Obéissance et protection, tels sont les deux objectifs que s’est donné Wilson Ndayizeye, un jeune qui dresse les chiens. Un métier qui n’est pas très vulgarisé au Burundi mais qui lui fait vivre selon son témoignage. Aujourd’hui, il rêve mettre en place un centre pour former les jeunes dans le dressage des chiens.
Une passion d’enfance. « J’aime le chien depuis mon enfance. Je me rappelle que j’ai amené un chiot de race locale à la maison mais, mes parents m’avaient dit à l’époque que je ne pouvais pas commencer par élever un chien au lieu d’une vache ou d’un autre animal domestique. Pour eux, c’était une honte, indigne. Mais, l’idée est restée là », raconte Wilson Ndayizeye, l’éleveur canin. Aujourd’hui, son rêve est devenu une réalité.
Au quartier Nyabagere, zone urbaine de Gihosha, commune urbaine de Ntahangwa, il a déjà un troupeau de bergers allemands dont six adultes et des chiots. Les débuts n’ont pas été faciles. « J’ai fait plusieurs essais. Mais, comme je n’avais pas assez de formations en la matière et des moyens pour bien entretenir mes chiens, ça n’a pas marché. Comme c’était ma passion, j’ai persévéré. »
Dans son entourage, ses amis n’ont pas manqué de le décourager. « Au début, on se moquait de moi. J’ai approché certaines personnes, des jeunes comme moi, pour démarrer ensemble le projet, mais elles me répondaient : est-ce normal de se lancer dans cet élevage des chiens ? Pour quelle finalité ? »
C’est finalement dans les années 2018, 2019 qu’il s’est lancé effectivement dans cette aventure. Et ce après des formations qui lui ont permis de rencontrer d’autres dresseurs ougandais, kenyans, etc.
Il informe que ces derniers ont déjà des académies de dresseurs. Il s’est aussi formé via internet. Déterminé et engagé, il a surmonté les obstacles à son projet. En 2019, il a dressé le tout premier chien, de race berger allemand. De dresseur, il s’est vite aussi lancé dans l’élevage des chiens.
« En fait, des gens m’appelaient dans leurs parcelles ou amenaient chez moi leurs chiens pour que je puisse les dresser. Petit à petit, d’autres personnes venaient pour me demander des chiots et des chiens. J’ai alors pensé qu’en plus d’être dresseur, il fallait que je les élève aussi. », précise-t-il.
Un travail coûteux
M. Ndayizeye rappelle d’abord que le chien n’est pas un herbivore. « Le métier d’élever les chiens demande alors beaucoup de moyens. Et pour preuve, le chien n’est pas une chèvre ni un mouton. On ne peut pas dire : je vais planter du fourrage sur une colline et faire paître mes chiens. Ce sont des animaux qu’on doit nourrir autrement. Tu leur prépares de la nourriture. Et ils ne sont pas nourris n’importe comment et avec du n’importe quoi. Ce n’est pas facile. C’est cher. Mais quand tu aimes quelque chose, tu te sacrifies. »
Pour preuve, il signale que pour nourrir un seul chien, il dépense au minimum 5 000 BIF par jour. Ce qui fait mensuellement plus d’un million de BIF pour ses six chiens adultes et quatre juniors. A cela, il faut ajouter les dépenses liées à la cuisson de leur nourriture, à la propreté des différentes niches, etc. Bien plus, sur le marché local, des produits pour leur alimentation ne sont pas très disponibles et accessibles. Il donne l’exemple des friandises dont le prix varie entre 10 et 50 dollars. Il en est de même pour ce qu’on appelle dans leur jargon les ‘’récompenses’’.
En outre, chaque chien lui coûte 50 mille BIF pour le vaccin. L’indisponibilité ou la rareté de certains produits pharmaceutiques comme le vaccin contre la rage gène en peu son travail.
En ce qui est de l’importation, là aussi, ce n’est pas facile. Mis à part les dépenses liées au déplacement, il indique qu’à l’étranger, le prix d’un seul berger allemand varie entre 800 et 2 000 dollars. C’est selon le pays ou le continent d’origine et les espèces.
Il est rentable aussi
Interrogé sur les rentrées, Wilson Ndayizeye affirme que son métier lui fait vivre. « Moi, je suis fier de mon travail. C’est ma principale source de revenus et comme vous le voyez, je ne suis pas pauvre ni mal vêtu. Grâce à mes revenus, je subviens honorablement aux besoins de ma famille. J’ai un moyen de déplacement, j’habite une belle maison, etc. Bref, ces chiens me font vivre », confie-t-il avec un sourire. Ce père de deux enfants signale qu’il peut vendre un seul berger allemand à 3 500 000 BIF voire plus selon l’âge. Il gagne aussi de l’argent en dressant les chiens des particuliers. Un programme qu’il fait selon un calendrier bien établi. Deux, 3 ou 4 jours par semaine. Pour le premier cas, il gagne 300 mille BIF par mois. Et pour le second programme, c’est 450 mille BIF par mois tandis que pour 4 jours de dressage, on le paie 600 mille BIF par mois.
