La faculté de droit n’a plus la cote auprès des lauréats du secondaire, ces dernières années. Une vision étriquée des débouchés professionnels en serait la cause, estiment des responsables académiques.
A l’Université des Grands Lacs(UGL), la dernière inscription en droit remonte à 2010. « C’est cette année où seule une quinzaine d’étudiants s’est faite inscrire », a confié un membre du personnel. A l’Université du Lac Tanganyika(ULT), les inscriptions en faculté de droit n’ont jamais cessé. Néanmoins, elles ont sensiblement diminué. Selon les chiffres du décanat, 407 lauréats du secondaire se sont fait inscrire en faculté de droit pour l’année académique 2007-2008 contre 51 pour l’année 2020-2021. De 2013 à 2020, le nombre d’inscrits varie entre 25 et 39. Concernant l’Université Lumière de Bujumbura, seule une cinquantaine s’est faite inscrire en première année de baccalauréat en droit cette année, selon des étudiants interrogés. « A un certain moment le département de droit a même été suspendu, faute d’étudiants», confient nos sources. Contacté le décanat de ladite université n’a pas souhaité s’exprimer.
Ceux qui ne sont pas attirés par le droit avancent plusieurs raisons. « Tous les tribunaux et cours ont un personnel suffisant », a commenté un étudiant de l’Université du Lac Tanganyika. I.C., une finaliste en commerce et marketing, ajoute qu’aucun lauréat de sa promotion 2018 au secondaire n’a fait le droit. « Ce sont les facultés d’économie et de psychologie qui attiraient beaucoup plus». D’autres critiquent négativement le métier de juriste. « Ma fille a refusé de s’inscrire en faculté de droit », a regretté un parent de Kajaga. Il confie que sa fille est persuadée que les magistrats et les juges ne disent pas la vérité.
Le peu d’étudiants en droit se dit déterminé
« Nous étions une trentaine à nous faire inscrire alors que nos camarades de la faculté d’économie étaient des centaines », a déclaré Davy Nibitanga, étudiant en deuxième année de baccalauréat à l’Université du Lac Tanganyika. Il justifie son choix par sa sensibilité qui le pousse à vouloir plaider pour les personnes victimes d’injustice. Olga Gatore de la première année prévoit de décrocher un doctorat en droit. Isaac Niyukuri de première année de baccalauréat à l’UGL veut entrer en faculté de droit, malgré les découragements des amis et proches.
Aline Gahama, doyenne de la faculté de droit à l’ULT, déplore que certains futurs étudiants croient qu’un licencié en droit ne peut travailler que dans les tribunaux qui sont très limités. Elle leur conseille de ne pas se limiter à l’ambition de devenir juge ou magistrat : « Un juriste peut devenir enseignant, avocat indépendant ou du ministère, consultant, vérificateur d’impôt, entrepreneur, etc. » Même son de cloche pour Claver Sindagaya, responsable académique à l’UGL : « Pour des étudiants passionnés et engagés et qui veulent exceller les débouchés pour un juriste de formation ne manquent pas. »
Nous garderons en mémoire cet homme et tout ce qu’il a fait pour le Burundi, tout ce qu’il a fait, TOUT! On est pas prêt a l’oublier!
Ce constat fait partie des nombreux défis de l’éducation des jeunes aujourd’hui avec en filigrane une remise en cause croissante de la valeur des diplômes en général. L’incertitude des jeunes sur l’avenir n’est pas spécifique à la faculté de droit. Quand bien même un diplôme est nécessaire, il n’est pas suffisant. Il est par ailleurs de moins en moins valorisé sur le marché toujours concurrentiel du travail. Alors que dans un passé proche, la validation et l’intitulé du diplôme étaient des facteurs qui protégeaient contre la pauvreté, assuraient l’insertion et la réussite professionnelle ; ceux-ci ne sont plus garantis par le seul diplôme, fût-il des « grandes écoles ». Par ailleurs, de nombreuses études démontrent que les diplômés des filières scientifiques et médicales servent plus au quotidien que les diplômes des filières dites classique comme le droit. Entre un marché de l’emploi saturé et toujours concurrentiel, un monde en pleine digitalisation, l’émergence de nouvelles valeurs et autres repères diverses, la démocratisation de l’enseignement, l’inadéquation générationnelle sans parler de la précarité de la condition estudiantine ; de nombreux jeunes aujourd’hui redoutent d’être une génération sacrifiée et se méfient de l’enseignement classique pour se tourner vers les domaines en symbiose avec le temps qui courent… Les jeunes diplômés d’aujourd’hui font face à une difficulté particulière à l’embauche. Le monde du travail a fortement évolué ces dernières décennies, et cette transformation continue. Il est ainsi urgent de prendre en compte la nécessité pour une parfaite adéquation entre la formation/filières universitaire et l’intégration des lauréats dans la vie active dans la formation de la « jeunesse » afin de former des candidats en mesure de s’intégrer et réussir dans un monde de travail en constante mutation. Trouver la bonne formation qui protège les jeunes contre le chômage est très important. Un ingénieur mécanicien peut choisir entre plusieurs offres voire même créer sa propre entreprise à la fin de sa formation alors que quelqu’un (e) qui a une maîtrise en droit ou de sociologie aura plus de mal à intégrer le monde du travail.