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Quid du respect des droits des femmes détenues ?

12/04/2023 1
Quid du respect des droits des femmes détenues ?
Evelyne Izobiriza : « Les femmes détenues ne jouissent pas pleinement de leurs droits. Elles éprouvent d’énormes difficultés »

Problèmes d’hygiène et de logement, lenteur dans le traitement des dossiers, stigmatisation, éloignement de la famille sont les quelques problèmes rencontrés par les femmes détenues. A la rencontre d’une ancienne détenue et un défenseur des droits des prisonniers.

« Les femmes détenues ne jouissent pas pleinement de leurs droits. Elles éprouvent d’énormes difficultés », déplore Evelyne Izobiriza. Ancienne détenue, elle a été relâchée en 2021, après avoir purgé une peine de 5 ans à la prison centrale de Mpimba, à Bujumbura.

La vie d’une femme détenue est dure. Des fois, explique-t-elle, elle rencontre des difficultés liées à l’hygiène corporelle ou à l’accès aux soins.

En outre, poursuit-elle, le statut de femmes leur confère des particularités. Pour elle, la femme détenue a besoin de beaucoup de choses. Certaines lui font défaut. La plupart des femmes détenues sont démunies et elles ont par exemple du mal à se procurer des serviettes hygiéniques.

Même constat fait par Jean Marie Nshimirimana, président de l’association Solidarité avec les Prisonniers et leur Famille SPF/Ntabariza Il déplore l’absence de poubelles appropriées dans les établissements pénitentiaires où les femmes peuvent jeter les serviettes hygiéniques utilisées.

Au niveau des soins de santé, cette ancienne détenue fustige également l’absence de structures de soins adéquates dans les milieux carcéraux. « Il y a une infirmerie dans chaque prison, mais il n’y a pas de médecins pour traiter des cas graves », déplore-t-elle.

Un cortège de conséquences

Considérée comme pilier du ménage, fait observer Mme Izobiriza, l’absence d’une femme dans un ménage entraîne de lourdes conséquences surtout sur l’éducation des enfants : « Des fois, des femmes sont abandonnées par leur conjoint, par la famille, juste au moment où elles ont besoin d’un soutien moral et matériel ».

Quid des femmes allaitantes ou enceintes ?

Selon Evelyne Izobiriza, les femmes allaitantes ou enceintes devraient bénéficier d’un traitement spécial. Celles ayant des nourrissons éprouvent des difficultés à les nourrir : « La ration alimentaire allouée chaque jour aux détenues est insuffisante et déséquilibrée. Elles ont besoin d’un régime spécial ». Elle souligne que des bienfaiteurs interviennent mais que leur assistance est irrégulière et insuffisante.

Jean-Marie Nshimirimana abonde dans le même sens. Ce défenseur des droits des prisonniers fait savoir que les femmes enceintes ne sont pas bien assistées. Elles ont besoin des médecins spécialistes pour une meilleure consultation. Mais, déplore-t-il, ces médecins ne sont pas affectés dans les milieux carcéraux.

Jean Marie Nshimirimana : « Un enfant qui grandit dans une prison éprouve des difficultés et ne s’épanouit pas ».

Par ailleurs, estime-t-il, la vie d’un enfant n’est pas en prison. « Un enfant qui grandit dans une prison éprouve des difficultés et ne s’épanouit pas ».

Cet activiste de la société civile salue la séparation des prisonniers qui s’observe dans les prisons de Ngozi et Mpimba. Toutefois, il recommande la construction des maisons de détention adaptées au statut des femmes. Et de suggérer : « Il faut des terrains de divertissement et de sports pour les femmes et les enfants ».

Du droit aux visites

Suite à la lenteur dans le traitement de leur dossier, elles sont privées de certains droits. « Il y a ce qu’on appelle mémorandum pour tout détenu dont le jugement est devenu définitif. Donc, il y a des droits qu’un détenu ne peut pas jouir lorsqu’il est encore prévenu », explique-t-elle.

« Nous invitons les magistrats à rendre visite aux justiciables pour se rendre compte de leur situation et de l’état d’avancement de leur dossier ».
Pour le président SPF/Ntabariza même si un détenu est privé de liberté, il a droit aux visites.

Difficile réinsertion sociale

Evelyne Izobiriza fait savoir que parfois les femmes sont abandonnées. « Elle peut trouver que son mari a déjà une concubine, ou il est tombé dans la débauche, l’alcoolisme ».

Selon Mme Izobiriza, de telles femmes courent le risque de replonger dans les infractions.
« Elles sont stigmatisées, étiquetées par la famille et l’entourage », regrette M. Nshimirimana, qui recommande un suivi et un accompagnement pour que ces femmes ne récidivent pas.

Ce défenseur des droits des prisonniers demande à la direction générale des affaires pénitentiaires et le ministère de la Justice de redoubler d’efforts pour veiller au respect des droits des prisonniers en général, et à ceux des femmes en particulier en améliorant leurs conditions de détentions et de réinsertion.

Toutefois, il salue les efforts réalisés par le ministère de la Justice en accordant la liberté provisoire ou conditionnelle à certains détenus.

