Dans un livre écrit avec le journaliste Antoine Kaburahe en 2005, Mgr Simon Ntamwana, l’archêvêque de Gitega désigne nommément l’auteur de l’assassinat de Mgr Ruhuna. Extraits.
(…) Beaucoup de choses ont été dites sur son assassinat. Est-ce que dans l’état actuel des enquêtes vous connaissez les auteurs du meurtre ?
L’Archevêché ne doute pas ; la Conférence des Evêques les connaît comme groupe : ce sont les rebelles des Fdd-Cndd, avant qu’ils ne tombent malades de la maladie commune du sécessionnisme. La preuve la plus certaine est la découverte des survivants dans le camp de commandement de la rébellion, dans la région, sur la colline de Mwumba.
Tous les autres gens attrapés et emprisonnés n’y sont pour rien ; ils n’ont aucune complicité dans le meurtre. Malheureusement, les enquêteurs n’ont jamais pu affronter la vraie piste que les survivants indiquent. Pourquoi ?Est-ce un dossier purement politique ? Je n’en sais rien. Encore une fois, au nom de l’Archidiocèse de Gitega que je représente aujourd’hui, je réclame que justice soit faite, en trouvant les meurtriers de notre pasteur chez les rebelles du Cndd-Fdd.
Et le cas de ce Diacre accusé d’avoir trempé dans cet assassinat ?
Notre Diacre Cyrille Kamana, a été en prison plus de sept ans pour rien. L’unique responsabilité de ce diacre est peut être d’avoir donné deux versions des faits du 9 septembre 1996 mais cela ne vaut pas la responsabilité de meurtrier parricide, car Mgr Ruhuna est et restera son père. Je réclame justice, l’Eglise réclame justice. Tout ce que nous avons toujours demandé est un procès équitable. Pourquoi ce Diacre a t-il été accusé ? Nous avons vu à Bujumbura le commandant Zénon du Cndd-Fdd, à l’époque le mouvement était encore sous un même commandement. Cet homme est accusé d’être impliqué dans l’assassinat de notre archevêque. Nous avons dénoncé cela. Pourquoi il n’a pas été appréhendé ? A la place on a emprisonné un innocent. Sans aucun jugement. Le commandant Zénon n’a pas été inquiété. Je suis très peiné. Que la justice fonctionne, qu’elle ne se taise pas.
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Le Diacre est mort sans avoir témoigné
Cyrille Kamana était un jeune Diacre quand sa vie a basculé. En vacances chez lui près de la paroisse de Gitongo, il a été le premier à arriver sur les lieux de l’embuscade tendue contre Mgr Joachim Ruhuna en septembre 1996. Pour les enquêteurs du parquet de Gitega, de témoin il est devenu « suspect ».
Le Diacre a passé huit ans, trois mois et vingt-sept jours en prison à Gitega. C’est grâce à l’immunité provisoire accordée aux membres des bandes armées rebelles et leurs collaborateurs dans le cadre des accords globaux de cessez-le-feu que Cyrille Kamana a pu quitter les geôles. Cet événement a fait couler beaucoup d’encre. Beaucoup y ont vu la confirmation que le diacre était « un rebelle ». J’ai personnellement rencontré plusieurs fois le Diacre Kamana.
Même s’il reconnaissait qu’il était content d’avoir quitté « la vie amère de la prison », il regrettait cependant d’avoir été mis en liberté par cette mesure politique en contradiction avec son statut ecclésiastique. Il se montrait clair à ce sujet : « Je ne suis pas du tout rebelle. C’est triste que j’aie dû sortir de prison grâce à une loi en rapport avec les bandes armées, une loi politique, alors que je n’ai jamais fait de politique ou appartenu à des bandes armées. Mais quand on est en prison, on accepte d’en sortir par n’importe quel moyen, en espérant avoir un jour l’occasion de faire triompher la vérité ».
Son avocat avait réclamé en vain une liberté provisoire en rapport avec un vrai dossier en cours d’instruction, mais le tribunal a refusé en argumentant « qu’il ne peut pas amnistier des gens qui collaborent avec les bandes armées ». C’est donc la mort dans l’âme que Cyrille Kamana a accepté d’être relaxé grâce à une loi concernant la libération des rebelles.
Cyrille Kamana était un homme détruit, accusé d’avoir tué celui qu’il vénérait : Monseigneur Ruhuna. Plus tard, il a été ordonné prêtre et avait retrouvé une certaine joie de vivre.
Au sujet de l’assassinat de Monseigneur Ruhuna, il avait vu beaucoup de choses effectivement sur les lieux de l’embuscade. Dans la foulée, il avait été enlevé par les hommes armés auteurs de l’embuscade. Il a même donné le nom de celui qui dirigeait le groupe. Cet homme issu des FDD est aujourd’hui un grand officier de la FDN…
Cyrille Kamana disait qu’il était prêt à témoigner pour autant que l’on cherche vraiment la vérité, devant la Commission Vérité et Réconciliation par exemple. Il n’aura pas cette occasion. Il est mort l’année passée à 43 ans.