Dans une société post-conflit, les messages globalisants peuvent catalyser les conflits. Certains militants des partis politiques reviennent sur cette question épineuse de la globalisation qui affecte les relations humaines. Le socio-anthropologue Tharcisse Bimenyimana appelle à la vigilance pour ne pas tomber dans le piège.
Christophe Butoyi est un jeune membre de la ligue des jeunes Imbonerakure du CNDD-FDD. Il s’insurge contre des accusations à leur encontre comme quoi ce sont des malfaiteurs. « Tous les Imbonerakure ne sont pas mauvais. Ça fait mal de globaliser qu’ils sont tous des criminels. C’est possible qu’un individu puisse commettre un acte violent, qu’un militant se batte avec les autres. Mais pourquoi on accuse tout le groupe ? Pourquoi coller l’acte à tout le monde ? », s’interroge-t-il
Il indique qu’il est choqué d’entendre des messages globalisant à leur encontre. Il fait savoir que l’auteur d’un crime doit répondre individuellement de ses actes. « Ce sont des accusations auxquelles je ne donne pas de crédit. Cela ternit l’image de tout le groupe. Les membres perdent la crédibilité », déplore-t-il.
Même son de cloche chez Jean Ndayisenga, un membre du parti CNL. Il considère que c’est blessant d’entendre que tous les militants d’un parti politique sont responsables d’un acte posé par un seul individu. « C’est tout le groupe qui est insulté, vilipendé. Tout le monde est indexé. La responsabilité pénale est individuelle. Pourquoi la globalisation quand un crime est commis alors que quand un individu appartenant à un groupe opère un exploit, les autres ne sont pas concernés », s’interroge-t-il également.
Selon un autre militant du parti au pouvoir, les partisans du CNDD-FDD et ceux du CNL sont des adversaires. Il rappelle que quelque fois, « les membres du CNL accusent collectivement les Imbonerakure d’être des criminels, des meurtriers. Si les jeunes sont pointés du doigt collectivement, la cohésion sociale est mise en cause ».
Message dangereux
Même lecture faite par un autre jeune Imbonerakure qui estime que si tous les Imbonerakure sont considérés comme des criminels, leur vie peut être menacée tout comme eux aussi risquent de vivre sur la défensive. « Toute présence d’un jeune Imbonerakure devient une menace pour les autres. Lui aussi devient menacé et peut être victime d’un lynchage. D’autres peuvent perdre leurs droits. Il est très dangereux de globaliser. Chacun doit répondre de ses actes. Il est important d’éviter l’irréparable ».
Pour M.N, un ancien combattant du Front pour la libération nationale, FNL, devenu militant du CNDD-FDD, la globalisation est très dangereuse. Il fait savoir que les rebelles du FNL étaient tous considérés comme des criminels et des ravisseurs. « Cette globalisation m’a fait du mal. J’en ai été victime. J’ai en effet raté des opportunités car notre image était ternie. Ce langage doit être évité et chacun doit être responsable de ses actes », témoigne-t-il.
Selon Tharcisse Bimenyimana, socio anthropologue et enseignant d’université, la globalisation peut être comprise comme le fait d’attribuer la responsabilité des actes du passé à un groupe social donné. La globalisation ne permet pas de distinguer les responsables individuellement. C’est comme si l‘auteur du crime représente un parti, une ethnie, une région.
Il donne des exemples. « On accuse les membres de la JRR d’avoir exécuté les Hutu en 1972. Mais, on oublie qu’il y a ceux qui ont sauvé des Hutu à cette époque là. Sur les réseaux sociaux, les Imbonerakure sont considérés comme des criminels mais ce n’est pas vrai. Un individu l’a fait et c’est collé à tout le monde ».
Il estime que cette globalisation ternit l’image d’un groupe donné dont les membres en deviennent victimes. « Certains droits leur sont refusés parce qu’ils sont membres d’un groupe qui a été déshumanisé. D’autres manquent de quiétude à la suite de l’injustice subie sans rien savoir sur ce qui s’est passé », regrette-t-il.
Selon ce socio-anthropologue, les messages globalisants viennent ajouter le drame au drame. Des croyances, des stéréotypes, des préjugés et de la méfiance pèsent alors sur la société. « La globalisation tend ainsi à mettre en danger toute une société qui peut en pâtir puisque la cohésion sociale est mise en cause. Les efforts de réconciliation sont dissipés et la société risque de replonger dans des cycles de violences », fait-il observer.
Ce socio-anthropologue prévient qu’il ne faut surtout pas tomber dans le piège de la globalisation. Il répète également que la responsabilité pénale est individuelle. Tout un groupe, souligne-t-il, ne peut pas être pris comme victime ou comme bourreau.