Dans quelques tribunaux de résidence de Bujumbura, environ 70% de demandeurs de divorce sont des hommes, depuis 2015. Une tendance qui interroge. Eclairage d’experts.
Sur 311 demandeurs de divorce enregistrés de 2015 à 2018, 212 sont des hommes, soit 70% à peu près. Des chiffres enregistrés dans cinq tribunaux de résidence : Kamenge, Ngagara, Kinama, Rohero et Buyenzi.
C.R., la trentaine, est l’un de ces hommes. Dès 2013, il confie avoir mené une vie de couple « parfaite » jusqu’à ce que sa femme commence à changer de comportement, deux ans plus tard.
2015, son mariage bat de l’aile. Sa femme vient de sevrer leur premier enfant. Elle commence à sortir et à rentrer tard (au-delà de 20h) tous les jours. Prétextes : « Un verre avec des amies, trop de boulot… ».
Cette femme d’affaires n’aurait plus joué son rôle de mère. « Notre enfant la voyait rarement », témoigne C.R. Il commence à découvrir des messages louches dans le téléphone de son épouse. C’est, pour lui, une évidence : elle voit un autre homme. Son épouse réfute jusqu’à ce qu’elle soit attrapée en flagrant délit, il y a quelques mois.
Aujourd’hui en instance de divorce, C.R. reconnaît qu’il n’offrait pas assez de temps à sa femme qui aimait les sorties, l’ambiance. « J’étais souvent coincé dans mon travail».
Le féminisme essentiellement incriminé
Gervais Irankunda, psychologue clinicien, affirme qu’au cours de ce mois d’avril, il vient de recevoir, en moins d’une semaine, trois cas de divorce qu’il accompagne. Deux sur trois cas qu’il reçoit sont des hommes qui n’en peuvent plus des violences verbales de leurs femmes « autonomes ».
Pour ce thérapeute, l’émancipation et l’autonomisation des femmes seraient la principale cause des divorces, ces derniers temps. « Elle a un bon boulot, elle peut s’offrir tout ce qu’elle veut, elle peut désormais nourrir la famille… plus donc question que son mari lui donne des ordres. » Ce sont des violences verbales qui naissent au sein du couple. L’épouse en question développe, peut être inconsciemment, un manque de respect que son conjoint ne supportera pas. Et bonjour le divorce, estime le psychologue.
M. Irankunda évoque aussi les réseaux sociaux comme une cause des divorces d’aujourd’hui. Fouiller dans le téléphone de son conjoint devient une tendance qui détruit les couples.
Le clin d’œil de ce psychothérapeute : « Les hommes devraient accepter que nous ne sommes plus dans la tradition où une épouse devait obéir, tête baissée, à tous les ordres de son mari. Les femmes doivent savoir que même si elles ont le droit d’être autonomes, leur rôle et devoirs dans le ménage restent les mêmes. » Ce qui est primordial en cas de mésentente, conclut-il, c’est la communication.
A la recherche de « la femme de ses rêves »
Le conseiller conjugal, Bény Ndayishimiye, observe, quant à lui, que la plupart des hommes qui demandent le divorce sont des hommes fortunés qui s’enrichissent après quelques années de mariage. Ils cherchent alors à s’offrir « la femme de leurs rêves » qu’ils n’avaient pas osé approcher parce qu’ils n’avaient pas les moyens.
Une autre cause probable, estime-t-il, est que l’homme n’a pas la même capacité de gérer et de supporter les épreuves du ménage que la femme. Pour l’homme, « si cela ne marche pas, je cherche un plan B ». Tandis que pour la femme, c’est le cœur, les sentiments qui agissent. « Je dois à tout prix sauver mon mariage. Protéger mes enfants ».
Ce conseiller conjugal évoque aussi le manque de respect des femmes bénéficiant d’une aisance matérielle envers leurs maris comme cause majeure des divorces. Le manque de respect est la première chose qu’un homme ne supporte pas dans son foyer ».