Un nouveau code minier est déjà promulgué. Quelles sont les améliorations ? Quid des lacunes. Permettra-t-il au Burundi de gagner plus d’argent en provenance de son sous-sol ? Dr Prudence Bararunyeretse, CEO de Minerals consulting international et professeur à l’Université du Burundi fait le point.
Comment avez-vous accueilli la promulgation du nouveau code minier ?
Il faut saluer la venue de ce nouveau code, en remplacement de celui de 2013, révisé partiellement en 2016. Il se place dans une suite logique du processus de révision des stratégies et mécanismes de gestion et de gouvernance minière au Burundi. Il fait suite à la récente mise en place de la politique minière.
Quelles sont vos attentes ?
Comme document de base, il sera suivi par la mise en place de textes règlementaires d’application. Il se doit de servir d’enclencher le processus de trouver une solution à l’impasse qui s’observe dans le secteur minier depuis un certain temps, comprenant notamment la suspension de l’activité minière sur le territoire national, il y a près de deux ans.
Ce nouveau code minier devrait aider à apaiser le climat de suspicion et de manque de confiance de la population et du gouvernement vis-à-vis des exploitants miniers et leurs associés accusés à tort ou à raison de bénéficier démesurément des ressources minérales du pays au détriment des intérêts des communautés locales et du pays.
Il se doit de répondre aux préoccupations liées aux manquements dans les mécanismes légaux et institutionnels, aux faibles compétences scientifiques, financières, techniques et managériales locales en matière de gestion du secteur minier, y compris la gestion de la chaine de possession des substances minérales.
Normalement, comment devraient être des lois en la matière ?
Les lois et règlements en matière d’exploitation minière doivent rassurer tous les acteurs impliqués, y compris le gouvernement, la population en générale et les communautés locales en particulier ainsi que les investisseurs.
Une définition claire des intérêts respectifs des parties prenantes, dans un esprit d’équité permet de bien gérer les litiges entre parties prenantes. De bonnes orientations permettant une négociation équitable aboutissant à des conventions et contrats équilibrés suivant le principe de gagnant-gagnant sont indispensables.
Le code minier se doit de donner des orientations sur les droits et devoirs des acteurs impliqués, les conditions d’obtention des permis en lien avec l’activité minière, la protection de l’environnement, la responsabilité sociétale, etc.
La prise en compte de la sécurité et la santé des employés et communautés locales dans les zones minières et de carrières ainsi que des principes d’Eco-balance comprenant la gestion d’impact socio-économique et environnemental est primordiale. Il en est de même de la prise en compte des initiatives régionales et internationales en lien avec le secteur minier et auxquelles le pays a adhéré est très importante.
Est-ce que ce nouveau code minier répond à tous ces aspects que vous venez d’évoquer ?
Beaucoup des aspects ci haut annoncés et bien d’autres aussi importants, ont été pris en compte. Par exemple, en son article 1, on voit déjà le souci d’améliorer les performances dans le secteur, avec l’élargissement du champ d’application.
Concrètement ?
Si le passage de l’exploitation artisanale et anarchique à l’exploitation par des groupes organisés en coopératives depuis quelques années avait témoigné d’un souci de formalisation de l’activité minière, l’introduction de la petite mine dans le nouveau code pourrait signifier un souci d’inciter à l’amélioration des performances et de la rentabilité par les groupements ou individus avec une capacité financière et technique accrue vis-à-vis de l’exploitation artisanale. Cela pourrait également être le cas de l’introduction de l’exploitation mécanisée et semi-mécanisée.
L’élargissement du code sur les opérations de traitement, de stockage et d’exportation pourrait quant à lui témoigner du souci de plus de suivi et de traçabilité le long de la chaine de possession des substances minérales.
