Vendredi 22 novembre 2024

Opinions

« Quelle(s) justice(s) pour les victimes des crimes contre l’humanité commis au Burundi en 1972 ? »

13/06/2022 6
« Quelle(s) justice(s) pour les victimes des crimes contre l’humanité commis au Burundi en 1972 ? »
Une photo tirée du journal Ubumwe de mai 1972 montre des personnes enchaînées

Par Eugène Nindorera*

1. Ce thème a initialement été traité dans le cadre de la conférence internationale sur le Burundi organisée par l’Université d’Ottawa les 29 et 30 avril 2022. Le thème général de la conférence était : « La Commission Vérité et Réconciliation et les atrocités de 1972 : Une évaluation préliminaire ». Le présent texte va au-delà de la brève présentation que j’ai faite au cours de ladite conférence et me permet d’approfondir ma réflexion sur ce sujet.

2. A partir du rapport d’étape de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) 2021[1] , ma réflexion personnelle va porter sur deux mécanismes de la justice transitionnelle (JT), à savoir la justice répressive[2] et la justice restauratrice[3] . Elle va aussi comprendre quelques considérations sur le processus de JT au Burundi, car l’analyse de ces deux aspects ne peut se faire rationnellement en dehors de leur contexte.

I. Propos liminaires

3. Partant de plusieurs définitions de la Justice transitionnelle[4], j’ai choisi de les combiner pour proposer une définition simple adaptée au contexte burundais à la fin des négociations d’Arusha et de la guerre civile au début des années 2000 : la justice transitionnelle est l’ensemble des mécanismes, judiciaires et non judiciaires, mis en œuvre pour sortir d’une période de conflit en vue de faire la lumière sur les actes de violence commis dans le passé, établir les responsabilités, prévenir la commission de nouvelles violations graves/massives des droits de l’homme, promouvoir une paix durable et favoriser la réconciliation.

4. Les quatre piliers de la justice transitionnelle sont la recherche de la vérité qui est généralement confiée à une commission de vérité, les poursuites judiciaires, les réparations et, comme quatrième pilier, les réformes institutionnelles pour éviter de nouvelles crises. Dans tout processus de JT, les victimes occupent une place centrale[5] !

5. La CVR est donc un autre mécanisme de la JT. Sa création est prévue dans l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi du 28 août 2000[6] . Cet accord cherchait à mettre fin à la guerre civile pour instaurer la Paix et promouvoir la Réconciliation. Les lois sur la CVR de 2014 et 2018[7] se sont progressivement éloignées de l’esprit de l’Accord d’Arusha. Depuis la fin effective de la guerre civile, le Burundi a traversé une autre crise majeure en 2015 et il connaît encore des problèmes notoires en matière de bonne gouvernance et de respect des droits humains. En conséquence, la CVR a travaillé dans un contexte biaisé[8] lequel, d’une manière ou d’une autre, a forcément influé négativement sur ses travaux. La prise en compte du quatrième pilier de la JT dans cette réflexion est incontournable.

6. Le bilan des atrocités de 1972 est extrêmement lourd voire incommensurable vu leur impact sur la société burundaise cinquante ans après :

(i) conditions effroyables dans lesquelles tant de milliers de personnes ont été tuées, exécutées, portées disparues, torturées, blessées, spoliées, appauvries et contraintes à l’exil ;
(ii) souffrances morales et psychiques graves et dramatiques ;
(iii) exacerbation de la fracture identitaire[9] dont le paroxysme est que pour certains, seul doit être reconnu le génocide contre leur groupe ethnique et celui contre l’autre principal groupe ethnique doit être nié ;
(iv) assassinat impuni du dernier roi du Burundi et de certains baganwa et son importance dans la mémoire collective du groupe des Ganwa.
Bref, c’est la société burundaise toute entière qui subit un traumatisme avec des individus perturbés à des degrés divers. La prise en considération de l’ensemble des éléments de ce bilan est indispensable pour concevoir et mettre en œuvre une stratégie susceptible de conduire aux résultats escomptés.

7. Les atrocités de 1972 couvrent les trois crimes les plus graves : les crimes de guerre, les crimes contre l`humanité et le crime de génocide. Ce sont des crimes de droit international, punissables de lourdes peines, imprescriptibles et inamnistiables. Les controverses étant circonscrites aux deux dernières catégories de crimes, je ne vais pas focaliser mon attention sur les crimes de guerre.

8. Le plus odieux de ces crimes est le génocide dont la caractéristique particulière est l’existence, de la part de leurs auteurs, d’une « intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux[10] ». Cette intention n’est pas aisée à prouver et le niveau d’exigence pour établir (pour les juges) ou affirmer (pour les non juges) cette intention varie, surtout lorsque des critères subjectifs entrent en ligne de compte.

9. Le génocide est généralement abordé dans trois principaux cas de figure :

(i) La qualification juridique du crime de génocide appartient au seul juge, qu’il soit national ou international ;
(ii) La reconnaissance politique au niveau national ou international du génocide est faite par les Etats ou les organisations régionales et internationales. Cette reconnaissance peut faire l’objet d’un acte formel tel qu’une loi ou une résolution. La reconnaissance politique ne suit pas toujours une reconnaissance juridique et elle comporte aussi des implications diverses. Bien entendu, les points de vue peuvent diverger et des facteurs d’ordre politique sont souvent considérés. Les propos récents du Président français Emmanuel Macron sur la controverse sur les crimes commis en Ukraine sont révélateurs de cette réalité : « Le mot de génocide a un sens. Et le mot de génocide aujourd’hui doit être qualifié par des juristes, pas par des politiques (…). Si c’est un génocide, les Etats qui considèrent que c’est un génocide se doivent, par les conventions internationales, d‘intervenir. Est-ce que c’est ce que les gens souhaitent ? Je ne crois pas, c’est-à-dire devenir cobelligérants (…) ; ça n’est pas aider l’Ukraine que de rentrer dans l’escalade verbale sans en tirer toutes les conséquences et d’être dans une espèce de situation où les mots n’auraient plus de sens[11] ».
(iii) A côté de cette qualification juridique et de cette reconnaissance politique, rien n’empêche toute autre personne, physique ou morale, de parler de génocide ou de crime de génocide comme elle l’entend, en gardant justement à l’esprit le sens des mots, la définition des concepts juridiques et le principe de la présomption d’innocence. Je classe une commission de vérité ou une commission d’enquête internationale dans cette troisième catégorie. Cependant, l’autorité morale dont une telle entité jouit peut conduire à une reconnaissance politique au niveau national ou international. Ici aussi, les positions des uns et des autres peuvent être influencées par le contexte sociopolitique dans lequel ils évoluent, les rapports de force, les pressions qu’ils subissent, leurs origines, leurs affinités politiques, leur vécu personnel, etc.

