Membre de la Communauté Est-Africaine (CEA) depuis 2007, le Burundi et les autres pays de la communauté (Rwanda, Ouganda, Tanzanie, Kenya) sont à l’étape du marché commun (libre circulation des biens, des personnes et des capitaux entre les pays membres). Iwacu a mené une enquête d’évaluation des étapes déjà franchies (union douanière et marché commun) au Burundi. Selon les informations recueillies, des avantages ont été enregistrés mais aussi des défis restent. <doc2440|left>Les commerçants burundais saluent le pas déjà franchi mais réclament la mise en application effective de l’Union douanière : «Avec l’entrée du Burundi dans la Communauté Est-Africaine, nous avons eu plus de facilités à exercer notre métier. Le visa d’entrée d’environ 80 $ dans les pays de l’EAC que devait payer chaque commerçant a été supprimé », indique Polycarpe Kubwayo, secrétaire exécutif de l’Association des commerçants transfrontaliers du Burundi. Il se réjouit du fait que maintenant les produits agricoles originaires de l’EAC sont exonérés des droits de douanes (25% à 10% selon la nature du produit) : « Seule la Tanzanie n’octroie pas de certificats d’origine attestant que les marchandises sont produites ou fabriquées chez elle. Elle a adopté un système de protection de sa production intérieure. Nous avons des difficultés lorsque nous amenons des produits tanzaniens, car sans ces papiers, l’OBR nous inflige des droits de douane.» Selon lui, l’Union douanière qui institue un tarif extérieur commun pour les produits venant de l’extérieur de l’EAC n’est pas effective : «Alors que le tarif extérieur commun devrait être appliqué seulement au port d’entrée des marchandises, on l’exige même dans d’autres ports intra-EAC. Vous comprenez que ces produits sont surtaxés. Et par conséquent, ils sont chers au marché.» Il aurait été intéressant de comparer la situation des importations et des exportations avant et après l’intégration du Burundi dans l’EAC. Malheureusement, aucune institution de la place n’a pu nous donner les chiffres. <doc2433|left>Les camionneurs trainent à la gare routière Les chauffeurs des camions venant des pays de l’EAC rencontrent beaucoup de difficultés quand ils arrivent à Bujumbura alors que dans d’autres pays ils passent facilement : « Avant l’entrée du Burundi dans l’EAC, nous ne passions que deux ou trois jours ici. Aujourd’hui nous y restons deux semaines voire plus », déplore Jumanne Abdallah, chauffeur ougandais rencontré à la gare routière de Bujumbura. Il pense que le grand problème se trouve au niveau de l’Office burundais des recettes(OBR) : « Nos patrons pour qui nous amenons des marchandises nous disent qu’ils prennent beaucoup de temps en payant les frais de douane à l’OBR.» Raphael Gimbugwa, un kenyan rencontré au même endroit précise que c’est seulement au Burundi où ils côtoient ce genre de difficultés : « Ailleurs le déchargement est très rapide. Deux ou trois jours suffisent.» Selon lui, quelqu’un qui va au Rwanda en partant du Kenya peut y faire trois courses avant que celui qui est allé au Burundi ne soit de retour : « Nous traînons beaucoup au Burundi au point que certains parmi nous commencent à refuser de venir ici. » Pour ce problème des camionneurs, Iwacu a cherché à contacter les services de l’OBR sans succès. Beaucoup plus de mouvements à la frontière Concernant la libre circulation des personnes, le mouvement a augmenté, en témoignent les services de la Police de l’air, des frontières et des étrangers (PAFE) : « Le mouvement des personnes a doublé depuis que le Burundi fait partie de la Communauté Est- Africaine. La suppression des droits d’entrée dans un autre pays, qui s’évaluaient à près de 20$, a fait que les voyages vers les pays de la communauté s’améliorent », fait savoir le chef de poste de la PAFE à Kanyaru (frontière du Burundi et du Rwanda). A Kobero, frontière burundo-tanzanienne, on confirme aussi que la circulation des personnes a augmenté avec l’intégration régionale ; même si on n’a pas pu donner des chiffres. Les investisseurs de l’EAC sont nombreux au Burundi Pour la libre circulation des capitaux, Libérat Mfumukeko, directeur général de l’Agence de promotion des investissements(API) indique qu’un afflux de capitaux venant des pays membres de l’EAC a été constaté : « Au cours de l’année 2010, nous avons eu 91 investisseurs (étrangers et nationaux) avec un montant de 261 milliards de FBU. 55% des investisseurs étaient des étrangers dont plus de la moitié sont de nouveaux venus en provenance de l’EAC. » M. Mfumukeko souligne que le Burundi présente plus d’opportunités pouvant attirer des investisseurs : « Le Burundi est un pays qui sort de la guerre. Il est en reconstruction, et plusieurs secteurs nécessitent d’être développés, comme par exemple le secteur industriel. » <doc2432|right>Pas d’avantages pour le consommateur Malgré toutes ces performances ci-hauts énumérées, l’intégration du Burundi dans l’EAC n’a pas encore répondu aux attentes du consommateur burundais : « Le consommateur qui s’attendait à une diminution des prix, s’est retrouvé face à une augmentation considérable des prix des produits. On n’enregistre nulle part une diminution des prix depuis l’entrée du Burundi dans l’EAC ; même les produits fabriqués localement sont devenus très chers», déplore Noël Nkurunziza, président de l’Association burundaise des consommateurs (ABUCO). Il regrette aussi la lourdeur des taxes de l’OBR pour certains produits made in EAC : « La Tanzanie n’octroie pas actuellement de certificats d’origine pour ses produits agricoles. Lorsque des commerçants burundais amènent ces produits sans certificats d’origine, l’OBR leur demande des droits de douane alors qu’ils devraient être exonérés. Ce qui entraine la hausse des prix sur le marché.» D’après le président de l’ABUCO, l’OBR pouvait laisser passer sans taxes ces produits tanzaniens comme le fait d’autres pays : « Je sais qu’il ya de pays qui le font pour éviter la carence des denrées alimentaires sur leurs marchés locaux. » Hafsa Mossi, ministre à la Présidence chargé des affaires de l’EAC se réjouit des avancées déjà faits par le Burundi. C’est entre autres, le fait que les étudiants burundais étudiant dans les pays membres de l’EAC sont traités sur un même pied que les nationaux de ces pays, au niveau des frais scolaires ou académiques. De même, la visibilité du Burundi a augmenté. Sans oublier le partenariat avec la Tanzanie, en ce qui concerne les soins de santé. Mme Hafsa Mossi affirme que son ministère va essayer de lever tout blocage empêchant les Burundais de profiter de tous les avantages de l’intégration : « Nous allons soumettre la question de non-délivrance des certificats d’origine par la Tanzanie au conseil des ministres. Nous discuterons des problèmes des uns et des autres par rapport à l’opérationalisation du marché commun. » Par rapport aux camionneurs qui séjournent à la gare routière de Bujumbura pendant une longue durée, Mme Hafsa Mossi promet que son ministère va consulter les services de l’OBR : « Probablement qu’il y a un problème au niveau des procédures. D’où il faut une décentralisation de cet office. » Et pour la hausse des prix, elle pense plutôt aux spéculations : « Il y a des marchandises pour lesquelles les prix devraient diminuer parce que ne payant plus les droits de douane. »