Dans un contexte post-conflit, la commémoration des victimes disparus est forme de guérison et de thérapie. Pour Jean Bosco Harerimana, professeur d’université et expert en justice transitionnelle, le refus pour certains ne fait que torpiller les efforts de réconciliation.
Quelle est l’importance de commémorer les victimes des violences de masse ?
C’est avant tout un processus de guérison des blessures. Une sorte de thérapie. Dans un contexte de violence de masse, les survivants qui n’ont pas l’opportunité de commémorer, de pratiquer les usus et coutumes en matière de deuil souffrent. Ici, je veux dire l’enterrement, le deuil et la levée de deuil dans le format traditionnel. C’est encore pire dans le cas d’un enlèvement. Quand une personne a été portée disparue, il est difficile pour les survivants, ses amis et proches d’imaginer qu’il est parti pour toujours. Quand on écoute dans le contexte burundais, les familles, les communautés ayant connu de telles atrocités, elles disent toujours : ‘’Je croyais toujours qu’il va revenir. Mais finalement, il n’est jamais revenu. Je pense qu’il est mort.’’ Il est donc important de commémorer ceux qui sont disparus dans un contexte de violences de masse pour la guérison des blessures.
Quels risques en cas d’absence ou interdiction de commémoration pour un groupe quelconque ?
Les survivants considèrent qu’ils sont dans un espace qui ne leur permet plus de vivre, d’autant plus qu’on ne peut pas commémorer les leurs massacrés dans un contexte des crimes de masse. Une partie de la population a droit à commémorer les siens qui ont été massacrés alors qu’une autre catégorie n’en a pas le droit. Cette dernière considère que sa mémoire est en train d’être effacée. Il y a un sentiment de désespoir et de peur généralisés. Il y a prolifération des messages de haine Dans ces conditions, la consolidation de la paix et la réconciliation sont difficiles à atteindre. Cela impacte négativement sur la cohésion sociale au niveau national et sur le bien être des familles.
Comment doivent être organisées les commémorations dans une société où différents groupes ont été touchés ?
Il n’y a pas de format prêt-à-porter pour les commémorations dans les sociétés divisées. Que ce soit au niveau communautaire, familial ou national, il y a des étapes. Dans un contexte où le passé douloureux n’a pas été traité, les commémorations restent généralement au niveau des familles et des communautés et proches.
Comme nous avançons vers la justice transitionnelle, je pense qu’un jour nous y arriverons. C’est d’ailleurs parmi les missions de la CVR, organiser une commémoration nationale de toutes les personnes disparues, emportées par les évènements tragiques. Cela renforce l’unité et la réconciliation.
Propos recueillis par Jérémie Misago