Au niveau de l’article 2 qui concerne les définitions, on y voit un souci de plus de précision et de clarification par la définition de beaucoup d’aspects vis-à-vis du code de 2013. Près de 30 définitions ont été ajoutées. Certaines d’entre elles vont dans le sens de la précision sur les parties prenantes et acteurs impliqués, la définition du champ d’exploitation, la prise en compte des droits et intérêts des communautés locales et la responsabilité sociétale, l’incitation à plus de participation nationale dans l’activité minière, le renforcement de la gestion des impacts environnementaux, la gestion des conflits, l’augmentation de la valeur ajoutée, et le suivi de la chaine de possession.
A travers beaucoup d’articles, le législateur est dans la bonne voie de permettre au pays d’accroître les revenus issus de l’exploitation et la commercialisation de l’exploitation minière.
Comment ?
Cela se remarque par exemple dans l’augmentation de la part sociale de l’Etat dans les sociétés minières et des carrières, en donnant surtout plus de valeur au capital constitué par les terrains mis en jeu et de ce qui s’y rattachent et objet de l’exploitation.
A ce titre, augmenter la participation de l’Etat de 10% à 20% du capital est une bonne chose. Mais, il faut pour cela tenir compte de tous les aspects, y compris, notamment, les principes d’équité et de gagnant-gagnant. Il en va de l’intérêt de toutes les parties aux conventions et contrats.
En outre, le législateur est dans la bonne voie d’inciter à la promotion de la protection environnementale, à la responsabilité sociétale. Bien que la notion de durabilité n’ait pas été explicitement mentionnée, il y a bien de dispositions qui s’y rapportent.
Toutefois, des critiques ne manqueraient pas et devraient être précisées dans les textes d’application.
Que voulez-vous dire concrètement ?
C’est le cas par exemple de la prise en charge de la réhabilitation des sites orphelins, en cas révocation des titres ou de la suspension de certaines activités minières par le gouvernement.
Parlant même des impacts environnementaux et sociaux, on doit tenir compte du transport ou la distribution des certains produits chimiques dangereux sur de longues distances, loin du périmètre d’exploitation, de traitement et de transformation, tout comme l’apparition tardive ou à long terme des effets néfastes ou des symptômes d’affliction, etc. Une implication effective de l’expertise en santé environnementale, humaine et animale au sens large ne doit pas être optionnelle.
Les textes devraient prévoir des mécanismes plus rigoureux, plus transparents, plus participatifs, et plus efficaces que ceux observés généralement avec les systèmes d’études et de gestion d’impacts environnementaux et sociaux.
Aujourd’hui, on est loin d’être rassuré et les exemples sont nombreux si on se réfère à ce qui se remarque sur terrain.
Que faire face cela ?
Il a y a le besoin d’instauration d’un système de recevabilité des acteurs étatiques ou administratifs impliqués. Par exemple, il faudrait que pour chaque titre minier, il y ait au moins un ingénieur ou technicien des mines, diplômé et accrédité comme cela se fait par exemple dans le domaine de la pharmacie. Si cela n’est pas facile à court terme, il pourrait être exigible à moyen terme.
Il faut étendre le régime des incompatibilités pour réduire notamment la pression ou les conflits d’intérêts résultant de la participation de certaines catégories d’individus qui risquent d’interférer négativement sur la gestion de ce secteur, y compris dans la négociation et l’obtention des contrats, le respect des règles établies et le contrôle de la chaine de possession.
Il faut éviter l’octroi des contrats miniers à des sociétés fictives ou des commissionnaires insolvables. Les articles 17, 51 sont des exemples de dispositions du code qui se rangent dans cette logique. Il en est de même d’installation des Sociétés minières au pays comme une des conditions requises pour l’obtention des titres miniers.
Par contre la suppression de la définition du propriétaire du sol peut être sujette à de critique négative.
Pas d’autres lacunes à relever dans ce code ?
