Jeudi 13 mars 2025

Société

Quand la mauvaise gestion des récoltes menace les foyers

Quand la mauvaise gestion des récoltes menace les foyers
Un champ de riz à Bubanza

À Bubanza, de nombreuses femmes se retrouvent démunies après avoir été abandonnées par leurs maris. Cela est souvent lié à une mauvaise gestion des richesses familiales. Ce phénomène dit « Isizene » (qui vient de saison) impacte aussi les enfants qui sont contraints de quitter l’école. Des hommes dénoncent, eux aussi des violences conjugales.

Une mère de neuf enfants, dont six sont encore en vie, témoigne avoir été abandonnée par son mari. « J’ai signé les papiers de divorce sans le savoir. J’ai tenté d’engager un procès. Mais, cela n’a pas abouti. Il s’est remarié et vit loin de nous. Notre maison s’est effondrée et il ne verse aucune pension alimentaire. Je ne sais pas si mes enfants vont survivre. Quelques-uns de mes enfants ont même abandonné l’école », déplore-t-elle. Selon son témoignage, son mari était autrefois aisé. Il récoltait du riz ainsi que d’autres cultures comme le maïs et les tomates. Tout allait bien jusqu’à ce qu’il décide de divorcer.

« L’abandon des familles est fréquent. La mauvaise gestion des récoltes en est la cause. Ces hommes prennent d’autres femmes ici à Bubanza ou dans d’autres provinces proches », explique Marianne Habonimana, membre d’une équipe d’agents communautaires. Selon elle, les hommes gaspillent l’argent obtenu lors des ventes des récoltes, en particulier le riz largement cultivé dans cette région.

Elle dénonce cette habitude destructrice qui plonge de nombreuses familles dans la détresse. « Nous avons accueilli une mère de sept enfants abandonnée par son mari. Il était difficile de la réconforter. Heureusement, elle a pu rejoindre notre groupe d’épargne et de crédit. Aujourd’hui, elle parvient à nourrir ses enfants », témoigne-t-elle. Elle précise que l’association est composée en grande majorité de femmes ayant vécu un abandon conjugal.

L’équipe d’agents communautaires organise des séances de sensibilisation sur l’harmonie familiale, qui commencent à porter leurs fruits. « Plusieurs familles au bord de l’effondrement se sont réconciliées. Je peux compter environ vingt foyers qui sont désormais en bons termes. L’écoute permet de résoudre bien des différends. », se réjouit madame Habonimana.

Par ailleurs, les agents communautaires se disent victimes des menaces constantes. « Le mari de l’une de nos bénéficiaires m’a ouvertement menacée », confie Marianne Habonimana.

Les hommes sont aussi victimes

Elle fait remarquer que les hommes sont moins nombreux à solliciter leur aide. Toutefois, certains expriment aussi leurs doléances. « Nous aussi, nous sommes victimes des femmes irresponsables. Certaines gaspillent les récoltes et s’engagent dans des relations extraconjugales. Malheureusement, nous n’avons personne à qui nous confier. Lorsque nous osons parler, la société nous perçoit comme faibles », se lamente un résident de Mitakataka.
Il critique également le comportement de certaines femmes occupant des postes de responsabilité. « Lorsqu’une femme devient cheffe de colline, elle méprise souvent son mari et refuse d’écouter les autres hommes. Nous n’acceptons pas d’être dominés par nos épouses. Alors nous préférons quitter nos foyers. »

Il pointe aussi du doigt un problème de répartition des biens dans les ménages. « Lorsqu’une femme achète une chèvre, elle estime qu’elle lui appartient exclusivement. En revanche, pour elles, les biens de leurs maris sont partagés. C’est inacceptable », s’insurge-t-il. Il plaide ainsi pour la création d’une association des hommes maltraités, à l’image de celles existantes pour les femmes.

Marceline Bavugiruwihoreye, membre d’ONU-Femmes et habitante de Mitakataka, reconnaît que cette situation affecte aussi bien les hommes que les femmes. Elle affecte malheureusement les enfants. « Mais la majorité des victimes sont des femmes. Les enfants en subissent directement les conséquences : ils se retrouvent éparpillés, abandonnent l’école et finissent parfois par être livrés à eux-mêmes », explique-t-elle.

Selon elle, lorsque les hommes obtiennent de l’argent, ils commencent à négliger leurs épouses et prennent des concubines. Certaines femmes l’acceptent, d’autres non. « Le développement d’un pays repose sur la stabilité des familles. Lorsque celles-ci se désunissent, tout le pays en pâtit. »
Elle rappelle que ce phénomène ne concerne pas uniquement les cultivateurs de riz. « Beaucoup d’hommes et de femmes, dès qu’ils ont de l’argent, abandonnent leur foyer. » Elle encourage les hommes à prendre soin de leurs épouses légitimes, à partager et à gérer équitablement les richesses familiales. « Les femmes ne sont pas parfaites non plus. Elles peuvent être obstinées. Mais, la solution n’est pas de fuir le foyer, car elles contribuent aussi à son développement. »

Assurer un traitement équitable

Elle exhorte également les femmes qui accèdent à des ressources financières à faire preuve d’humilité pour préserver leur couple. Elle interpelle enfin les instances judiciaires afin d’assurer un traitement équitable dans la gestion des conflits conjugaux.

Kigeme Claudine, conseillère sociale de l’administrateur communal de Bubanza, confirme l’ampleur du problème. « 80 % des plaintes que nous recevons concernent des conflits conjugaux principalement liés à l’abandon familial et à la mauvaise gestion des richesses du ménage. La majorité des plaignants sont des femmes », souligne-t-elle.

Face à cette situation, l’administration mène des campagnes de sensibilisation pour encourager la cohésion familiale et le bien-être de tous. « Nous tentons de réconcilier les couples en leur montrant l’impact de leurs querelles sur leurs enfants. Cela facilite souvent le dialogue. »

Elle souligne également que ces conflits sont en partie dus aux régimes matrimoniaux choisis par les couples. « Beaucoup signent un contrat de partage des biens sans réellement en mesurer les implications. »

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