10. A l’issue de ses enquêtes, lesquelles doivent être menées conformément aux règles techniques et éthiques d’usage, la CVR a conclu qu’il y a eu un génocide contre les citoyens bahutu et des crimes contre l’humanité contre certains batutsi[12] . Elle a aussi établi une liste de présumés auteurs. Le rapport n’indique pas clairement si la CVR a tenté de contacter toutes ces personnes (si elles sont encore en vie) pour leur donner l’opportunité de raconter leur version des évènements. Le rapport d’une commission de vérité constitue une forme de justice historique et, à ce titre, ce processus requiert une participation populaire aussi large que possible, une méthodologie rigoureuse et le maximum de transparence[13] .

II. Justice répressive

11. La CVR ne peut pas poursuivre des personnes en justice, car elle n’en a pas les prérogatives. A partir des rapports d’une CVR, des témoignages que cette dernière a recueillis et des preuves produites, les personnes qui ont la charge de poursuivre des présumés auteurs de crimes graves devant une juridiction, nationale ou internationale, devront procéder à leurs propres enquêtes. Elles pourront ensuite poursuivre ces suspects, si elles jugent que les conditions exigées par la loi nationale ou l’instrument international sont réunies.

12. Les poursuites pénales pour les crimes atroces commis en 1972 comportent des défis de taille et des questions essentielles restent posées, comme la qualification de crimes commis il y a 50 ans, leur prescription ainsi que le tribunal compétent, au niveau national et/ou international, pour traiter de ces crimes.

13. En 1972, les crimes contre l’humanité et le crime de génocide n’existaient pas dans l’arsenal juridique burundais. Avec la ratification ou l’adhésion du Burundi à la Convention internationale sur le crime de génocide (1997), les Conventions de Genève (1971), le Statut de Rome sur la Cour pénale internationale (2003), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1990), l’adoption d’une loi nationale portant répression du crime de génocide[14] , ces crimes les plus graves sont devenus applicables au Burundi. Cependant, s’il est vrai que ces crimes sont imprescriptibles[15] et inamnistiables, le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale est affirmée dans la Constitution[16] et ne peut donc pas être écarté d’un simple revers de la main. Par ailleurs, le Burundi s’est retiré de la CPI de manière effective en octobre 2017[17] . Il a ainsi affiché sa volonté de ne pas coopérer avec la communauté internationale pour poursuivre les présumés auteurs de crimes de droit international.

14. Pourtant, aux termes des dispositions de l’Accord d’Arusha[18] , la qualification de ces crimes et la poursuite de leurs présumés auteurs devaient être laissées à un Tribunal pénal international sur le Burundi. Dans l’hypothèse d’un recours à des juridictions burundaises pour poursuivre et juger de tels crimes, il faudrait s’assurer que ces dernières sont conformes aux exigences constitutionnelles d’un procès équitable, ce qui n’est pas garanti dans le contexte actuel[19] . Somme toute, cet imbroglio juridico-légal mais aussi politique ne permet pas d’envisager de solutions incontestables.

15. L’autre question fondamentale traitée dans le cadre de la JT est celle de l’opportunité de ces poursuites pénales. Voilà ce qu’en dit le Professeur Luc Huyse[20] , expert en JT : « Pour certains, la réconciliation implique l’oubli et le pardon. D’autres, au contraire, seront d’avis que l’impunité entrave cette même réconciliation (…). L’idée que le défi crucial se situe dans la recherche d’un équilibre entre le désir de justice et le besoin de prudence politique fait l’unanimité. En d’autres termes, il s’agit de concilier l’éthique avec le réalisme politique. La tâche n’est pas aisée. Il convient de prendre en compte l’ensemble des coûts et profits, tant politiques que moraux. Il faut ensuite trouver un équilibre au sein de chacune des deux options fondamentales».

Des membres des forces armées burundaises en 1972

16. Quand les victimes essaient de faire prévaloir leur droit à la justice, leurs bourreaux veulent être amnistiés, y compris pour des crimes inamnistiables, ou, à défaut, ils imposent une impunité de fait. Au Libéria[21] , à la suite de la publication du rapport de la Commission Vérité et Réconciliation[22] , Prince Johnson, cité comme un des plus redoutables « Seigneurs de Guerre », affichera sa détermination à résister à toute tentative de l’arrêter. En fin de compte, il sera réélu Sénateur dans sa circonscription où il est perçu comme un héros et c’est en partie grâce à son soutien que la Présidente Ellen Johnson Sirleaf sera réélue pour un second mandat en 2011. En définitive, au-delà de la question de l’opportunité des poursuites pénales, celle de la capacité à poursuivre des criminels d’une certaine envergure se pose avec acuité.

17. Pour ma part, je suis de ceux qui affirment qu’il ne peut y avoir de réconciliation véritable sans un minimum de justice. La poursuite de tous les auteurs des crimes de masse peut s’avérer difficile voire impossible immédiatement compte tenu de l’ampleur des crimes ou du contexte sociopolitique du moment, en particulier le facteur primordial des rapports de force.

18. Cependant, trois catégories de personnes méritent d’être poursuivies en priorité :

(i) les autorités de l’Etat et de ses institutions, car le rôle de l’Etat n’est absolument pas de tuer ses citoyens ;
(ii) les responsables d’organisations diverses en fonction de leur implication dans les abus graves des droits humains ;
(iii) les personnes qui développent et propagent une idéologie ou des idées d’extermination, de violence et de haine.
19. Leur responsabilité est généralement grande dans l’exécution des atrocités. Si leur puissance les protège à une période donnée, il faut militer activement et inlassablement pour que ces présumés auteurs de violations/abus graves des droits humains puissent être inculpés dans un avenir plus ou moins proche. Une solution intermédiaire que suggère un autre mécanisme de JT, est d’écarter ces personnes dangereuses des postes de responsabilité, à défaut de pouvoir les emprisonner.
20. De la synthèse du livre photos qui figure à la fin du Résumé exécutif du rapport d’étape de la CVR 2021[23] , j’en déduis que la poursuite des présumés auteurs des crimes graves de 1972 ne semble pas être la priorité des victimes ou de leurs familles, à moins que la question ne leur ait pas été clairement posée. Le fait que la plupart de ces personnes aient un âge avancé ou soient décédées est une explication plausible. En revanche, des victimes souhaitent une demande de pardon de la part des personnes à l’origine de leurs souffrances.
21. J’ai aussi noté que leurs doléances principales tournaient autour de l’enterrement dans la dignité des membres de leur famille, l’indemnisation, l’érection de monuments commémoratifs, la restitution de leurs biens, la sensibilisation, en particulier des jeunes, au « Plus jamais ça ! ». Ces doléances relèvent de la réparation, un sujet qui a été abordé par d’autres panélistes.
22. Le rapport des consultations nationales sur la mise en place des mécanismes de justice de transition au Burundi de 2010 contient aussi des informations intéressantes sur les opinions de la population sur tous ces sujets.

III. Justice restauratrice

23. La justice restauratrice est aussi appelée justice réparatrice. Cette définition de la justice réparatrice est empruntée à un manuel de l’ONUDC[24] : « Par justice réparatrice, on entend un processus par lequel on combat la délinquance en réparant le mal fait aux victimes, en rendant les délinquants comptables de leurs actes et, souvent, en associant la communauté à la résolution du conflit. La participation des parties est un aspect essentiel de ce processus, qui place l’accent sur l’établissement d’une relation, sur la réconciliation et sur la recherche d’une entente entre les victimes et le délinquant. Cette méthode peut s’adapter à diverses cultures et aux besoins de différentes communautés».

