Mardi 17 septembre 2024

Sécurité

Quand sécurité et humanitaire vont de pair

14/09/2024 0
Quand sécurité et humanitaire vont de pair
Des militaires burundais veillent 24h/24 sur le pont Shabelle afin d’empêcher toute progression des Al-Shabaab vers le district de Xawaadley et d’autres régions

Libération de certaines régions, sécurisation des axes routiers, blocage de la progression des Al-Shabaab, … Telles sont certaines réalisations à mettre à l’actif des militaires burundais déployés dans le cadre de la mission de transition de l’Union africaine en Somalie (Atmis). En plus de ces actions purement sécuritaires, ils assistent aussi les déplacés somaliens. Reportage.

« Dans notre secteur V, la sécurité est bonne mais, quelques fois, elle est perturbée par des attaques des Al-Shabaab. Heureusement, en collaboration avec les forces de sécurité somaliennes, nous poursuivons notre travail pour les mettre hors d’état de nuire », a rassuré Colonel Oscar Hatungimana, commandant du 15e contingent burundais en Somalie.

Dans un entretien accordé à la presse, à Jowhar, où se trouve l’état-major de ce contingent, il a indiqué que le bilan est positif : « D’abord, il faut se rappeler que lorsque les militaires burundais ont rejoint les Ougandais dans cette mission, le gouvernement somalien était en exil. Mogadishio, la capitale, était dans les mains des Al-Shabaab et d’autres régions aussi. Elles ont été libérées. »

Il en est de même pour d’autres zones qui étaient sous le contrôle des terroristes. Aujourd’hui, Colonel Oscar Hatungimana se réjouit de voir des militaires burundais assurer la sécurité des organisations internationales pour pouvoir exercer leurs missions sur le terrain.

« Nous sécurisons les convois humanitaires. Nous assurons la sécurité des autorités somaliennes, des lieux stratégiques du pays comme l’aéroport de Jowhar afin que les échanges commerciaux et la circulation des personnes se poursuivent. »
Il trouve que c’est grâce à la bonne collaboration actuelle entre les militaires burundais et les militaires somaliens que toutes ces tâches sont accomplies avec succès. « Nous menons des opérations communes, des patrouilles ensemble et nous partageons aussi des informations régulièrement. »

Interrogé sur les cas des militaires somaliens qui désertent pour se rallier de nouveau aux Al-Shabaab, Colonel Oscar Hatungimana n’a pas voulu faire beaucoup de commentaire là-dessus : « Je ne veux pas dire beaucoup de choses sur cette question. Si cela arrive, nous les considérons comme des ennemis parmi tant d’autres. Mais, je ne peux pas confirmer ou infirmer cela. Ce que nous savons c’est qu’il y a des Al Shabaab qui se rendent dans les mains des autorités somaliennes et ils sont accueillis.»

Il précise qu’actuellement, avec l’annonce du 31 décembre 2024 comme date de la fin de l’Atmis, huit positions sont déjà remises dans les mains des forces de sécurité somaliennes entre 2023 et 2024. Aussi, le processus de diminution des effectifs se poursuit normalement. Côté burundais, il fait savoir que plus de 1 784 militaires sont déjà rentrés en trois étapes.

Xawaadley, une position pour stopper la progression d’Al-Shabaab

Des militaires burundais en patrouille à Xawaadley

Shabelle est la principale rivière qui traverse la Somalie. A une soixantaine de km de Mogadiscio, vers le centre du pays, se trouve le district de Xawaadley, dans l’Etat de Hirshabelle.

C’est à 25 km de Jowhar où se trouve le siège du contingent burundais. Une route secondaire prend source sur la route principale reliant Mogadiscio à l’Etat de Hirshabelle et se prolonge dans le district de Warsheikh, riverain de l’Océan indien. Sur cette route secondaire se trouve le pont Shabelle qui est très stratégique pour les échanges.

Un pont également très convoité par les Al-Shabaab pour pouvoir mener des attaques dans d’autres coins du pays.
Afin d’empêcher cette progression d’Al-Shabaab, des militaires burundais du 72e bataillon y ont été déployés. « Nous veillons 24h/24 sur ce pont. Car, il est très utile pour la population. C’est à partir de là que les gens font en effet des échanges commerciaux. En fait, il est le seul pont sur cette rivière. Les terroristes Al-Shabaab veulent donc en avoir eux-aussi le contrôle », a signalé Lieutenant-Colonel Emile Karenzo, commandant du 72e bataillon. Il s’agit d’une position installée dans une zone difficilement accessible. L’avion reste le seul moyen de transport pour y accéder. Et les Burundais sont là depuis 2022.