Il y a quelques-uns des aspects non suffisamment explorés dans le présent code. Le présent code prévoit l’investissement dans le capital humain. C’est une très bonne chose, car elle permet notamment de renforcer l’expertise. Mais, en plus de ce qui est prévu, il est de l’intérêt du gouvernement de penser à d’autres approches qui soient beaucoup plus durables.
Par exemple ?
C’est notamment l’investissement dans la formation des cadres et techniciens qui soient suffisamment outillés pour conduire ou diriger l’activité minière dans toutes ses phases. L’augmentation des capacités d’enseignement au niveau de l’Université du Burundi, la seule à disposer d’un Département des Sciences de la Terre et très prochainement d’un Master en ressources minérales, serait une piste beaucoup plus rentable. En effet, le gros des éléments nécessaires est disponible.
Mais il manque des ingrédients indispensables comme les équipements de laboratoire, les moyens de stages de professionnalisation, pour ne citer que cela. Un budget spécial devrait y être alloué. La formation à l’extérieure du pays ne devrait servir que de compléments et non la priorité, car elle est plus couteuse.
Il faut noter que l’interprétation, la mise en œuvre et le contrôle de l’exécution du code et de ses textes d’application, la négociation des contrats, le suivi de l’activité minière et d’autres doivent normalement être faits par des professionnels compétents, à défaut de quoi on a toujours à se plaindre de la sous-estimation de notre potentiel en ressources minérales, la surestimation des dépenses de l’activité minière et la minimisation des bénéfices, des déséquilibres dans les contrats, le partage non équitable des bénéfices, etc.
Selon vous, qu’est-ce qui devrait figurer dans les textes d’applications de ce code ?
Si la situation actuelle de suspension de l’activité minière est liée en partie au souci de transparence, de partage équitable des intérêts entre parties prenantes, aux respects des principes de durabilité, et de responsabilité sociétale, nous attendons avoir des textes d’application, dont le règlement minier, qui soient les plus précis possibles, les plus compréhensibles possibles, et les moins confus possibles en matière de définition des intérêts et de la gestion des litiges. Des dispositions plus claires sur la protection environnementale, la santé et la sécurité des employés dans les mines et carrières, les communautés locales, etc., sont attendues des textes d’application. Il en est de même de ce qui est de la contribution au développement locale, la prise en charge des victimes, et de tout ce qui se rapporte à la durabilité de l’activité minière.
Quid de la transparence ?
Il faut noter que le présent code n’est pas précis sur la communication et la transparence sur l’activité minière et la gestion des revenus miniers. Des mécanismes rigoureux permettant le rapatriement effectif des revenus de l’exportation et la commercialisation des substances minérales et la lutte contre toute forme de corruption dans le secteur sont indispensables. Les textes d’application devraient bien s’y pencher.
La gestion des comptoirs miniers et de carrières relèverait le plus du domaine commercial que minier. Les textes d’application du présent code devraient mettre un accent particulier sur le rôle que doit jouer d’autres textes et mécanismes spécialisés dans ce domaine.
Il semble qu’il y a moins de clarté sur l’emploi des notions d’exploitation industrielle, grande mine, semi-industrielles, petite mine, exploitation mécanisée, semi-mécanisée, et exploitation artisanale. Il faudrait plus d’harmonisation pour éviter toute confusion dans leur application. S’il y a lieu de synonymie, il faut le préciser clairement.
Il faut que les textes d’application du présent code soient plus précis sur les stratégies à adopter pour arriver à une transformation minière au niveau local. Cela répondrait à l’une des aspirations de la Vision Minière Africaine et aux objectifs de développement du pays.
Les textes d’application du présent code devraient également prévoir des mécanismes d’inclusivité, dont la participation des acteurs, autres qu’étatiques et privés, dans le suivi de la gestion ou dans la gouvernance du secteur minier et des carrières.
Cela est notamment prévu par le mécanisme de la CIRGL sur la lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles et le mécanisme régional de certification, le Burundi ayant adhéré à tous ces mécanismes.