La participation de la communauté est active, car les tensions entre personnes vivant au sein d’une même communauté l’affectent, et la résolution du conflit la renforce. L’harmonie sociale voire la réconciliation au niveau de la communauté concerne les membres de la communauté. Le recours à un médiateur choisi au sein de la communauté présente un certain nombre d’avantages s’il possède les vertus des Bashingantahe (sages, notables coutumiers). Dans le cadre de la justice restauratrice, la procédure est souple (pas d’exigence de preuves, de représentation juridique par un avocat, exécution des décisions grâce aux pressions sociales). Bien entendu, il y a aussi des risques, des inconvénients et des difficultés, pour lesquels, une fois de plus, les effets néfastes sont plus faciles à minimiser si l’environnement général s’améliore progressivement et que les autorités ainsi que les leaders communautaires ont à cœur de promouvoir l’intérêt général.

24. Je voudrais évoquer un cas typique de justice restauratrice mentionné dans le rapport de la CVR, à savoir la réconciliation entre deux personnes, l’une ayant tué le père de l’autre en 1972 dans la région de Matana[25] . De tels exemples initiés par les concernés eux-mêmes ne pourront se multiplier sensiblement que dans le cadre d’un environnement véritablement apaisé.

25. Si les autorités en place, au niveau national et local, arrivent à transcender les clivages qui minent la société burundaise et à inspirer confiance aux différentes composantes de la population par leur bonne gouvernance et leur attachement réel aux valeurs des droits humains, une justice restauratrice de qualité pourrait se développer et produire des résultats spectaculaires.

26. En réalité, chaque localité a sa propre histoire avec ses spécificités, ses dynamiques internes, ses rapports de force et d’autres facteurs qui lui sont singuliers. L’histoire unique de cette localité pourrait être révélée dans le cadre d’un dialogue ouvert et sincère au sein des communautés. Une approche globale ou holistique consistant à couvrir toute la période visée par le mandat de la CVR aurait permis de mieux comprendre la situation, car tous les évènements survenus et leur niveau d’intensité trouvent souvent leur explication, au moins partielle, dans une analyse approfondie du contexte passé.

27. En tout état de cause, les conditions minimales nécessaires pour amorcer un tel dialogue dans le cadre de la justice restauratrice, ne sont pas encore réunies.

IV. Considérations sur le travail de la CVR et les atrocités de 1972

28. De mon point de vue, la CVR n’a pas suffisamment pris en compte les caractéristiques du drame burundais pour emprunter une démarche susceptible d’aider les Burundais à assumer leur passé, s’approprier le processus de JT et envisager un avenir commun sans violence.

Pierre Claver Ndayicariye Président de la CVR

29. La réussite de la CVR s’évaluera davantage par sa capacité à promouvoir l’empathie et des témoignages qui soient libérés de toute pesanteur liée au conflit des mémoires, lequel ne fait que polluer l’environnement. Cela revient à aider la population, les victimes ainsi que leurs familles à :

(i) écouter et prendre en compte toutes les douleurs et pas seulement les siennes ou celles de son groupe ethnique ;
(ii) reconnaître ces douleurs et arriver à en parler dans un cadre aussi ouvert que possible ;
(iii) éviter toute « solidarité négative » à l’égard des présumés responsables de ces souffrances sous le fallacieux prétexte des affinités communes ou perçues comme tel, qu’elles soient ethniques, politiques ou autres.

30. Hélas, la teneur de certaines parties du rapport indique que la CVR ne s’est pas elle-même imprégnée de cet état d’esprit. La synthèse du rapport de la CVR[26] en est un exemple éloquent voire choquant. La synthèse d’un rapport, surtout s’il est volumineux, fait toujours l’objet d’une grande attention car elle permet au lecteur de se faire immédiatement une idée du contenu de l’ensemble du rapport. Sur les 4 pages de cette synthèse, il est regrettable qu’il n’y ait pas une seule ligne consacrée aux deux autres faits emblématiques des mois d’avril/mai 1972 sur lesquels reposent des mémoires conflictuelles de groupes, à savoir l’assassinat du dernier roi du Burundi et ce que la commission a qualifié elle-même de crimes contre l’humanité contre certains batutsi. Il est peu probable qu’un tel manquement soit fortuit. Cette faute grave peut facilement amener une partie des Burundais à ignorer le rapport et le travail de la CVR alors qu’ils contiennent des informations et des témoignages intéressants. La CVR a ainsi méprisé la souffrance d’un bon nombre de Burundais qui ont perdu des membres de leur famille en 1972. D’emblée, à la lecture de cette synthèse, la CVR donne le sentiment de n’avoir pas réussi à s’élever au-dessus des clivages.

31. Concernant le sens des mots « crimes contre l’humanité » et « crime de génocide », ces deux notions juridiques et les nuances entre elles échappent à la très grande majorité des Burundais. Néanmoins, ils sont au cœur d’une véritable « guerre » qui dure depuis cinquante ans. Cette polémique est surtout politico-médiatique et émotionnelle. Ses effets sont désastreux puisque, d’une part, ces incessantes tensions accentuent la fracture identitaire et, d’autre part, elles cherchent à établir une forme de hiérarchisation au niveau des victimes. En effet, on donne l’impression que si une personne n’est pas victime d’un crime de génocide, sa mort ne mériterait pas la même considération. Une telle perception est particulièrement choquante du point de vue des victimes. Ces dernières ou leurs familles ont les mêmes besoins/revendications et ne se sentent probablement pas concernées par cette polémique sur la qualification juridique des crimes. Leur préoccupation première est que les crimes de sang ne restent pas impunis, que leurs présumés auteurs soient mis hors d’état de nuire et qu’une réparation leur soit accordée. La qualification exacte des crimes de sang ne se situe pas dans cette première catégorie de priorités. Par ailleurs, les dispositions du code pénal en vigueur en 1972[27] ou à d’autres périodes de crise étaient suffisantes pour assouvir le besoin de justice de toutes les victimes et/ou de leurs familles.

32. Dans le contexte du Burundi, la vie humaine a perdu sa valeur sacrée que nous rappellent ces deux adages rundi sur le respect de la vie (Ubuzima) : « Ubuzima bw’umuntu n’amazi aseseka ntibayore » (la vie d’une personne, c’est de l’eau versée que l’on ne peut récupérer) ; « Ubuzima ni katihabwa » (la vie est sacrée). Depuis le début des cycles de violence que le Burundi a connus après son indépendance en 1962, la société burundaise tend à se déshumaniser. Par conséquent, il faudrait que le respect de la vie humaine soit la priorité absolue. Ce serait un objectif plus simple, plus réaliste et surtout plus clair que celui de la réconciliation qui peut paraître quelque peu complexe et confus aux yeux de la population.

