contrôler le parti. Et cette seconde hypothèse semble l’emporter.
<doc3997|right>[Dans son congrès du 31 mars dernier->www.iwacu-burundi.org/spip.php?article2369], le parti de l’aigle a mis une nouvelle équipe à sa tête. Pascal Nyabenda est devenu le président du CNDD-FDD, Victor Burikukiye, vice-président chargé des finances et autres questions politiques et Joseph Ntakarutimana, vice président chargé de la communication et de la vie du parti.
De ces nominations, deux nouveautés se dégagent : le nouveau président n’est pas un ancien maquisard et n’a pas la « légitimité du maquis », et un des ses adjoints, M. Ntakarutimana, est un tutsi. De le part d’un parti comme le Cndd-Fdd, réputé être sous la coupe des « maquisards », ces nominations laissent perplexes plus d’un, chacun y allant de son analyse. Certains rappellent une phrase chère aux anciens maquisards {wamaze iki}, en d’autres mots « qu’est-ce tu as donné au parti », sous entendu pendant la guerre.
Cependant, deux suppositions sortent du lot et sont partagées par la majorité des observateurs. La première est que c’est un parti qui commence à se « civiliser », dans le sens de se « démilitariser » en changeant d’idéologie. L’autre est que c’est une tactique du Président de la République pour contrôler le parti, en plaçant des personnes qui lui sont dévouées.
Un parti de plus en plus « civil»
Dans la première hypothèse, remarque le politologue Jean Salathiel Muntunutwiwe, c’est une dynamique normale pour le parti qui était, hier, mouvement rebelle, et qui aujourd’hui est gestionnaire de l’Etat. « Le pouvoir au sein du parti tend à intégrer un certain nombre de civils qui auraient les compétences requises », indique le Pr Muntunutwiwe. Pour lui, cela assurerait une visibilité politique au parti qui n’est plus pour les seuls anciens rebelles.
Si c’est une réelle ouverture politique, cette tendance serait une bonne chose et un bon exemple pour les autres formations politiques et autres associations, comme le remarque, Patrick Hajayandi, un autre politologue et professeur à l’Université Espoir d’Afrique. Pour lui aussi, c’est une ouverture pour montrer, à l’extérieur notamment, une autre image d’un parti réputé être sous la coupe des anciens maquisards : « Un parti qui peut également être dirigé par des civils, sans aucune distinction. Ainsi, par exemple, les nombreux Tutsi membres du Cndd-Fdd se sentiraient plus intégrés avec un représentant dans l’équipe dirigeante. »
Patrick Hajayandi trouve que ce serait surtout un point très positif si cette ouverture peut influencer les prochaines élections. En effet, poursuit ce politologue, ce serait bien si le Président de la République laisse, dans la même suite, sa place à un autre candidat aux prochaines présidentielles, puisque un troisième mandat lui est contesté par certains. « Et les autres suivraient cet exemple, pas seulement en politique, mais aussi dans les autres associations, et nous verrons d’autres personnes à la tête de l’APRODH ou de l’OLUCOME. »
Une stratégie du président…
Cependant, cette révolution à l’interne suppose que le Président de la République a eu des contacts avec les différents groupes, et qu’il a eu un accord tacite entre lui et les anciens du maquis, pour l’intérêt général du parti : « Ceci pose le problème de l’importance du groupe se réclamant de la légitimité du maquis. S’il reste fort, cela suppose que ce groupe civil, même s’il est supposé être décideur au niveau du parti, va subir une pression extraordinaire de la part du premier », continue le Pr Muntunutwiwe.
<doc3998|left>M. Hajayandi, quant à lui, pense qu’il n’est pas aisé de connaître les vraies motivations de ces changements, puisqu’il est sûr que la cohésion n’est pas totale à l’intérieur du parti au pouvoir, à cause des différents groupes d’intérêts. Ces nominations ne reflètent sûrement pas donc l’unanimité du parti, et cet antagonisme doit logiquement pousser le Président de la République d’avoir, au sein du parti, des dirigeants qui lui sont proches.
… Avec des visées électorales
Et on en arrive à la seconde hypothèse. Le Chef de l’Etat reste tout de même le dernier décideur et doit prendre des stratégies pour contrôler que ses désirs sont appliqués. Ainsi, lors du dernier congrès du parti au pouvoir, qui a porté Pascal Nyabenda à sa tête, ce dernier portait un vêtement à l’effigie de Pierre Nkurunziza. Et cela est symboliquement très significatif car il a montré qu’il est en réalité l’homme du Président de la République qui l’a propulsé sur la scène politico-administrative, comme le montre sa fulgurante promotion. De gouverneur de province, il est passé à député avant d’être parachuté à son poste actuel. Ce qui transparaît également dans son habitude de paraphraser dans ses discours le Chef de l’Etat, qui est également le président du conseil des sages.
De là à se demander si ce n’est pas une stratégie du président de se positionner pour la candidature aux élections de 2015, il n’y a qu’un pas. Puisqu’il met à la tête du parti des hommes qui lui sont fidèles et qui le défendront comme candidat, sans avoir eux-mêmes d’ambition politique inquiétante.