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Quand le slam sort Bujumbura du ‘noir’…

05/05/2013 Commentaires fermés sur Quand le slam sort Bujumbura du ‘noir’…

Ketty Nivyabandi, du café-littéraire Samandari et poète, nous raconte ce qu’elle a vu et entendu lors de la soirée slam du Collectif Phoenix de ce 5 novembre.

Pendant que la petite capitale sommeille éveillée, une « révolution » se trame dans la salle de spectacle, pleine, de l’Institut Français du Burundi. Ils sont sept, du Collectif Phoenix, 20 ans comme moyenne d’âge, unis par une même passion, le slam : ces ‘larmes orales’, comme le nom de leur dernier show d’il y a, déjà, un an. Depuis, ils ont mûri leur travail et surtout, acquis de l’audace pour proposer un spectacle inédit. Expérimenter, faire et défaire, innover dans ce spectacle sobrement intitulé ‘Noir’.

En y insérant, par exemple, d’autres formes artistiques, comme ces peintres qui tentaient de retranscrire, tout au long de la soirée, la magie du slam sur leurs toiles. En proposant un mariage entre la danse et les mots, avec cette superbe chorégraphie d’African Flavor, un groupe de danse moderne créé par Kevin, danseur exceptionnel qui semble porter dans son corps toute la fraicheur, la poésie et la ferveur du slam. Deux informations capitales sur Kevin : il a 25 ans et il est Burundais.

Là réside tout le propre de cette « révolution ». De jeunes Burundais, qui défont les codes des prismes dans lesquels ils ont grandi. Qui les questionnent sans cligner des yeux, afin de trouver leurs propres réponses, de bâtir leurs propres repères. C’est peut être ce qu’il y avait de plus remarquable dans ce spectacle : l’émotion crue d’assister, en direct, à une réécriture des codes socioculturels à travers l’art. Et le slam en particulier.

Car ils ont « déchiré » ce samedi dernier, comme ils le disent si bien… En mettant à nu la « fausse » piété des d’hommes de religion, avec le quasi iconique "Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit" de Béni Nkomerwa, journaliste à RPA, organisateur, présentateur et technicien de la soirée. En parlant, avec une désinvolture déconcertante, de l’alcool et de l’ivresse. En dénonçant avec éloquence (on pense au talent du jeune Irwin) les mensonges de leur environnement. En abordant leur désespoir avec humour et philosophie. En parlant tout haut de toutes ces choses que nous n’osons même pas dire tous bas : dans un slam bouleversant de sincérité de Nadège Niyonizigiye, cette nouvelliste (lauréate du Prix Michel Kayoya, édition 2010) racontera les fossés qui se creusent lentement au sein des couples, avec des mots si poignants qu’il régnait dans cette salle de l’IFB remplie d’étudiants, d’ordinaire chahuteurs, un silence à couper au couteau. Un bel exploit.

Ils ont innové en brisant les tabous aussi : en remixant les tambours traditionnels avec la danse ultramoderne ; en organisant cette soirée de bout en bout eux-mêmes, sans ‘aide extérieure’; en allant jusqu’au bout de leurs rêves… Et en montrant à leurs semblables que, malgré le noir qui règne autour d’eux, l’alternative reste possible.
‘On est des jeunes qui gênent’ c’est leur slogan, reprit par la salle entière à la fin du show.
Et pour cela – même si certaines choses pourraient encore être améliorées- ce spectacle du Collectif Phoenix impose une lumineuse certitude : la terre tremble sur la scène artistique de Bujumbura…

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