L’urine s’avère être un engrais qui accroît la production agricole. L’expérience que vit Joséphine Nininahazwe de la colline Kibimba, province Gitega, grâce à sa latrine qui stocke automatiquement ce liquide organique.
Sur une petite colline de la commune Giheta, au milieu des bananiers, une venelle montante donne sur le domicile de Joséphine Nininahazwe. A côté du moutonnement de maisons le long de cette ruelle, une maisonnette en dur érigée en hauteur attire l’attention par ses multiples dispositifs. Curieux pour une toilette de fin fond du pays.
Il faut monter quelques petits escaliers pour accéder à l’intérieur de cette latrine érigée depuis six mois. Deux trous séparés, une cuvette remplie de cendres à côté… et pas de moindre mauvaise odeur. Etrange. La propriétaire confie qu’après chaque «grand besoin», il faut jeter dans le trou une petite quantité de cendre pour éviter les mauvaises odeurs.
A l’extérieur, un bidon de 20 litres relié à la latrine par un tuyau stocke l’urine. Une fois le bidon rempli, Joséphine l’utilise (1 litre mélangé à 9 litres d’eau) pour fertiliser ses champs, essentiellement les légumes, parfois le haricot, maïs…, à la place de l’urée, un engrais riche en azote.
Des regards envieux rôdent tout autour. «Une telle latrine… nous n’espérons jamais en avoir… la chance lui a souri… Si nous pouvions avoir une production comme la sienne », murmurent des voisines. L’une d’elle se lamente qu’elle n’a récolté que 2 kg de haricots faute de moyens pour se procurer des engrais.
Et la production qui double…
Cette mère de trois enfants se frotte les mains. Sa production agricole a plus que doublé grâce à cette technique. « Dernièrement, j’ai récolté 250 kg de haricot contre à peine 100 kg d’avant». Elle confie que l’urines a une grande teneur en sels minéraux par rapport à l’urée et à tous les autres engrais chimiques, de par son expérience.
«Désormais, je peux économiser les 100 mille francs que je dépensais pour l’urée», indique Joséphine, souriante. «Et mes enfants ne manquent plus de légumes… »
Cette maman se targue de n’avoir plus à creuser incessamment des toilettes avec l’hygiène qui laisse à désirer. « Cette latrine ne dégage pas de mauvaises odeurs. Et il y a aucune mouche gravitant tout autour».
Un engrais « incomparable »
Leonidas Ntibatumakamwe, moniteur agricole qui supervise cette pratique dans la commune Giheta, indique que l’urine a une grande teneur en nutriments. D’après lui, cet engrais est encore plus efficace, mélangé avec du fumier organique comme les excréments d’animaux.
Selon des essais effectués, il y a quelques mois, dans les champs de choux, le lopin fertilisé à l’aide de cette technique a généré 8 sacs de 150 kg chacun. Les champs contenant d’autres engrais chimiques n’ont donné que 5 sacs, d’après M. Ntibatumakamwe.
Ce moniteur agricole encourage d’autres agriculteurs à adopter cette technique de fertilisation des champs avec de l’urine. C’est également un des moyens pour protéger l’environnement.
Certains agriculteurs affirment adopter ce système. Mais déplorent l’absence de sensibilisation et de démonstration. «J’ai dû jeter tout un bidon d’urine que j’avais stockée. Je ne savais pas comment l’utiliser. Avec tous les efforts que cela m’a coûtés», se lamente une paysanne rencontrée à quelques encablures de la colline Kibimba où cette pratique de fertilisation semble se vulgariser.
Ce moniteur agricole de la commune Giheta signale qu’il n’est pas recommandé d’utiliser l’urine des personnes sous traitement ou des femmes qui ont leurs règles. Selon lui, cela peut contenir des éléments pouvant dénaturer les sels minéraux se trouvant dans l’urine.