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Politique

CVR : quid des personnes disparues ?

07/09/2013 5

Le monde célèbre ce 30 août, la journée internationale des personnes disparues. Et au Burundi, suite aux différentes crises qu’a connues le pays, beaucoup de familles ont perdu les leurs et n’ont pas pu les enterrer dignement. Qu’en est-il de la position de la population, dans le contexte d’une CVR, sur cette question ?

Dans cette localité de Kivyuka, commune Musigati, province Bubanza se trouve des fosses communes ©Iwacu
Dans cette localité de Kivyuka, commune Musigati, province Bubanza se trouve des fosses communes ©Iwacu

« Chaque personne qui n’apparaît pas pendant un moment dans un conflit et dont on ne connaît pas le sort, s’il est encore vivant ou mort, dont on ne connaît pas où il vit ou est enterré est appelé ‘’une personne disparue’’ », selon la définition donnée par le Comité International de la Croix Rouge.
Et Nairi Arzoumanin, experte en droit international et en justice de transition, donne quelques causes comme les catastrophes naturelles et les conflits des groupes armés. Elle signale aussi des personnes arrêtées arbitrairement qui meurent dans des lieux de détention, des tueries de masses, des réfugiés qui meurent dans les lieux de refuge et qui ne sont pas enterrés. Pour l’association ABUBU (Abana b’Uburundi dukire), d’autres causes existent. Godefroid Manirankunda énumère le cas des militaires qui disparaissent dans des guerres, pris en otage, etc. Des personnes à la recherche de l’emploi et qui ne donnent pas de nouvelles pendant plusieurs années et celles enlevées par le pouvoir, le service national de renseignements (SNR) dont on ne connaît pas le sort. Cette situation a des conséquences familiales et communautaires. Et Nairi Arzoumanin de signaler que dans la plupart des cas, des femmes deviennent chefs de ménages avec toutes les difficultés. Et au niveau administratif, il y a un problème à l’état-civil.

Face à ces problèmes, elle précise que la loi internationale exige de la famille de tout faire pour savoir ce qui est arrivé à l’un des siens. Et au gouvernement, elle indique qu’il doit faire la lumière sur les cas de disparition et aux Etats, « il faut respecter des conventions signées surtout lorsque ces disparitions ont eu lieu suite aux conflits. »

Partis pour ne plus revenir

Véronique Jenjegeri, habitante de la commune Kinama, compte beaucoup de disparus dans sa famille. Elle indique qu’elle a perdu son père et son grand frère en 1972. Trois de ses oncles sont aussi portés disparus. Précisant qu’à cette époque, elle avait six ans, elle précise qu’avant d’être instituteur, son père était bourgmestre. Lorsque les bourreaux sont venus prendre son père à l’école, Véronique Jenjegeri pensait que c’étaient ses amis. Et son cousin de lui dire : « Ne pense pas que ton père va revenir, c’est comme cela qu’on a pris mon père également ».
Arrivée à la maison, Véronique Jenjegeri raconte que ses grands frères et sa mère étaient en larmes. C’est à ce moment que la fillette s’est rendue compte que quelque chose n’allait pas. Après le « départ » de son père, elle se rappelle que la vie a pris une autre tournure : « Pas de thé le matin, se rendre à l’école à pied nus, pas de cadeaux… »
Cette femme de Kinama indique que quand la famille éprouvée n’a pas vu le cadavre, elle n’arrête pas de penser qu’il va revenir un jour.

Un enterrement indigne

Les familles éprouvées déplorent l’enterrement indigne des leurs. Véronique Jenjegeri donne l’exemple d’une fosse commune se trouvant sur la colline Nyambeho dans la commune et province Gitega. « Quand on passe à cet endroit, cela fait mal ! Tu te souviens tout de suite que ton père ou ton frère est enterré là. Il a été enterré comme un imbécile », regrette-t-elle les yeux inondés de larmes.
Et Wenceslas Sinabajije, de l’association contre les violences faites à l’être humain dans le monde entier, d’ajouter : « La mort d’une personne est suivie dans la culture burundaise de beaucoup de rites ». Il cite l’enterrement, le deuil et la levée de deuil. Et quand ces rites ne sont pas faits, il souligne que des conséquences ne manquent pas. Et dans le cas d’une disparition, M. Sinabajije indique que des traumatismes, l’amertume et la rancune peuvent se manifester. Quand la levée de deuil n’est pas faite, la mort peut revenir perturber la famille, le bétail (Intezi en Kirundi).

