Les erreurs médicales sont une réalité dans notre pays et affectent psychologiquement les victimes. La loi est muette et rares sont les victimes qui portent plainte. <doc2888|left>« La loi est muette au niveau de la responsabilité du personnel soignant en cas d’erreur médicale », déplore Moise Ntiburuburyo, président de l’Association burundaise pour la défense des droits des malades (ABDDM). Selon lui, prouver qu’il y a eu faute médicale n’est pas chose facile puisque dans le code de la santé publique du 17 mai 1982, ce n’est pas spécifié : « Les victimes se heurtent à une base légale insuffisante. C’est pourquoi rares sont ceux qui portent plainte. » Cette situation n’est pas sans conséquences. Pour le président de l’ABDDM, comparé aux pays de la sous-région, notre pays est loin derrière en ce qui concerne les droits des malades. Ainsi, le fait que peu de médecins sont traduits en justice alors que des erreurs médicales existent bel et bien, décrédibilise le corps médical burundais : « Des étrangers, de même les nationaux n’auront pas confiance en nos médecins car ils savent qu’en cas d’erreur ou de faute, même s’ils sont poursuivis, ils ne seront jamais punis. » Néanmoins, ajoute le défenseur des droits des malades, les articles 258, 259 et 260 du Code civil et 482 du Code pénal peuvent être utilisés pour demander réparation du préjudice moral que la victime a subi. « Le droit des victimes bafoué » Moïse Ntiburuburyo propose la mise en place de commissions composées des représentants des médecins, ceux de l’administration et ceux des malades au niveau des hôpitaux afin d’encourager les victimes à porter plainte. « L’erreur médicale est souvent due à une incompétence, une négligence, à un manque d’information ou à la fatigue du médecin», précise le président de l’ABDDM. Elle va des accidents opératoires aux oublis de compresses ou d’instruments dans le ventre, en passant par des erreurs de médicaments. Le président de l’ABDDM regrette que le domaine de la santé soit oublié alors que les droits des malades sont souvent bafoués. <doc2889|left>Le Pr Jean Baptiste Sindayirwanya, vice-président de l’Ordre des médecins du Burundi, reconnaît que dans tous les pays, les erreurs médicales existent et qu’à la limite, il peut y avoir des négligences. Il admet que, dans notre pays, les sanctions des médecins pour erreur médicale sont rares : on donne juste des avertissements. Néanmoins, le médecin insiste sur la distinction entre erreur médicale et complication lors d’une intervention chirurgicale. Selon lui, on parle d’erreur médicale quand elle est due soit à l’incompétence, à la négligence ou au comportement non éthique du médecin. Tandis qu’une complication médicale est indépendamment due à l’acte médical posé par le médecin. Plusieurs facteurs Quant aux responsabilités lors d’une erreur médicale, le vice-président de l’Ordre des médecins indique que plusieurs facteurs entrent en jeu : « On doit d’abord faire des enquêtes pour prouver qu’il ya eu faute en tenant compte des conditions dans lesquelles le médecin travaille. » Souvent, un excès de travail et la fatigue peuvent amener le médecin à commettre une erreur involontairement. Et de citer l’exemple du Centre hospitalo-universitaire de Kamenge (CHUK) où la capacité d’accueil à la maternité est de trois lits d’accouchement. « Si dix femmes arrivent en même temps et que certaines accouchent dans le hall et que plus tard la jeune maman a des problèmes, va-t-on affirmer que c’est la faute du médecin ? » interroge le médecin. Selon Dr Sindayigwanya, normalement, avant de poser un acte médical, il faut expliquer au malade les risques et avoir son consentement. Mais cela n’est possible que lorsque l’opération est programmée : « En cas d’urgence, le médecin n’a pas le temps des explications car il doit sauver une vie. » Des victimes psychologiquement affectées « Ce qui affecte le corps affecte aussi l’esprit », souligne Jean Marie Sindayigaya, psychologue clinicien. Selon lui, la première conséquence d’une erreur médicale est la dégradation de la relation médicale, la perte de confiance en la personne du médecin : « En effet, la victime peut dès lors détester le médecin qui l’a opérée avec aussi la possibilité de généraliser la situation à tous les médecins assurant la même spécialité. » <doc2887|left>Pour la victime d’erreur médicale lors d’un accouchement par césarienne, le psychologue clinicien explique que la femme peut éprouver une peur pour la prochaine grossesse suite à des antécédents de souffrances physique liées à l’intervention chirurgicale. Mais aussi, elle peut aussi craindre les relations sexuelles ou avoir une phobie de l’autre sexe : « Par conséquent, il y a possibilité de frigidité. Il s’agit en quelque sorte d’un stress post-traumatique. » Il considère l’erreur médicale comme un événement qui risque d’affecter le couple ainsi que ses enfants. Pour M.Sindayigaya, un accompagnement psychologique est nécessaire pour faire comprendre à la victime l’origine de l’erreur : « Il s’agira ainsi de modifier les croyances liées à l’erreur pour normaliser la relation de la victime avec son soignant mais aussi pour dissiper la phobie de la grossesse et du fonctionnement sexuel en général. » Au cas où l’erreur médicale aurait affectée tout le système familial, une thérapie systématique est conseillée. « Trois compresses oubliées dans mon abdomen… » Cinq ans après, B.M. porte toujours les séquelles d’une erreur médicale, une malformation abdominale. En 2007, B.M. sent des douleurs en bas de l’abdomen, coté droit. Lors d’une consultation, le médecin découvre une appendicite et décide de l’opérer. « Une opération dite joyeuse car facile à pratiquer », lui a-t-on dit. Quelques jours après l’opération, elle retourne à l’hôpital car sentant toujours des douleurs au niveau de l’abdomen pensant à une simple infection. Elle est hospitalisée. Malgré le traitement aux antibiotiques, elle souffre terriblement. Le médecin décide de lui faire une échographie et découvre des corps étrangers : « Trois compresses oubliées dans mon abdomen lors de l’opération de l’appendicite. » Après cette seconde opération, elle tombe dans le coma pendant deux semaines : l’infection était grave. Actuellement, B.M. a un problème d’intestins. Le médecin lui a expliqué que cela est dû aux deux semaines qu’elle a passées dans le coma. Pour guérir, une autre intervention chirurgicale est envisagée : « Pour le moment, je ne me sens pas prête. J’ai trop peur. » « J’ai souffert le martyr » Deux mois après un accouchement par césarienne, N. M. a ressenti des douleurs violentes au niveau du bas-ventre : « Cela est venu d’un coup au cours d’un déjeuner avec des amies. » Elle se rappelle que ce jour-là, elle a été évacuée, inconsciente, aux urgences et admise directement aux soins intensifs : « Les examens médicaux ne montraient rien d’anomal. Pendant tout ce temps, je souffrais le martyr. » Cependant, son médecin décide de ré-ouvrir la cicatrice due à son accouchement par césarienne. Après l’opération, le docteur lui explique que le médecin qui a fait la césarienne aurait mal remis les intestins à leur place. De ce fait, ils se sont entremêlés. Son mari conclut à « une négligence.» A cause de cette erreur, la deuxième grossesse de D.M. s’est mal déroulée : « Je devrais subir encore une césarienne. Je redoutais le même problème. Ainsi, j’ai décidé de me faire suivre par un autre médecin. »