33. Le respect de la vie humaine repose sur quelques principes simples qui auraient dû être renforcés dans l’approche de la CVR au lieu de se focaliser sur des termes juridiques qui polarisent et divisent inutilement la société burundaise. Ces principes sont les suivants :

(i) Personne ne peut, de manière délibérée, porter atteinte à la vie d’autrui. Toute personne qui commet un tel acte doit être puni conformément à la loi ;
(ii) N’importe quelle personne tuée en 1972 mérite toute l’attention comme victime ;
(iii) le non respect de la vie humaine atteint son paroxysme lorsque des personnes appartenant à un groupe déterminé sont ciblées et tuées uniquement pour ce qu’elles sont. Cela est inacceptable et c’est la ligne à ne jamais franchir au risque de perdre son humanité.

34. Nous devrions tous, individuellement et collectivement, condamner vigoureusement ces crimes odieux, et cela indépendamment des origines et des identités des victimes et des présumés auteurs. Ces derniers devraient être identifiés, arrêtés et poursuivis pour qu’ils assument la responsabilité de leurs actes.

35. Le respect de la vie humaine ne devrait en aucune façon être altéré par des crimes ou des abus/violations des droits humains que l’on essaie de justifier en recourant à des concepts ou des vocables pervers tels que « répression », « réaction », « punition » ou encore « vengeance ». La perversité réside dans le sous-entendu qu’une personne, physique ou morale, serait poussée à faire quelque chose de mal sans que cela ne lui soit imputable. S’il s’agit de crimes, ceux-ci sont particulièrement graves lorsqu’ils sont dirigés contre des populations civiles innocentes ou lorsqu’ils sont commis par le Gouvernement et ses agents.

Photo prise en 1972 à Rumongo. On voit une excavatrice pour creuser les fosses communes

36. Le principe de la responsabilité individuelle doit être rappelé voire martelé en permanence. Il faut se garder de glisser dans une forme de globalisation dont les conséquences fâcheuses ne sont pas toujours évaluées à leur juste dimension. Nul ne devrait être inquiété parce qu’une personne de sa famille ou de son groupe spécifique s’est rendu coupable d’un crime. Malheureusement, cette ligne rouge est trop souvent franchie allègrement dans beaucoup de sociétés, y compris au Burundi. Au Soudan du Sud, le concept de « revenge killing » (tuer par vengeance) reste fortement ancré dans les esprits et les pratiques, de sorte qu’il est difficile d’endiguer la spirale de violence qu’entraîne un tel phénomène. Si un membre d’une famille est tué, la vengeance quasi-automatique ne visera pas seulement le présumé responsable du crime, elle s’abattra aussi sur sa famille et sa communauté. Après avoir travaillé plus de quatre ans dans ce pays[28] , j’en suis parti avec un sentiment de frustration et d’impuissance face à ce phénomène difficile à enrayer tant que les dirigeants restent enfermés dans cette logique de groupes ou celle des « identités meurtrières[29] ».

37. Aucune personne ne devrait être exonérée de sa responsabilité pénale pour avoir commis de tels crimes sous prétexte qu’elle exécutait un ordre venant de qui que ce soit, y compris d’une autorité publique ou de son supérieur hiérarchique. Tout au plus, le contexte peut permettre d’évoquer des circonstances susceptibles d’atténuer la responsabilité de cette personne.

38. Par ailleurs, nul ne devrait justifier des crimes atroces ni se montrer indulgent à l’égard de criminels notoires parce que les personnes responsables de ces abus/violations proviennent de sa famille, de son environnement ou de son groupe spécifique. Une fois de plus, cette fâcheuse tendance prévaut au Burundi et elle mérite d’être analysée en profondeur pour trouver des remèdes appropriés à ce virus qui a contaminé une bonne partie de la société burundaise et qui se transmet d’une génération à l’autre.

39. Lorsque la responsabilité de l’Etat est engagée comme en 1972, la détermination des responsabilités individuelles reste indispensable. Celle-ci ne doit pas s’arrêter à l’évocation des fonctions officielles d’une autorité civile, militaire ou policière. Une analyse rigoureuse des structures de l’Etat à tous les niveaux, de son mode effectif de fonctionnement, de ses dysfonctionnements multiformes ou encore des rapports de force en présence permet d’être plus précis sur le rôle joué par les acteurs étatiques et d’autres personnages ou forces plus ou moins occultes qui s’immiscent illégalement dans la gestion des affaires publiques[30] .

40. L’obligation de l’Etat consiste aussi à protéger les personnes en danger ou susceptibles d’être victimes d’abus ou de violations de droits humains. Les manquements de l’Etat et de ses services face à ce devoir doivent être relevés, surtout qu’ils ont des conséquences fâcheuses sur les attitudes des uns et des autres. Dans un contexte de tensions ethniques et de violence, et à défaut de se sentir protégée par les pouvoirs publics, une personne qui a peur d’être tuée peut réagir de diverses manières, les unes plus extrêmes que les autres. Ces réactions peuvent être le fruit d’une conscientisation ou d’une manipulation de la part de personnes, d’organisations ou d’institutions aux objectifs funestes.

41. Concernant les crimes atroces commis en 1972, je voudrais exprimer mon point de vue personnel à la lumière de l’approche que je préconise. Je me limiterai aux crimes les plus graves, mais je considère que toute perte de vie humaine est déplorable et mérite l’attention de tout le monde. L’assassinat de Ntare V mériterait une attention particulière eu égard à sa personnalité et à son statut dans la société burundaise.

Le jeune roi Ntare V à côté de Michel Micombero qui mettra fin à son règne

42. En 1972, un nombre très élevé de Burundais ont été ciblés et tués uniquement parce qu’elles/ils étaient Hutu ou Tutsi. Cela ne fait aucun doute. On peut discuter du nombre de victimes, des endroits affectés, des circonstances, de l’identité des présumés auteurs et de leur motivation, mais cette reconnaissance objective du mal absolu s’impose.

43. Le nombre de Hutu tués était plus important et cela s’explique essentiellement par le rôle déterminant joué, dans la perpétration de ces crimes graves, par l’Etat, ses agents et des éléments de la Jeunesse Révolutionnaire Rwagasore (JRR), le mouvement de jeunes intégré au parti unique UPRONA. L’Etat burundais a clairement échoué dans l’accomplissement de deux de ses missions essentielles, à savoir protéger ses citoyens contre les abus/violations d’où qu’ils viennent et s’interdire de violer lui-même les droits fondamentaux de ses citoyens. Les Hutu ciblés l’étaient surtout en fonction de leur milieu socio-économique. Les Hutu suspectés d’avoir commis des crimes ou d’en être les complices auraient dû être traduits en justice et bénéficier d’un procès équitable. Au lieu de cela, les quelques procès organisés étaient une parodie de justice et il y a eu un nombre élevé bien qu’indéterminé d’exécutions extrajudiciaires.

44. Des Tutsi vivant dans des zones déterminées ont été ciblés et tués par des groupes organisés de Burundais dont faisaient aussi partie des étrangers dans certaines localités. Les organisations impliquées dans la propagation de telles idées portent une lourde responsabilité dans la perpétration des crimes graves commis contre les Tutsi.