La CVR doit se pencher sur les cas des personnes disparues

A propos de la nécessité que la Commission Vérité Réconciliation (CVR) se penche sur ces cas des personnes disparues, Véronique Jenjegeri répond : « Nous avons des blessures très profondes et nous avons besoin de savoir ce qui s’est passé dans notre pays, et pourquoi ? » Et M. Kamwenubusa de souligner que même si certaines gens ont déjà accordé le pardon, « la vérité reste une nécessité qui permettra de se demander pardon mutuellement ».
Wenceslas Sinabajije abonde aussi dans le même sens : « Oui ! Connaître la vérité sur tout ce qui est arrivé, devrait venir en premier lieu. Et savoir pourquoi y a-t-il eu autant de morts ? Et les auteurs ? » Pour lui, même en cas de pardon, « on ne pardonne qu’à celui qui a demandé pardon ». Et de conclure : « C’est pour cela que la Commission Vérité Réconciliation devra se pencher sur cette question des disparitions forcées. »

Une des voies de réconciliation

Nairi Arzoumanin,  une expert en droit international et en justice de transition ©Iwacu
Nairi Arzoumanin, une experte en droit international et en justice de transition ©Iwacu

Sur l’importance de connaître les personnes disparues, Nairi Arzoumanin affirme que c’est une des voies de réconciliation. Elle souligne que cette question peut être étudiée par d’autres structures sans faire recours à la CVR. C’est surtout au moment où la CVR n’a pas assez de temps pour se pencher sur des cas pareils. Car, dit-elle, ce travail demande un très long processus et exige un long moment. Bref, conclut-elle, « Traiter la question des personnes disparues est vraiment un élément nécessaire car elle permet d’identifier les personnes disparues, et pour les familles d’achever leur deuil, d’arriver à la réconciliation et enfin d’avancer sur la voie de la paix. »

Une enquête sur les disparus s’avère nécessaire

Désiré Ndagijimana, membre de l’association AMPECI Gira Ubuntu, estime qu’il faut identifier les personnes disparues, savoir où elles sont allées, quand et pourquoi ? Il souligne que ce travail peut prendre au moins une année. Après ce travail, Désiré Ndagijimana pense qu’il faut passer à l’identification de toutes les fosses communes. Mais, il signale qu’il est nécessaire de savoir comment mener ces enquêtes sans utiliser la violence.
Après toutes ces étapes, on peut passer à l’exhumation des corps, selon lui. Et d’insister : « Pour lui, la Commission vérité réconciliation (CVR) doit s’occuper de cela de façon prioritaire. »

CVR

Forum des lecteurs d'Iwacu

5 réactions
  1. karenzo

    Nous sommes fort étonnés de constater que ce commentaire ne parle qu’une fine minorité des disparues comme ce cas de la commune Musigati(zone kivyyuka), Cela montre bien la manipulation pouvoir actuelle accompagné d’une fraie propagande à ce sujet. Si le chef d’Etat actuel retire le dossier du tiroir à la fin de 2013, c’est parce que il sert du cheval de bataille de pour les élections 2015.
    Sinon, comment expliquer vous cette publicité des morts de KIVUKA alors qu’ils sont très peux par rapport des tutsis massacrés sauvagement par machettes et gourdins sans parler des femmes et les enfants massacrés après être violé.
    CES mêmes boulots croient qu’il ont tous décimé en en diffusant uniquement ce qui les plaisent , par contre , il y a des endroits n’ont loin de Kivyuka où se trouvent plus de 450 têtes des tutsis dans les fausse commune ou individuelle.

    Arrêtez les amalgames. CEUX QUI les ont tués sont bien connu, et la plus part d’entre-eux sont bien aux pouvoir.
    Merci de bien vouloir diffuser cette info si vous n’êtes pas comprise et si vous êtes pour la vérité et réconciliation.

    • Kabizi

      Monsieur Karenzo,Nulle part n’est marqué le nom Tutsi!Le fait que la photo de Kivyuka soit postée ici,n’a rien à voir avec l’ethnie. Ngirango hari ico ubiziko.Sinon iyo bagomba kwerekana abahutu benshi bapfuye bari kutwereka Uruzi bita Siguvyaye aho bata abavuye mu ntara zitandukanye!
      Ntabwo bavuze abishwe n’abasoda gusa(ndabonako nawe ukeneye uwukwumviriza:Écoute)
      Bose(Ubwoko bwose) barapfuye turabizi,ariko bose ntibapfuye dans les mêmes conditions!

    • KAMO

      Monsieur ou madame Karenzo, je pense que les temps sont révolus pour beaucoup de burundais. C’est très erronné de ne considérer qu’il y a crime que que quand c’est son ethnie qui est concernée, et trouver nomal un crime commis envers l’autre étnie. Cet article a évoqué quelques cas de disparitions en général, il ne saurait les citer toutes, tellement elles sont nombreuses. Et les Barundi: »uwashaka gukira igihute aragikanda ». Si nous appréhendons encore d’voquer notre passé sans trop penchons, nous sommes loin de nous en sortir. Rejoins donc la majorité des burundais qui ont compris qu’il faut faire un pas en avant pour nous occuper plutôt du developpement.

    • Ndarusanze

      urashobora kwandika mu rurimi utahura neza kandi nta ngorane nimwe vyogutera. Hama, jewe ndagushigikiye ko atari mu Kivyuka honyene haguye abantu. Tuzanye ibibanza vyaguyemwo abantu naho woba uzi guharura ntaho woshobora. Nawe ntiwirengagize mu ma kambi y’impuzi, ibirindiro bitandukanye vy’abasoda, amakambi y’abasoda, ibirindiro vy’ivy’imigwi yagwana mu bibanza bitandukanye, n’ahandi n’ahandi.

      • Bakari

        Wababwira n’uko ubwira intumva! Mugabo n’ukugeregeza kuza turuta kuko nta bundi buryo bw’ukuva muri iyo cercle infernal!!!!

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