Pour exécuter cette tâche, Wilson Ndayizeye a formé d’autres jeunes à ce métier. C’est le cas de Pamphile Niyongabire, son petit frère. Jeune lauréat de l’université, ce dernier indique que les débuts sont très difficiles. « Ce n’est pas facile. Car, un chien n’est pas une chèvre qu’on peut toucher, introduire un doigt dans la bouche le premier jour. Vraiment, ça fait peur mais comme c’est un métier, tu dois tenir. C’est aussi un métier comme tant d’autres et rentable. »
Il se rappelle que le premier jour où il a accompagné son grand-frère, il a failli rebrousser chemin. « Ce sont des cas rares où on trouve un seul chien. Dans différents ménages, on y trouve au moins deux ou trois chiens. Quand on les relâche, tu trembles pensant qu’ils vont te mordre. Et tu as tendance de courir.»
Lui aussi, passionné par ce métier, Niyongabire s’est habitué petit à petit. Aujourd’hui, il peut aller dresser les chiens dans différents ménages sans être accompagné par son grand-frère. Côté pratique, il reconnaît qu’un chien peut apprendre. « Il s’agit d’abord d’un animal très obéissant. Avec notre technique, je peux lui donner l’ordre de s’asseoir, de se coucher, de saluer, etc. Il s’exécute fidèlement. »
Un clin d’œil aux jeunes
« Aujourd’hui, il y a des gens qui viennent me demander de les associer. Ils le font parce qu’ils ont déjà réalisé que c’est rentable. Mais, actuellement, je suis à un autre niveau. Au début de cette aventure, certains se moquaient de moi. Ils me décourageaient. Ils me disaient que c’était obscur et incompréhensible de se lancer dans le dressage des chiens. », révèle Wilson Ndayizeye. Il rêve de créer un centre de formation des jeunes dans le dressage des chiens.
S’inspirant de l’exemple de l’Afrique du Sud ou d’autres pays, il affirme que les chiens peuvent aider dans la sécurisation des magasins, des bureaux et d’autres endroits. « Dans les aéroports internationaux ou les grands centres commerciaux, des chiens aident à détecter des objets ou des produits suspects comme la drogue, les bombes, etc. Ils ont subi une formation en la matière. »
Alors que la tradition burundaise valorise beaucoup la vache, Wilson Ndayizeye indique que l’élevage des chiens ne devrait pas être dévalorisé. « Je sais qu’il y a des jeunes diplômés qui n’accepteraient pas d’être formés dans mon métier. Ils se disent qu’après l’université, il faut trouver un job dans un bureau. Mais, qu’ils soient désillusionnés. Moi aussi, je suis diplômé en gestion et administration, option : Finances. Moi, c’est ce métier qui me fait vivre. »
Il trouve que l’école nous donne un bagage intellectuel et des connaissances afin de mieux nous organiser après les études, d’être des créateurs d’emplois. « Oui, les débuts peuvent être difficiles. Mais, c’est par des échecs qu’on apprend et qu’on peut avancer. Beaucoup de jeunes ont peur de se lancer dans tel ou tel autre projet mais il faut oser. »
Témoignages des clients
« Le travail exécuté par ces jeunes dresseurs est louable. Avant leur arrivé, mon chien était violent non seulement envers les visiteurs mais aussi envers les membres de la famille. Je pensais déjà à l’abattre. Mais, quand il a été dressé, il a changé, il est devenu presqu’un membre de la famille, très obéissant », témoigne un habitant de la zone urbaine de Rohero en commune urbaine de Mukaza.
Avec un programme de trois jours par semaine, son chien parvient aujourd’hui à identifier que tel est un visiteur ou un membre de la famille. Il avoue aussi qu’au niveau de l’alimentation, il y a eu des changements. « En fait, ces jeunes maitrisent bien ce qu’il faut pour nourrir un chien. Et quand il est bien nourri, sa santé s’améliore aussi. Il devient alors très pratique.»
A ceux qui pensent que seules les races étrangères peuvent être dressées, il leur répond par la négative. « Mon chien n’est pas d’une race européenne. Mais, aujourd’hui, il a été éduqué et les résultats sont là. »
Johny Gihugu, un autre habitant de Bujumbura a bénéficié des services de Wilson Ndayizeye. En plus d’assurer la sécurité de son domicile, il se rappelle toujours du jour où ses chiens ont sauvé son enfant. « Ici, il y a des herbes et, derrière, il y a de la broussaille. Un jour, un serpent est entré. Nous ne l’avions pas remarqué et mon enfant était dehors. Les chiens ont énergiquement aboyé pour nous alerter et empêcher l’enfant d’avancer vers l’endroit où se trouvait le serpent. », témoigne-t-il.
Il souligne qu’après des séances de dressage, ses chiens assurent convenablement la sécurité de son domicile et des siens.