45. La question suivante est celle de savoir quelles étaient la motivation et l’intention derrière ces crimes de sang visant un groupe spécifique. Lorsque l’intention de détruire ledit groupe existe et qu’elle est prouvée, c’est uniquement à ce moment-là que le juge peut conclure à un crime de génocide. Pour ma part, dans les deux cas, je suis convaincu que l’exécution de ces crimes ne relève pas de simples coïncidences et qu’il y avait donc un niveau de préparation qui reste à préciser. De là à confirmer cette intention avec des preuves susceptibles de convaincre un juge rigoureux, il y a un pas que je ne suis pas en mesure de franchir au vu des informations en ma possession et conscient des exigences requises dans ce domaine par la justice internationale. Les acquittements, les charges et les peines prononcés par les tribunaux pénaux internationaux ou la Cour Pénale Internationale (CPI) incitent à une certaine réserve de ma part.

46. La CVR gagnerait à revoir son chapitre sur la planification du génocide[31] en se montrant plus rigoureux. Le contenu de ce chapitre risquerait de lui faire perdre sa crédibilité aux yeux d’un procureur international si ce dernier voulait s’inspirer dudit rapport pour établir la commission d’un génocide, entamer des poursuites pénales contre leurs présumés auteurs et espérer obtenir gain de cause devant un tribunal international.

47. Cependant, dès lors qu’une volonté de tuer des personnes pour ce qu’elles sont ou celle de détruire un groupe spécifique est détectée ou simplement suspectée, il importe d’accorder toute l’attention que requiert la compréhension d’un tel fléau pour le combattre efficacement et sans relâche jusqu’à son éradication. En d’autres termes, il faut que la société burundaise toute entière se pose les questions suivantes et y réponde : Comment en est-on arrivé là ? Qui sont ceux qui propagent de telles idées ? Comment les neutraliser ? Que faire pour contrecarrer leurs enseignements et leur propagande? Ces questions fondamentales et complexes auraient dû être approfondies par la CVR.

48. A mon humble avis, il aurait été plus compréhensible que la période à couvrir par la CVR débute avec l’indépendance du 1 juillet 1962 comme le préconisait l’Accord d’Arusha d’autant plus que deux des trois arguments[32] utilisés par la CVR pour justifier la priorité accordée aux atrocités de 1972 militent plutôt en faveur de cette option. En effet, les témoignages des victimes et des présumés responsables des évènements survenus entre 1962 et 1972 seront assurément plus difficiles à recueillir avec le temps. L’approche holistique présentant plus d’avantages, la CVR aurait pu la privilégier comme elle l’a été par la majorité des commissions de vérité à travers le monde.

49. La CVR devrait faire preuve de plus d’humilité et de rigueur. Elle semble vouloir persuader le lecteur/public de ses analyses et de ses conclusions en recourant à des mots qui ne sont pas toujours étayés par des explications ou des arguments convaincants. Concernant la gestion des fosses communes par exemple, celle-ci exige de recourir à des experts pour se conformer aux normes techniques et éthiques dans ce domaine. Il n’y a pas de faiblesse et encore moins de mal à reconnaître ses limites ou ses incertitudes pour solliciter l’appui nécessaire chaque fois que de besoin. En revanche, il serait regrettable qu’un manque de rigueur dans l’identification et la gestion des fosses communes empêche à un certain nombre de familles de faire leur deuil, un droit essentiel dénié jusqu’ici à tant de familles qui ont perdu les leurs en 1972.

50. Un autre exemple est la manière dont la CVR recourt au mot et au concept de « vérité ». La CVR semble croire qu’elle a rétabli la vérité, l’unique vérité, sur ce qui s’est passé en 1972 et, en conséquence, elle se croit fondée à demander que personne ne puisse contester ses conclusions[33] . Des membres de la CVR sont même réticents à participer à des discussions sur leur propre rapport. Au lieu de libérer la parole, la CVR cherche plutôt à l’inhiber, ce qui reviendrait à signer un aveu d’échec au regard de sa mission.

51. Tout comme personne n’a le monopole de la souffrance, personne n’a le monopole de la vérité. Tout comme la démocratie, les droits humains ou encore l’Etat de droit, la vérité est aussi un idéal vers lequel il faut tendre humblement et résolument, mais sans toutefois prétendre l’avoir atteint. Si les faits sont rigoureusement les mêmes et reconnus comme tels, des nuances et des divergences vont apparaître au niveau de l’élément moral/intention/mobile (le « pourquoi ?») ou de la manière dont ces faits se sont produits (le « comment ? »). Dès que des témoins oculaires n’ont pas la même version des faits, le doute s’installe et la vérité, l’unique vérité, s’éloigne. Personnellement, je reste sceptique quand on parle de vérité avec un V ou quand on parle de lecture commune de l’histoire[34] . En tout état de cause, ce qui importe prioritairement à ce stade, c’est que nous, les Burundais, nous arrivions à accepter nos divergences de vues sans que celles-ci ne débouchent sur un bain de sang qui porte gravement atteinte à la vie humaine. Nous avons un besoin pressant de cultiver la tolérance.

V. Accorder la priorité au quatrième pilier de la justice transitionnelle

52. L’impact du contexte général sur un processus de JT est considérable. En 2018, les conséquences et les séquelles de la crise de 2015 ainsi que la mauvaise gouvernance ne pouvaient pas permettre d’entamer ce processus dans un environnement apaisé. Notamment, la manière dont la Constitution et la loi sur la CVR ont été modifiées ainsi que la nomination du nouveau Président de la CVR reflétaient déjà une volonté du pouvoir d’instrumentaliser le processus de JT en privilégiant sa force institutionnelle au lieu de favoriser la recherche d’un consensus et une participation populaire aussi large que possible. S’il n’est pas inclusif, le processus de JT au Burundi ne peut pas s’ériger sur de solides fondations. Concernant le choix du Président de l’institution, l’exemple de la Côte d’Ivoire[35] est parlant : j’ai vu comment la nomination d’un ancien premier ministre à la tête de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation a tout de suite mis en doute la crédibilité de cette institution aux yeux de beaucoup d’Ivoiriens. En foulant au pied les principes élémentaires d’impartialité et d’indépendance dans la mise en place d’une institution aussi importante, les instances de décision poursuivent vraisemblablement un objectif inavoué préjudiciable au processus tout entier et à son but ultime.

53. Au-delà de ces premières décisions des pouvoirs exécutif et législatif, leur responsabilité première est de constamment améliorer l’environnement global sur tous les plans pour que le processus de JT atteigne ses nobles objectifs. Il n’est pas superflu de rappeler que, d’une part, les missions constitutionnelles du Parlement consistent à voter la loi, mais aussi à contrôler l’action du Gouvernement[36] et, d’autre part, le quatrième pilier de la JT cherche à prévenir de nouvelles violations massives des droits humains, « créer une culture de respect des droits de l’homme[37] » et « rétablir la confiance de la population dans les institutions publiques[38] » .

