Les leaders politiques en exil peuvent rentrer et exercer leurs activités. Ceux qui ont des dossiers judiciaires devront d’abord en répondre. Edouard Nduwimana, ministre de l’Intérieur et de l’Administration territoriale navigue entre la menace et la main tendue. <doc3148|right>{Quelles relations entretenez-vous avec les leaders des partis politiques aujourd’hui ?} Les relations sont au beau fixe. En témoignent différentes réunions que nous organisons à leur intention, au niveau du ministère ou du gouvernement. Les réunions trimestrielles du 1er vice-Président de la République ont été même institutionnalisées. En outre, les partis ont mis eux-mêmes en place le forum de dialogue permanent. Les partis sont donc consultés dans l’élaboration des grands projets de loi : la loi sur le fonctionnement et organisation des partis politiques, le statut de l’opposition qui va être bientôt soumis au gouvernement pour analyse, le code foncier déjà promulgué, etc. {Les partis regroupés au sein de l’ADC sont-ils consultés au moment où ils ne reconnaissent pas ce forum ?} Ce regroupement est illégal et anticonstitutionnel mais qu’à cela ne tienne, nous échangeons de façon formelle ou non. J’ai déjà rencontré les représentants de chaque parti pris individuellement et non en tant que parti membre de la coalition Ikibiri : le président du parti Sahwanya Frodebu, le représentant du parti CNDD, etc. Nous échangeons sur les grandes questions prioritaires du pays. Je sens qu’il n’y a pas de problème. {Pas de problème, vraiment ?} Un parti de l’opposition a toujours des critiques à formuler. C’est de bonne guerre, ça se passe au Burundi comme partout ailleurs dans le monde. Mais le plus important, c’est de prendre la responsabilité dans certains comportements politiques qu’ils adoptent. {La nouvelle loi sur les partis politiques entretient des polémiques en ses articles 31, 32 et 72. Votre commentaire ?} Elle ne devrait pas faire objet de polémiques d’autant plus qu’elle a été initiée par le ministère de l’Intérieur, présentée en conseil des ministres et votée par le parlement. Elle a été en outre promulguée par le Président de la République. Durant tout ce processus, les partis politiques ont participé. Même quand le projet de loi était sous analyse à l’Assemblée nationale, le président de cette chambre a eu le soin de l’envoyer à tous les partis politiques pour qu’ils puissent formuler leurs recommandations, qui ont été prises en compte. Devant le 1er vice-Président de la République, des responsables des partis ont reconnu que cette loi est satisfaisante à 99%. {Comment expliquez-vous ce refus catégorique de certains partis ?} Si l’un ou l’autre article pose problème aujourd’hui, c’est par rapport à une formation politique et non en général. Parce que chaque parti a ses propres difficultés probablement de montrer les 20 membres fondateurs. En demandant ce quota, ce n’est pas trop exiger pour un parti qui se veut national. {Quels sont ces partis qui se sont déjà conformés à la nouvelle loi ?} Presque tous les partis. Aujourd’hui, j’ai reçu même le PL (Parti Libéral). Ils ne répondent pas au contenu de notre correspondance à 100% mais ils essaient quand même de faire un effort. Je sens qu’il y a des difficultés parce qu’il y en a qui envoient des listes des dirigeants au niveau national et non provincial. Mais pour nous, c’est déjà le début de la conformité. Pour les partis qui ont organisé des congrès nationaux, il serait inutile de leur demander de nous transmettre encore une fois la liste des membres au niveau de chaque province. Un congrès prouve à suffisance qu’un parti est vivant et viable. {Plusieurs politiques contactés indiquent que votre correspondance est contraire à la loi : un parti agréé ne peut pas encore donner ses membres fondateurs.} Si vous lisez bien la loi, nous n’avons jamais demandé cela. Nous sommes conscients que certains n’existent même plus ou ont tout simplement changé de parti politique. Nous demandons qu’ils nous montrent au moins 20 membres par province et non les membres fondateurs. {Certains partis menacent de ne pas s’y conformer. Qu’adviendra-t-il après le délai que vous leur avez accordé ?} Simple citoyen, ou leader politique, lorsqu’une loi a été promulguée, il faut s’y conformer car elle prévoit des sanctions. Le ministre de l’Intérieur peut demander à la chambre administrative d’annuler tout acte d’un parti qui s’oppose à cette loi. Il faut que ces responsables politiques soient sages pour ne pas nous obliger à le faire. {Une opinion pense que la nouvelle loi viserait les politiques en exil aujourd’hui. Qu’en dites-vous ?} C’est faux. Un parti politique par définition, c’est toute une association de personnes. Je ne pense pas qu’il y ait un parti dont tous les membres ou dirigeants soient à l’extérieur. Si le président n’est pas là, il y a au moins son adjoint ou le porte-parole du parti. C’est tout un staff qui peut répondre à la demande du gouvernement. Nous profitons de cette occasion pour appeler ces politiciens à rentrer pour qu’ils organisent leurs partis afin de participer aux prochaines élections. {Même si vous dites que tout va bien, cette même loi crée un malaise au sein du forum de dialogue permanent considéré par certains comme «une création du pouvoir ». N’est-ce pas un échec ?} Ce n’est pas qu’un parti est membre du forum qu’il n’a pas de problèmes. Six partis m’ont demandé d’aller débattre ces questions au forum mais je leur ai répondu que ce n’est pas le moment des débats mais de sa mise en application. S’il faut que je subisse des questions, ce n’est pas au forum mais au parlement. C’est comme ça que les choses se passent. <doc3149|right>{Le même parti demande le retour des leaders en exil dont Agathon Rwasa se réclamant toujours président des FNL. Comment allez-vous gérer cette situation ?