20 ans après l’adoption de la résolution 1325 qui encourage l’inclusion des femmes au maintien de la paix et de sécurité, leur intégration dans l’armée est encore timide. Le point avec la lieutenant-colonel Marie-Ange Niyokindi, la femme la plus gradée de l’armée.
L’armée burundaise compte 635 femmes militaires. 88 officiers, 130 sous-officiers et 417 militaires de rang, d’après le porte-parole de l’armée, Colonel Floribert Biyereke. Elles représentent 12,6% de l’effectif total, selon les données du bureau Genre à l’Etat-major.
39 femmes ont été recrutées à l’Iscam durant ces 4 dernières promotions (2016-2019), sur un total de plus de 400 candidats officiers.
Même si nous n’avons pas pu avoir l’effectif des femmes dans la police, le constat est que ces dernières sont de loin plus nombreuses que dans l’armée.
Avec l’intégration des femmes dans l’armée en 1994 à la 29e promotion, l’Iscam avait une seule femme. Tandis que la première promotion à la police a commencé avec 12 officiers et sous-officiers, d’après une femme sous-officier retraitée qui a commencé avec la première promotion en 1988. « Sans compter les hommes de troupes».
‘’La facilité’’, justifient certaines femmes concernées, interrogées. La lieutenant-colonel Marie-Ange Niyokindi alias Kami ou Kamikazi, la plus ancienne femme militaire, affirme qu’avec l’intégration des anciens combattants du Cndd-Fdd, toutes les femmes ont adhéré à la police. Aucune dans l’armée. « L’on disait, à cette époque, que la police est plus facile que l’armée».
Mais la plus haute gradée à l’armée n’est pas d’accord avec cette idée : « Il est vrai que l’armée est un métier qui demande assez de temps et de force. Mais nos supérieurs se montrent assez compréhensifs par rapport aux problèmes ou obligations familiales des femmes. Je vais totaliser 25 ans dans l’armée et je ne peux pas dire que je suis la première sur la liste des mamans qui n’ont pas le temps pour leurs enfants. »
En 2000, avec l’adoption de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies, les femmes officiers étaient au nombre de 11, d’après la lieutenant-colonel Niyokindi.
A.N., une femme sous-officier qui a intégré la première promotion féminine à la police, en 1988, estime que les femmes choisissent la police pour des raisons de facilité : « L’armée ne badine pas, c’est pire si tu es une femme. » En période de guerre, explique A.N., les militaires sont appelés à aller combattre et sécuriser les frontières. Ce n’est pas facile pour une femme. Mais la police assure la sécurité interne.
Le « mérite » d’abord…
Le porte-parole de la Force de défense nationale du Burundi (FDNB), le colonel Floribert Biyereke affirme que le chiffre des femmes, surtout à l’Iscam, stagne. « Les candidats passent l’examen. Si le candidat n’a pas la note souhaitée, il ne peut pas être retenu ». Le colonel Biyereke parle surtout des examens pratiques où le candidat prouve ses capacités physiques requises dans l’armée. Ainsi les femmes ne sont pas nombreuses. « Nous avons besoin de peu de femmes, les meilleures, celles qui le méritent». Il confie à cet égard que le recrutement des femmes officiers se limite à 10%.
Le porte-parole de la FDN fait savoir que ce n’est qu’en 2013 que le recrutement des femmes militaires de rang (hommes de troupe) a commencé. Et ces dernières sont les plus nombreuses aujourd’hui : 417 sur le total de 635.
Le porte-parole de la FDNB évoque aussi les contraintes culturelles comme barrière. Depuis longtemps, soutient le colonel Biyereke, les femmes n’étaient pas emballées par le métier des armes. La principale mission des forces de l’armée étant de combattre l’ennemi et de protéger le pays. Cela demande beaucoup de force et de sacrifice. « Le métier des armes a toujours été l’apanage des hommes».
Le porte-parole de l’armée se félicite, toutefois, d’une grande avancée dans le recrutement des femmes. Au début de l’autorisation du recrutement des femmes dans l’armée, il y avait seulement une femme. Mais au fil des années, elles ont augmenté peu à peu. Jusqu’en 2004, le Burundi avait 73 femmes dans l’armée régulière.
Le colonel Floribert Biyereke ne doute pas quant à l’importance des femmes dans l’armée : « Il y a des postes et missions de l’armée mieux gérés et accomplis par les femmes comme le renseignement, l’administration, la logistique… »
Qui est cette « mère général » de l’armée féminine ?
La lieutenant-colonel Marie-Ange Niyokindi alias Kamikazi est parmi les trois premières femmes qui ont intégré l’armée. Portrait.
Ouverte d’esprit et accueillante, la lieutenant-colonel Marie-Ange Niyokindi alias « Kami » ne fait pas son âge du haut de ses 47 printemps. Née à Bujumbura, elle est mère de 5 enfants.
Aujourd’hui, cette officier supérieure, la femme la plus ancienne et la plus gradée de la FDNB, est parmi les trois premières femmes qui ont intégré l’Iscam.
C’est en 1996, alors âgée de 22 ans, que son rêve devient réalité après ses études secondaires. Elle intègre la 31e promotion de l’Iscam, la 3e promotion féminine. « Nous n’étions que deux femmes dans cette promotion, sur un effectif de 103».
Elle venait de sortir de son grand désespoir. Il a fallu un long moment pour autoriser le recrutement des femmes dans l’armée. Une anecdote : « Je me rappelle que le président Buyoya est venu visiter notre lycée Vugizo. On lui a demandé de laisser les femmes intégrer l’armée. Il a répondu aux filles: ‘’faites tous les autres métiers sauf l’armée’’. »
La lieutenant-colonel Kamikazi parle d’un début de carrière qui n’est pas du tout facile. Certains confrères essaient de lui mettre des bâtons dans les roues : « Ils nous disaient que ce n’est pas notre place, que nous l’avons volée aux hommes… Ils nous considéraient comme des ennemis. »
Récemment cheffe du bureau Genre à la FDNB, le lieutenant-colonel Niyokindi est une passionnée pour le métier des armes. En 2018, elle laisse son nourrisson de 7 mois et part en mission en République Centre Afrique. C’était sa 2e mission après la Somalie, où elle faisait partie du tout premier contingent burundais en 2007.