54. Les réformes institutionnelles pour éviter de nouvelles crises commencent par l’obligation du Gouvernement à assurer une bonne gouvernance politique et économique, respecter et faire respecter les droits humains, promouvoir un Etat de droit, y compris une justice impartiale et indépendante. Dans ces domaines vitaux, les attentes des populations sont simples et transcendent les clivages de tous ordres. Elles pourraient être formulées clairement et servir d’indicateurs de performance pour les gouvernants si ces derniers voulaient réellement honorer leur obligation de redevabilité[39] . Un dirigeant gagne la confiance de sa population par son discours, mais surtout par les actes qu’il pose au quotidien. Ceux-ci indiquent s’il est compétent ou pas, mais ils montrent surtout son intégrité et son attachement aux valeurs humaines et à l’intérêt général. Un dirigeant doit ressembler à ces personnes (Hutu, Tutsi, Twa et Ganwa confondus) qui ont pris des risques pour sauver des vies humaines dans des circonstances complexes et dangereuses au cours des crises successives que le Burundi a connues. A ce propos, la CVR a relevé un certain nombre de cas observés en 1972.

55. La situation sociopolitique actuelle du Burundi est fort préoccupante et rappelle à bien des égards les gestions calamiteuses de l’Etat comme en 1972 alors que la population espérait que ces situations étaient révolues. Certes, les dirigeants et les rapports de force ont changé, mais aucune leçon n’a été tirée du passé pour éviter de retomber dans les mêmes erreurs aux conséquences si dévastatrices pour le pays. Je me contenterai d’évoquer brièvement quatre éléments particulièrement inquiétants qui mettent en cause la fiabilité d’un processus de JT dans le contexte actuel :

(i) les activités illégales des Imbonerakure, les jeunes du parti au pouvoir qui se comportent comme une véritable milice et commettent des abus des droits humains avec la complicité ou la complaisance des pouvoirs publics, et ce en toute impunité. Si les gens ne peuvent pas s’exprimer librement sur les abus et les violations qui se commettent aujourd’hui, cela veut tout simplement dire que les conditions ne sont pas réunies pour parler ouvertement des crimes du passé ;
(ii) un Etat qui se met au-dessus de la loi. A en croire les déclarations de l’actuel Président de la République, porter plainte contre l’Etat, c’est une erreur (« Reta (…) ugiye kuyiburanya uba wihenze ») et l’Etat ne commet pas de péché (« Reta nticumura»[40]) . Pourtant, la période que la CVR est supposée couvrir regorge de faits et de situations qui attestent le contraire. Assurément, le Burundi se porterait mieux aujourd’hui si les victimes des crises burundaises ou leurs familles avaient pu attaquer l’Etat et ses agents pour qu’ils répondent de leurs actes répréhensibles devant une justice indépendante et que leurs droits bafoués leur soient reconnus et restitués ;
(iii) l’instrumentalisation de la justice qui est en train d’atteindre son paroxysme avec les innovations apportées à la loi sur le Conseil Supérieur de la Magistrature[41] (CSM) en janvier 2021. Bien plus qu’hier, la justice dépend du pouvoir exécutif et si l’Etat devient intouchable, aucune justice digne de ce nom ne pourra être rendue aux victimes ;
(iv) la mauvaise gestion des deniers publics qui est patente. Elle permet à un groupe de dirigeants et à leurs acolytes de s’enrichir outrageusement privant ainsi les populations de ressources qui pourraient leur profiter, y compris la mise en place d’un programme de réparation en faveur des victimes de toutes les crises. Le coût d’une telle opération est généralement exorbitant.
56. Il est regrettable de constater qu’au lieu de contrôler l’action du Gouvernement et l’amener à honorer ses obligations à l’égard du peuple, le Parlement semble surtout l’accompagner d’une manière complaisante dans une gestion susceptible d’aggraver une situation déjà préoccupante.

57. Le pire des scénarios serait que le processus de JT contribue plutôt à accentuer les divisions et les tensions au lieu d’aider les Burundais à cohabiter pacifiquement et à cheminer ensemble vers une paix durable et une véritable réconciliation. A cause d’un environnement défavorable et un processus de JT mal engagé, cette hypothèse est néanmoins plausible. La non répétition des violations massives des droits humains et des pratiques de mauvaise gouvernance ainsi que le « Plus jamais ça » sont loin d’être garantis !

VI. Conclusion et recommandations

58. Au regard des objectifs visés, le processus de JT au Burundi sera long et fastidieux. Cependant, des recommandations à mettre en œuvre par trois acteurs burundais essentiels pourraient contribuer à améliorer sensiblement et qualitativement ce processus :

(i) le gouvernement en exercice et ceux qui lui succèderont ont des obligations à l’égard de leurs citoyens, notamment en termes de respect et promotion des droits humains ainsi que de bonne gouvernance. Ils doivent constamment rendre compte de leurs actes devant la population et ses représentants. Ces derniers devraient jouer pleinement leur rôle, et veiller à préserver l’intérêt général et les droits fondamentaux de l’ensemble de leurs électeurs. Quant au pouvoir judiciaire, il est en train de passer presqu’entièrement entre les mains du pouvoir exécutif. Le Burundi ne peut prétendre promouvoir un Etat de droit sans une justice indépendante devant laquelle l’Etat est une partie au même titre que n’importe quelle autre personne physique ou morale.
(ii) quel que soit l’environnement dans lequel elle met en œuvre son mandat, la CVR (collectivement et individuellement pour chacun de ses membres) a encore des défis énormes à relever, des pesanteurs à surmonter, des pressions à gérer ou encore des introspections à faire. La responsabilité historique confiée à la CVR est trop importante pour ne pas opérer les changements qui s’imposent au niveau de son approche, de sa rigueur professionnelle, de son état d’esprit et de son indépendance.
(iii) la responsabilité individuelle de chaque Burundais n’est pas à négliger. Le travail effectué dans le cadre de la justice historique (CVR), de la justice répressive (poursuites pénales) ou de la justice restauratrice dépend grandement des contributions des individus, de leur état d’esprit, de leur sincérité, mais aussi de leur détermination et de leur courage à braver les pressions multiformes et parfois très subtiles auxquelles chacun d’eux est confronté tous les jours. Il faut noter que l’attitude de chaque individu tend à varier selon qu’il s’agit d’une période de relative accalmie ou une période troublée. Chaque individu a aussi la possibilité d’exercer à son tour des pressions sur les pouvoirs publics pour les inciter à honorer leurs obligations. Le vote à quelque niveau que ce soit reste un moyen d’expression et de pression aux mains de chaque citoyen en âge de voter.

59. Mon expérience de la vie sociale et publique burundaise m’a rendu moins ambitieux et plus réaliste ou pragmatique. Chaque individu ayant une sphère petite, moyenne ou grande dans laquelle elle/il évolue et s’exprime au quotidien, je voudrais suggérer une attitude minimale à promouvoir dans toutes ces différentes sphères pour affronter notre passé et construire un avenir commun basé sur le respect de la vie humaine, la cohabitation pacifique et la bonne gouvernance.

