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Quelle réparation pour les victimes des différentes crises qui ont endeuillé le Burundi ?

05/05/2013 Commentaires fermés sur Quelle réparation pour les victimes des différentes crises qui ont endeuillé le Burundi ?

L’histoire du Burundi est jalonnée de crises qui ont endeuillé ce pays. Elles ont causé d’énormes pertes humaines et matérielles. Pour tenter de réconcilier les Burundais, les victimes doivent bénéficier des réparations selon l’Accord d’Arusha signé en 2000. Les avis des concernés.  

<doc6021|right>« Des réparations, oui. Mais elles sont très insuffisantes à voir les dépenses qu’on fait pour avoir cette modique somme. Deux cent vingt mille franc burundais ? C’est insuffisant, surtout pour une veuve ou des orphelins qui vivent difficilement après la disparition d’un conjoint  ou d’un parent», confie I.N, une orpheline de 1972 de la commune Rutegama dans la province de Muramvya.

Pis encore, elle indique que cet argent est reçu dans des conditions difficiles, après avoir effectué de lourdes dépenses. Pour le cas de sa famille, elle souligne qu’à maintes reprises, sa maman s’est rendue à l’Institut National de la Sécurité Sociale (INSS) pour demander sa rente de survie. L’accueil n’était pas du tout chaleureux : « Votre mari avait tout pris », précise le premier agent rencontré sur un ton moqueur. « Où trouvent-ils alors cette modique somme octroyée aujourd’hui ? », se demande-t-elle.
Elle signale que c’est depuis août 2012, avec l’aide d’une autre personne, qu’elle a pu avoir cette rente de survie après la présentation d’une attestation de naissance délivrée par la paroisse de Munanira.

D’après cette orpheline rencontrée à Rutegama, comme son père était nouveau dans le service, sa famille n’a eu que 200.000 Fbu. « C’était à prendre ou à laisser, il n’y avait pas d’autres choix. » Elle mentionne que c’est insuffisant si on compare la valeur actuelle de la monnaie burundaise à celle des années 70.

{ Je veux une réparation symbolique }

Mme Vénérande, une veuve de Gitega, quartier Nyamugari souligne qu’à voir le nombre de Burundais qui ont perdu les leurs sans compter les biens matériels, c’est impossible de trouver des réparations pour tous.

Par exemple, elle souligne qu’après la fuite des rescapés de sa famille vers Mutaho, tous leurs biens dont un moulin, ont été pillés. Cette veuve trouve qu’une réparation symbolique peut lui être utile.

« Mon père a été tué et enterré dans une latrine, tout près d’une position à Bugendana sur la colline de Busangana. Nous n’avons pas pu y accéder pour l’enterrer dignement. Ma première préoccupation, ce sont les conditions indignes dans lesquelles, mon père a été tué puis enterré. Il a été lapidé à mort », indique-t-elle les yeux inondés des larmes.

« Je ne suis pas la seule à avoir perdu mes parents à cause de la guerre. (…). Ce qui est important, c’est qu’il y ait la paix et la solidarité entre les Burundais et qu’on essaie d’oublier ce que nous avons perdu.» Cette veuve poursuit son récit : « Si on ne peut pas récupérer les biens matériels pillés, comment peut-on prétendre réparer le tort causé pour celui ou celle qui a perdu une personne ? » Pour elle, si on pouvait remettre les biens perdus, ce serait une bonne chose.

Qu’en est-il des militaires et des ex-combattants ?

Beaucoup sont tombés sur le champ de bataille, laissant derrière eux, veuves et orphelins. La plupart de ces veuves affirment qu’elles n’ont jamais été satisfaites de la façon dont les  « réparations » ont été octroyées.
Elles indiquent que toutes les veuves n’ont pas bénéficié de cette indemnité. Même celles qui en ont reçu ne cachent pas leur insatisfaction. « Le dédommagement reçu n’était pas à la hauteur des préjudices causés ». Selon elles, comme leurs maris sont tombés sur le champ d’honneur sous les drapeaux, elles devraient bénéficier de compensations plus élevées.

Elles indiquent que l’obtention de ce dédommagement est répartie en trois catégories. « Les veuves des officiers reçoivent une petite pension de l’INSS. Quand elles sont capables de s’acheter une parcelle, elles bénéficient d’un appui pour trouver un crédit afin de construire une maison », précisent-elles. Mais pour les moins nanties, poursuivent-elles, c’est malheureux, c’est comme si on leur demandait de se débrouiller. Quant aux veuves des sous-officiers, elles reçoivent une pension pour elles et pour leurs enfants qui sont encore sur le banc de l’école.

La troisième catégorie est constituée par les veuves de simples soldats qui sont traitées comme celles des sous-officiers.

Ces veuves déplorent ce qu’elles qualifient de menaces de l’INSS de vouloir interrompre ces pensions. « L’argent donné n’était pas prévu », avance les autorités de cet Institut. Elles évoquent comment elles ont été chassées des camps militaires. Cette situation est angoissante pour ces veuves. Il y a même celles qui soulignent qu’après plusieurs réclamations sans succès, elles ont perdu tout espoir.

Du côté des ex-combattants, c’est surtout la question de la réintégration socioéconomique qui pose problème. Selon le président de l’association des anciens combattants de la commune Cibitoke, l’intégration sociale est nécessaire comme réparation. Car, souligne-t-il, les ex-combattants sont déconsidérés dans la société. Et de donner l’exemple des ex-combattantes qui ont un problème par exemple d’avoir des maris.

Selon lui, il faut des campagnes de sensibilisation pour consolider les relations entre les démobilisés et la population et recréer la confiance. Il demande pour cela un appui de la part des associations nationales et des ONG internationales.
La place des ex-combattants dans la Commission Vérité Réconciliation (CVR)
Pour le président de l’association des ex-combattants de la province de Cibitoke, les ex-combattants devraient faire partie de la CVR, car « ils connaissent pas mal des choses. »

Il déplore le manque de cadre d’expression pour ces ex-combattants. Il appelle le gouvernement à faire plus dans la prise en charge des veuves, des indigents et des handicapés de guerre. « Aujourd’hui, les ex-combattants semblent oubliés alors qu’ils ont combattu ou se sont sacrifiés pour le pays », rappelle-t-il.
Il faut, poursuit-il, mettre en place des structures de l’Etat pour suivre l’évolution sociale des ces gens. Il indique que les petites associations se limitent au niveau provincial ou communal.
Il propose de soutenir ces dernières pour améliorer la condition de vie de ces personnes. Une idée soutenue par Médiatrice, une ex-combattante, qui ajoute que l’Etat devrait majorer la rente de survie. Selon cette ex-combattante, il faut que la CVR puisse s’occuper de tous ces cas qui nécessitent une réparation.

|| Un article publié dans la série {" Le passé non composé "} ||

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