Pour accomplir leur mission, ces militaires burundais collaborent avec des militaires somaliens sur place. Selon leur commandant, ils travaillent aussi avec l’administration locale surtout en ce qui est du partage des informations : « En cas d’une présence d’un ou des suspects dans leurs villages, l’administration et les locaux nous informent. » Xawaadley étant une région très agricole qui approvisionne d’autres coins du pays comme Mogadiscio, la capitale fédérale où les gens vivent des secteurs secondaire et tertiaire.

D’après d’autres sources militaires sur place, cette position a été souvent la cible des attaques des Al-Shabaab chaque fois qu’elle a été remise dans les mains des forces de sécurité somaliennes.

Des journées d’assistance humanitaire

Distribution d’eau potable à l’entrée du camp militaire de Jowhar

En plus de la sécurité, les militaires burundais de l’Atmis apportent certaines assistances humanitaires à la population somalienne. A Jowhar, un camp de déplacés est installé juste à côté du camp militaire. Il s’appelle Towfik. Ces déplacés de guerre n’ont pas d’eau potable. Ainsi, les militaires burundais y ont installé quelques robinets d’eau potable.

Selon Major Daniel Hahorimana, chargé de la Coopération militaire et civile (Cimic), des distributions d’eau potable sont organisées chaque jour à l’entrée du camp. Ce qui se remarque sur le terrain, des centaines de femmes et de jeunes filles voilées ainsi que des enfants affluent vers l’entrée pour avoir de l’eau. Ils apportent des seaux, des bidons, etc.

Certains n’hésitent même pas à se faire aider par des chameaux pour le transport. Mais, tout se fait sous l’œil vigilant des militaires burundais pour éviter des infiltrations. « Nous organisons aussi des journées d’assistance alimentaire. Les militaires burundais font le jeûne tous les jeudis pour rassembler la nourriture à donner à cette population », précise Major Habonimana tout en déplorant que peu d’organisations humanitaires apportent une aide alimentaire à ces déplacés.

Il fait savoir que leur état de santé fait aussi partie des préoccupations du contingent burundais. Un hôpital doté de différents services comme les urgences, laboratoire, hospitalisation, imagerie médicale, pharmacies, … existe à Jowhar. En plus des militaires, du staff des Nations unies et d’autres patients, ces déplacés somaliens y ont aussi accès pour se faire soigner.

D’après Dr Capitaine Clément Ngezahayo, les cas beaucoup soignés chez les Somaliens sont souvent liés aux maladies de la peau, aux infections urinaires chez les femmes enceintes, aux plaies causées par des morsures des serpents ou des scorpions. « Nous enregistrons aussi des cas de malnutrition surtout chez les enfants. Du rhume aussi. », Indique-t-il.
Il signale par ailleurs que cette assistance médicale se passe sur toutes les six positions occupées par le contingent burundais.

A Xawaadley par exemple, après sa libération des mains des Al-Shabaab, les militaires burundais ont rééquipé un Centre de santé (CDS) sur place. Les gens peuvent y bénéficier des soins administrés par des médecins locaux. L’hospitalisation y est même possible.

« De façon globale, nous traitons en moyenne cent personnes par jour. Les cas les plus compliqués sont transférés vers Mogadiscio », précise Dr Capitaine Clément Ngezahayo.

Beaucoup de défis

Dans sa mission, le contingent burundais en Somalie rencontre pas mal de défis. Colonel Oscar Hatungimana cite d’abord l’état des axes routiers en Somalie. « Ils sont difficilement praticables surtout en cas de pluie. Quand la pluie tombe, c’est vraiment un sérieux problème pour se déplacer parce que les routes deviennent très glissantes.» Pire encore, des engins explosifs improvisés (EEI) sont souvent installés dans les routes par les Al-Shabaab.

Actuellement, pour y faire face, une unité spécialisée de déminage a été formée et équipée au sein du contingent burundais. Depuis novembre 2022, soixante engins explosifs improvisés ont été localisés et désamorcés. « Lors de ces opérations de déminage, cinq militaires ont été légèrement blessés. » Il faut noter qu’avant la mise en place de cette unité, ces engins causaient des dégâts énormes.