60. La plus petite de ces sphères est le noyau familial au sein duquel les parents exercent une influence appréciable sur leurs enfants à travers leur éducation au sens large, y compris leur connaissance de l’histoire de leur pays, de leur propre vécu, de leur identité (indirectement celle de leurs enfants), et la transmission de la mémoire. Au fur et à mesure que la sphère s’agrandit, des facteurs sociopolitiques et une multitude d’acteurs aux objectifs/intérêts très variés, les uns plus sains que les autres, entrent en ligne de compte. Cette situation confuse augmente le risque de perpétuer les tensions/divisions diverses, que celles-ci soient liées aux ethnies, aux clans, aux partis politiques, aux régions, au genre ou encore aux confessions religieuses.

61. L’attitude minimale qui s’appliquerait à n’importe quelle période consisterait à :

(i) reconnaître que beaucoup de Burundais ont perdu la vie, notamment à cause de leur seule appartenance ethnique ;
(ii) affirmer clairement que cela est inacceptable ;
(iii) demander systématiquement que les présumés auteurs de ces actes odieux soient traduits devant une justice impartiale et indépendante, et que les victimes ou leurs familles soient indemnisées dans la mesure du possible ;
(iv) exiger des agents de l’Etat qu’ils respectent et protègent les droits humains et qu’ils préviennent tout conflit par leur bonne gestion des affaires publiques.

62. L’avenir des générations futures dépend de la volonté et de la capacité des générations actuelles à mieux gérer leur passé et leur présent. Il serait désastreux que les atrocités commises avant, pendant et après 1972 continuent à perturber aussi fortement la société burundaise en 2022 et au-delà, avec le risque de perpétuer les crises cycliques qui endeuillent le pays depuis l’indépendance.

*Eugène NINDORERA

Juriste de formation, Eugène Nindorera a évolué pendant plus de trente ans dans le domaine des droits humains et de la résolution des conflits, que ce soit en tant que membre de la société civile, du Gouvernement (1996-2001) ou des organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales. De 2007 jusqu’à son départ à la retraite en novembre 2020, il a travaillé dans trois missions de maintien de la paix où il a aussi représenté le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme dans ces trois pays (Libéria, Côte d’Ivoire, Soudan du Sud).

___________

[1] Seul un « Résumé exécutif du rapport d’étape de la CVR 2021 » datant de décembre 2021 a été rendu public
[2] Elle peut aussi être appelée justice pénale, punitive ou rétributive
[3] Elle est aussi connue sous l’appellation de justice réparatrice ou restaurative
[4] Voir définitions de International Center for Transitional Justice (ICTJ), ONU et OHCHR (Office of the High Commissioner for Human Rights), et de l’Accord d’Arusha.
[5] Dans beaucoup d’accords de paix ou d’accords de cessez-le-feu, les intérêts des présumés auteurs de violations/abus graves des droits humains sont davantage pris en considération que ceux des victimes
[6] Protocole I, Chapitre II, article 8
[7] Loi n°1/18 du 15 mai 2014 portant Création, Mandat, Composition, Organisation et Fonctionnement de la CVR et Loi n°1/022 du 06 novembre 2018 portant modification de la Loi n°1/18 du 15 mai 2014 (…)
[8] J’ai une longue expérience comme participant, facilitateur ou coordinateur de débats sur le Burundi organisés dans des cadres très variés (gouvernement, organisations internationales, organisations non gouvernementales, commissions nationales, privé)
[9] Les Burundais se reconnaissent comme Hutu, Tutsi et Twa. Les Ganwa (famille royale) se considèrent comme un quatrième groupe.
[10] Statut de Rome de la Cour pénale internationale, article 6.
[11] Interview sur Radio France Bleu du 14/04/2022
[12] Sur la qualification des crimes, le résumé exécutif du rapport d’étape de la CVR 2021 renvoie à un livret qui n’a pas été rendu public, page 47.
[13] La confidentialité est généralement privilégiée pour le témoignage des mineurs ou lorsque les témoins risquent d’être persécutés pour leurs dires.
[14] Loi N°1/004 du 8 mai 2003 portant répression du crime de génocide, du crime contre l’humanité et du crime de guerre
[15] Voir aussi Loi N°1/005 du 16 juin 2000 portant Adhésion de la République du Burundi à la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité
[16] Article 41 de la Constitution de 2018
[17] Loi du 18 octobre 2016, mais le retrait a pris effet le 27 octobre 2017
[18] Accord d’Arusha, Protocole I, Chapitre II, articles 6.10 et 6.11
[19] Voir infra, paragraphe 55
[20] Professeur belge à la retraite, auteur de nombreux ouvrages sur la justice transitionnelle.
[21] J’y ai travaillé pour le compte des Nations Unies et du OHCHR de septembre 2007 à février 2012
[22] https ://www.trcofliberia.org
[23] Pages 66 à 181
[24] « Manuel sur les programmes de justice réparatrice », Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC), 2008, pages 5-6
[25] Résumé exécutif du rapport d’étape de la CVR, pages 94 à 96
[26] Résumé exécutif du rapport d’étape de la CVR 2021, Synthèse du rapport d’étape, pages 5 à 8
[27] Décret du 30 janvier 1940 rendu exécutoire au Burundi par l’ORU n°43/Just du 18 mai 1940. Meurtre et assassinat étaient prévus et punis de la peine de mort.
[28] De janvier 2016 à octobre 2020
[29] Livre d’Amin Maalouf intitulé « les identités meurtrières »
[30] Ayant participé à tous les gouvernements du Président Buyoya entre août 1996 et octobre 2001, j’ai eu le temps de me faire une idée sur le fonctionnement et les dysfonctionnements d’un gouvernement en période de troubles ou d’apparente accalmie.
[31] Résumé exécutif du rapport d’étape de la CVR, pages 22 à 25.
[32] Résumé exécutif du rapport d’étape de la CVR, page 12
[33] Réaction de 17 organisations de la société civile, « Mémorandum de la société civile relatif au rapport d’étape de la CVR au Burundi – Les organisations de la société civile rejettent la qualification des crimes commis en 1972 », 10 février 2022.
[34] Accord d’Arusha, Protocole I, Chapitre II, article 8.1.c
[35] J’y étais de mars 2012 à janvier 2016 pour le compte des Nations Unies et du OHCHR
[36] Article 163 de la Constitution de 2018
[37] « Qu’est-ce que la justice transitionnelle ? », JUPREC (Justice, Prévention, Réconciliation), point 4
[38] Ibidem
[39] Concept de « accountability » en anglais
[40] Intervention du Président Evariste Ndayishimiye devant des responsables administratifs de Muyinga en mars 2022.
[41] Loi organique n°1/02 du 23 janvier 2021 portant modification de la loi organique du 12 juin 2019 portant organisation et fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature. En réalité, cette loi fait du CSM une juridiction suprême de fait puisqu’il a le pouvoir de modifier une décision « définitive » des juges.

Forum des lecteurs d'Iwacu

6 réactions
  1. Jereve

    L’auteur des crimes de génocide de 1972 était aussi l’état, ou des individus que l’état a laissé faire. Ces derniers, s’il y en a encore aujourd’hui, sont à un stade de sénilité avancée, la justice aura de la peine à les poursuivre. Mais l’état est toujours là; la justice va-t-elle le poursuivre?