} Agathon Rwasa ne représente pas aujourd’hui les FNL devant la loi. Toutefois, je remercie le parti FNL d’avoir lancé le même appel que le gouvernement. On sent que les préoccupations du gouvernement se retrouvent chez la classe politique. Rwasa c’est un Umunamarimwe (militant des FNL) comme d’ailleurs le reconnaissent les dirigeants actuels des FNL. S’il advenait qu’il rentre, que des militants organisent un congrès pour qu’ils lui remettent le parti, ce n’est pas le ministère de l’Intérieur qui s’y opposera. {Des citoyens burundais et même le Président de la République appellent ces politiques en exil au retour. Comment votre ministère s’y prépare-t-il ?} Nous les attendons comme tous les autres citoyens réfugiés qui rentrent. Pour le cas de ces politiciens, des mesures seront prises pour assurer leur sécurité. Ils ne devraient pas être inquiets. Qu’ils viennent réorganiser leurs partis et reconstruire le pays. Néanmoins, ceux qui ont des dossiers judiciaires doivent savoir qu’ils doivent d’abord répondre. S’ils sont blanchis, ils seront acquittés sans problème. Ils doivent suivre l’appel lancé par le Président Pierre Nkurunziza car s’ils veulent réellement exercer la politique, c’est le moment plus que jamais. Demain, ce sera trop tard. {Quelle est votre position par rapport au dialogue tant réclamé par l’ADC Ikibiri ?} Le gouvernement du Burundi est pour le dialogue. Le Président de la République l’a annoncé lors de son investiture pour le 2ème mandat, il l’a aussi rappelé au cours de son discours de nouvel an. Au niveau de notre ministère, les réunions que nous organisons s’inscrivent dans ce cadre du dialogue. Bientôt avec le statut de l’opposition, on va créer un espace de débat entre partis où tous, y compris les partis de l’opposition extra-parlementaires auront droit de présenter leurs doléances à l’Assemblée nationale. {Est-ce que le dialogue que vous évoquez est-il le même que celui que réclame l’opposition ?} Évidemment, il y a des partis qui apparemment demandent le dialogue mais ne veulent pas l’intégrer. A moins qu’ils veulent des négociations genre Kigobe et Kajaga. Au gouvernement, nous sommes clairs, il n’y en aura pas. {Par rapport à l’élaboration du statut de l’opposition, est-ce que les concernés ont été associés ?} Oui. Ils ont même réagi par rapport à certaines dispositions. Lorsque ce projet sera devant la table de l’Assemblée nationale, le président de cette chambre va encore une fois les consulter. Même la société civile le sera. Nous voulons que ce projet de loi soit un texte consensuel. {Quelle est votre position par rapport aux activités de l’ADC- Ikibiri ? Sont-elles légales ou pas ?} Nous n’avons jamais permis des réunions officielles de l’ADC. Tout ce qu’ils font, c’est de façon officieuse. C’est pourquoi leurs revendications ainsi que leurs déclarations médiatiques ne nous intéressent pas. {Que répondre à ceux qui évoquent des risques d’un retour au monopartisme ?} Ça serait très dommage parce que le parti qui est fort aujourd’hui ne le sera pas nécessairement demain. Il faut éviter qu’il se comporte comme un parti unique parce que lui aussi cinq ans après peut se retrouver parmi les partis les plus faibles. Ce qui arrive aujourd’hui à l’Uprona, FNL, etc. peut arriver au CNDD-FDD. {Quelle lecture faites-vous du récent rapport des experts onusiens qui incrimine Rwasa et Sinduhije en RDC ?} Nous avons pris acte des accusations. Les faits que ce rapport mentionne sont concordants et cohérents. Il est assez concret. La communauté internationale devrait plutôt penser à faire suite à son contenu. {Que pensez-vous des revendications du FNL (aile Miburo) ?} Il faut attendre. Ils ont adressé une correspondance au Président de la République. Il appartient au président de répondre favorablement ou non à leurs préoccupations. {Le courant de réhabilitation de l’Uprona estime que vous avez un parti pris parce que vous ne faites pas de suite à leurs correspondances. Qu’en dites-vous ?} Oui, j’ai vu leur correspondance demandant la tenue d’un congrès extraordinaire en même temps que le président du parti Uprona organisait d’autres. Je leur ai plutôt demandé d’y participer pour montrer réellement qu’ils veulent réhabiliter leur parti. Souvenez-vous du congrès tenu au COTEBU, ils sont sortis à six. Nos politiciens doivent aussi apprendre à être conséquents. Les congrès provinciaux qui se tiennent aujourd’hui, certains membres de ce courant ont participé comme à Mwaro, Ngozi, Gitega, Kirundo, etc. Ils ont affirmé que les congrès se sont bien déroulés. Dans ces localités, certains ont même été élus comme représentants provinciaux. Ceux qui disent que j’ai un parti pris sont des récalcitrants. Ils croient qu’ils vont réhabiliter le parti Uprona mais ils risquent de se retrouver en arrière. {On vous accuse de semer des divisions au sein des partis politiques…} Loin de moi cette idée. Les partis politiques ont chaque fois des problèmes. Les dissensions politiques ne datent pas d’aujourd’hui. A l’Uprona, les camps Casablanca- Monrovia datent des années 60. Les cas Mukasi, Batingingwa de M. Sinarinzi qui n’ont jamais intégré l’Uprona, ce n’est pas moi qui les ai divisés. Au sein du parti CNDD-FDD, il y a eu du CNDD, du Kaze FDD, etc. Avec les FNL, il y a Icanzo, Palipe- Agakiza, etc. Chaque parti devrait plutôt tirer les conséquences qui s’imposent en se morcelant.