Les récentes inondations en Somalie n’ont pas aussi facilité la tâche aux militaires burundais déployés en Somalie. « En plus de compliquer davantage les déplacements, nos positions et nos infrastructures ont été touchées par ces inondations. Ce qui a exigé des efforts énormes pour pouvoir nous protéger », souligne-t-il.

La barrière linguistique constitue un autre défi. D’après lui, comme peu de militaires burundais parlent la langue somalienne locale, la communication avec les Somaliens que ce soit les civils ou les militaires devient en peu difficile : « Cela exige des interprètes pour qu’on puisse bien nous comprendre. »
Quid du retard des soldes comme autre défi? Sur cette question, Colonel Oscar Hatungimana, commandant du 15e contingent burundais en Somalie, fait savoir que cela ne concerne pas seulement les Burundais.

Il souligne qu’il arrive que cela prenne en peu de temps mais, la situation finit toujours par être débloquée. « Cela n’affecte pas le moral des militaires et il n’y a pas de lamentations dans ce sens. », rassure-t-il.

Satisfaction mais les besoins sont encore immenses

Que ça soit dans les environs de Jowhar ou dans le district de Xawaadley, les réalisations du contingent burundais sont bien appréciées. La prénommée Mariam, la vingtaine, est une habitante du camp de déplacés de Towfik : « Nous sommes très contents de ces militaires burundais. En plus d’assurer notre sécurité, ils ont pensé à nous en nous donnant une assistance alimentaire et de l’eau potable. Ils nous soignent aussi. Ils ont vraiment une très bonne cohabitation. Qu’Allah les bénisse ! »

Le prénommé Ali, un des administratifs de la localité, abonde dans le même sens. « Ce sont des gens qui ont une bonne cohabitation, un cœur accueillant et prêts à aider. Nous entretenons de bonnes relations avec eux depuis qu’ils sont présents pour nous sécuriser. »

Il en est de même à Xawaadley. Les habitants affirment que depuis que les Burundais sont là, les attaques des Al-Shabaab ont cessé. « Sinon, avant, ici, nous étions tout le temps attaqués. Les terroristes contrôlaient presque tout. Mais, aujourd’hui, nous pouvons dormir. Nous apprécions la collaboration entre les militaires burundais et les forces de sécurité somaliennes », témoigne un sexagénaire de la localité. Il se dit aussi satisfait de voir qu’actuellement, quand on tombe malade, on peut se faire soigner et avoir des médicaments grâce à l’assistance médicale des Burundais. « C’est vraiment très salutaire pour nous. Avant, beaucoup de gens mouraient par manque de soins. Mais, actuellement, même en cas de choléra, ces militaires burundais procèdent à la pulvérisation intra domiciliaire afin de limiter sa propagation et des vies sont sauvées. »

Néanmoins, ces Somaliens demandent plus d’actions humanitaires pour améliorer leur vécu quotidien. A Jowhar, Ali trouve qu’il est important qu’à côté de cet hôpital à l’intérieur du camp militaire de Jowhar, il y est un autre ou des centres de santé à l’extérieur. « Cela permettrait de se faire aussi soigner même quand on tombe malade la nuit. »

D’après lui, la quantité d’eau potable reste insuffisante. D’où la nécessité d’installer beaucoup de robinets à l’intérieur de leur camp de déplacés. « Oui, ils y ont installé quelques robinets mais nous en avons besoin encore. » Il plaide aussi pour la construction des écoles afin que leurs enfants puissent étudier.

A Xawaadley, les habitants demandent la réhabilitation de leur Centre de santé. « Oui, ces militaires burundais nous ont donné des médicaments et d’autres équipements. Mais, vous constatez que cette infrastructure a besoin d’être reconstruite. Il n’y a presque pas de toitures. Les tôles sont très vieilles et trouées partout. En cas de pluies, personne ne peut venir ici. Donc, il faut nous aider à trouver d’autres bienfaiteurs afin qu’elle soit réhabilitée », plaide Ali Ahmed, un vieil homme du village de Xawaadley. Il évoque aussi l’impraticabilité des routes. « Elles sont dégradées. Nous avons besoin qu’elles soient reconstruites afin de faciliter les échanges et le transport. Nous cultivons beaucoup de produits mais, sans des routes en bon état, il nous est tellement très difficile de les écouler. », fait-il observer.

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