    • Eugene Nindorera

      Comme je l’ai indiqué dans le texte, les faits remontant à 1972, c’est-à-dire il y a plus de 50 ans, la question de la prescription constitue une entrave pour entamer une procédure judiciaire contre l’Etat. Par ailleurs, en me basant sur les textes en vigueur aujourd’hui, l’Etat est une personne morale qui n’est pas pénalement responsable des infractions commises par ses dirigeants ou ses représentants (articles 21 et 24 du code pénal burundais de 2017). La responsabilité pénale « des personnes physiques auteurs ou complices » de ces infractions est engagée (article 22) si elle est établie. L’article 117 de la Constitution de 2018 dispose que « le Président de la République n’est pénalement responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison », notamment lorsque, de manière délibérée, il « porte gravement atteinte aux droits de l’homme ». Quant à l’alinéa 2 de l’article 23 de ladite Constitution, il stipule que « l’Etat a l’obligation d’indemniser toute personne victime de traitement arbitraire de son fait ou du fait de ses organes ». Le Chef de l’Etat a le devoir de mettre en oeuvre cette disposition au lieu d’affirmer que « ugiye kuburanya Reta, uba wihenze » (cfr. paragraphe 55). Dans le but de promouvoir une paix durable et favoriser la réconciliation, l’Etat, sans être poursuivi par la justice, a toute la latitude pour prendre des mesures susceptibles de répondre aux préoccupations des victimes (restitution, réparation, indemnisation, réinsertion, commémoration, etc…) en tenant compte des difficultés éventuelles que la mise en oeuvre de ces mesures pourrait causer. Il est essentiel que les populations participent à l’identification, la formulation et la mise en application de ces mesures. Si elle est « parachutée » ou imposée, une mesure pertinente peut être rejetée ou être difficile à mettre en oeuvre. Enfin, en application du principe de la continuité de l’Etat, les autorités publiques élues ou nommées en 2020 (par exemple) peuvent corriger les erreurs du passé au nom du peuple dont émanent leurs pouvoirs. Comme le dit si bien Nshimirimana, « la reconnaissance de ce qui s’est passé » est cruciale aux yeux des victimes et cette responsabilité incombe aux autorités en fonction, mais cette reconnaissance sera plus significative si elle est appuyée par la société burundaise, et ce quelles que soient les origines ethniques, régionales, confessionnelles ou autres de ses différentes composantes. Comme Manisha, je suis convaincu que les leaders politiques ont un rôle primordial à jouer pour mettre fin à ces crises cycliques.

      • Yan

        Mon cher Eugène, étant donné que tu as eu l’occasion de faire partie de ce leadership politique à un moment donné et que jusque-là la question de la réconciliation entre burundais reste entière, n’as-tu pas quelques regrets de n’avoir su rien faire?

        • Eugène Nindorera

          J’ai forcément beaucoup de regrets, car les gouvernements auxquels j’ai appartenu de 1996 à 2001 et moi-même en tant que ministre aurions pu/dû faire beaucoup plus et beaucoup mieux. Cependant, dire que je n’ai « su rien faire » me paraît excessif. En entrant au Gouvernement, mon objectif personnel était de contribuer à obtenir un cessez-le-feu entre les forces belligérantes lesquelles emportaient de nombreuses vies innocentes. En ma qualité d’acteur de la société civile, j’avais très peu de marge de manœuvre pour empêcher que tant de violations ou abus des droits humains se commettent impunément par l’armée nationale ou les mouvements rebelles. On est arrivé à la signature de l’Accord d’Arusha après 4 ans et il a fallu attendre une année supplémentaire pour mettre en place un Gouvernement conforme audit Accord. Cela a ainsi mis fin à mon expérience de ministre en octobre 2001 car je n’appartenais à aucun parti politique. Sans les principaux mouvements rebelles, il ne pouvait pas y avoir un cessez-le-feu effectif. Néanmoins, malgré ses faiblesses, l’Accord d’Arusha était une avancée majeure et, par conséquent, les nombreuses personnes impliquées dans la préparation et la conclusion de cet accord ont atteint un résultat appréciable. Cela dit, les accords de paix ou les programmes de gouvernement ne sont que des bouts de papier s’ils ne sont pas mis en œuvre par les personnes qui se trouvent dans les instances de décision des pouvoirs exécutif et législatif. C’est donc là qu’il faut être pour avoir le plus de pouvoirs et de chances pour changer la société burundaise ou …… pour vous enrichir illégalement ! Votre influence sera plus grande si vous appartenez à un parti politique suffisamment fort pour vous ouvrir les portes du Gouvernement ou du Parlement et si vous jouez un rôle relativement important au sein de ce parti politique. Par ailleurs, les relations à l’intérieur d’une institution ou d’un parti politique sont complexes et se traduisent par des rapports de force en continuels mouvements. L’analyse de ces rapports de force doit aussi prendre en compte le rôle joué par certains acteurs influents, qu’ils soient institutionnels (armée, police, services de renseignement) ou non (milices, opérateurs économiques, acteurs internationaux, groupes occultes). Enfin, le fait d’appartenir à un parti politique, un Gouvernement ou un Parlement vous soumet à une certaine discipline de groupe et des règles de fonctionnement lesquels peuvent aller à l’encontre de vos idées/convictions et de votre éthique personnelles. En d’autres termes, vous pouvez vous « salir les mains » et essayer de vous trouver une justification convaincante. Une telle action ou une omission (silence) peut affecter votre crédibilité ou, pire encore, votre conscience. Pour éviter tout cela et devant l’ampleur des défis à relever, beaucoup de personnes « propres » dont le pays a tant besoin préfèrent prendre leur distance à l’égard de cette politique « sale », militer timidement au sein d’un parti politique ou se tourner vers la société civile dont le rôle se limite à influencer les décideurs politiques. En laissant ainsi le champ libre aux assoiffés du pouvoir pour de mauvaises raisons, on finit par perpétuer le statu quo dans la gestion du pouvoir, le changement n’ayant lieu qu’au niveau des bénéficiaires du système. Certes, cette vision est quelque peu caricaturale, mais je crois qu’elle reflète une réalité laquelle, heureusement, n’est pas immuable. En sachant que l’avenir du Burundi et des générations futures en dépend, Je terminerai cette (trop) longue réponse en posant une question à Yan et beaucoup d’autres (surtout les jeunes) : que faites-vous ou qu’êtes-vous prêts à faire pour promouvoir la bonne gouvernance et la réconciliation au Burundi ?

  2. Manisha

    @Nshimirimana
    Merci beaucoup. Tant que cette démarche ne sera pas accompli avec conviction en commençant par le sommet, on ne brisera pas ce cercle infernal de violence.

  3. Nshimirimana

    « Quelle(s) justice(s) pour les victimes des crimes contre l’humanité commis au Burundi en 1972 ? ».

    La première justice pour les victimes est la reconnaissance de ce qui s’est passé. C’est ensuite la prise de conscience collective des souffrances endurées. C’est enfin arriver à signer symboliquement ce pacte du: « PLUS JAMAIS CA ». Ceci n’exclue pas bien évidemment les jugements contre les auteurs ( individus, institutions et autres)

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