Le ministère de la Justice tranquillise

Alice Emilie Ntamatungiro, Responsable de la cellule genre au ministère de la Justice se veut rassurante quant au respect des droits de la femme détenue. Selon elle, le ministère de la Justice essaie, autant que faire se peut, de respecter les droits des prisonniers en général, et ceux des femmes détenues en particulier.

Et d’évoquer l’article 32 du code de procédure pénale qui stipule que : « La femme enceinte de plus de six mois ou qui allaite un nourrisson de moins de six mois ne peut être mise en garde à vue que pour des crimes et sur autorisation du procureur de la République.

La garde à vue doit être organisée de telle sorte que les personnes de sexe féminin et celles de sexe masculin soient détenus dans des lieux différents et que la surveillance des uns et des autres soit assurée par des policiers de même sexe ».

Elle plaide pour l’augmentation des policiers de sexe féminin pour garder les prisons des femmes afin d’éviter le risque d’abus qui pourraient être commis par les policiers de sexe masculin.

Par ailleurs, ajoute cette autorité judiciaire, les femmes détenues bénéficient des soins médicaux car, tient-elle à préciser, chaque prison a une infirmerie. « Les prisonniers reçoivent des permissions de se faire soigner à l’extérieur dans des hôpitaux ».

En outre, poursuit-elle, les femmes bénéficient, au même titre que les autres détenus, de la libération provisoire ou conditionnelle conformément à la loi.

Quant au droit aux visites, Mme Ntamatungiro fait savoir que les femmes détenues, qui remplissent les conditions, reçoivent des permissions pour rendre visite à leur famille. Toutefois, fait-elle savoir, tout prisonnier qui va rendre visite à sa famille doit être accompagné par un policier.

De l’amélioration des conditions carcérales des femmes

Mme Ntamatungiro promet que le ministère de la Justice ne ménagera aucun effort pour améliorer les conditions carcérales. Des fois, fait-elle remarquer, les femmes détenues ignorent leurs droits et les procédures judiciaires à suivre en rapport avec leurs dossiers. « Nous allons renforcer et multiplier les séances de formation et d’information sur les droits des femmes détenues »

Par ailleurs, rassure-t-elle, les magistrats sont interpellés pour qu’ils traitent avec célérité les dossiers des détenus. Elle informe que des campagnes tous azimuts ont déjà commencé afin que les affaires pénales et civiles des justiciables soient vidées dans un temps raisonnable.

Elle plaide aussi pour l’augmentation du fonds destiné au soutien et à l’assistance judiciaire des vulnérables.

Signalons que cet article a été produit dans le cadre du projet : « Amélioration des conditions de détention (ACD) », projet de la Fondation Terre des hommes au Burundi qui a été financé par l’Union Européenne.

Des besoins particuliers pour les femmes détenues

Les femmes sont une catégorie à part car elles ont des besoins particuliers liés à leur physiologie. La plupart des femmes détenues sont également particulièrement vulnérables en raison de leur position dans la société et leur rôle culturel auprès de leurs enfants et de leur famille en général.

Il faut aussi tenir compte que la plupart des détenues ont été victimes de violences sexuelles, physiques ou psychologiques.
En effet, 70 % des femmes en union avec un partenaire ont subi des violences physiques et 30 % des femmes entre 30 et 39 ans déclarent avoir subi des violences sexuelles.

Il est vrai que l’organisation des prisons aujourd’hui montre clairement des efforts dans l’aménagement d‘espaces de vie réservés aux femmes.
Effectivement, la majorité des quartiers pour femmes sont plus récents que ceux des hommes mais aussi l’importance accordée à cette différence biologique est nettement reconnue aujourd’hui.

Le nombre de toilettes et douches par personne est par exemple plus élevé chez les femmes que chez les hommes, les femmes partagent un lit à deux dans la plupart des établissements féminins, alors que les hommes dorment dans des conditions déplorables.

Cependant, malgré des efforts visibles pour améliorer les conditions de vie des femmes détenues, leurs besoins spécifiques restent énormes : limitation dans l’accès aux services de santé et d’hygiène ; alimentation non adaptée aux femmes enceintes et allaitantes ; absence de préparation des femmes à la vie post-carcérale accompagné du risque de rejet familial et de stigmatisation communautaire sont des exemples concrets.

Source : Etude sur les conditions de détention dans les prisons du Burundi réalisée en avril-novembre 2019.

Forum des lecteurs d'Iwacu

1 réaction
  1. Uwimana

    merci pour ce numéro sur les conditions carcérales des femmes. de 2004 à aujourd hui, je ne suis pas loin des images réflétées par cet écran carcéral. je voudrais avec humilité signaler que je ne cesserai de me sentir satisfaite de la proposition et la conception du projets de Séparation des catégories spécifiques ( 2006_2009: mise sur pieds des quartiers femmes nettement separés des quarties hommes) et le plaidoyer pour la création des centres de reeducations des mineurs ( 2010_ 2014),et dans les deux cas pour lutter contre les violences sexuelles en milieu carcéral ,et se conformer aux standars internationaux de traitement des détenus…toutefois, il reste encore du pain sur la planche aussi longtemps que …..la suite plus tard.

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