Jeudi 21 novembre 2024

Économie

Provinces de Muramvya et Gitega : Les producteurs de maïs dénoncent le paiement tardif de leur dû

24/09/2024 2
Provinces de Muramvya et Gitega : Les producteurs de maïs dénoncent le paiement tardif de leur dû
Du maïs dans un état douteux étalé sur des bâches en face du stock se trouvant dans les bureaux de la zone Gitega rural

Du retard dans le paiement et dans la livraison des semences et des fertilisants ; des hangars de stockage ne remplissant pas les normes ; le prix du maïs qui monte sur le marché ; … Tels sont les quelques défis qui entourent la production, la conservation et la vente du maïs dans les provinces de Muramvya et Gitega.

Il est 14 h. Nous sommes sur la colline Rutegama, zone Gitega rurale, province de Gitega. Nous sommes dans un hangar servant de stock des grains de maïs collectés. Une partie de ce hangar sert de bureau pour la zone Gitega rurale.
Deux jeunes dames sont en train de tamiser les grains de maïs. Il y a des quantités étalées sur une bâche et des débris à côté. Dans ces débris, on voit quelques grains en mauvais état et des charançons partout.

Dans le hangar, des palettes de bois couvertes sont rangées partout et des étagères sur lesquelles sont déposés des sacs de maïs où on peut lire « hermetic bag ». Il y a du plastic à l’intérieur. Ce qui garantit la qualité de conservation. Par contre, d’autres sacs de maïs sont rangés pêle-mêle.

Quand les deux employées trouvées dans ce hangar apprennent qu’il s’agit d’une équipe de journalistes, il y a eu changement de décor et de mine. Les deux dames se montrent très prudentes et se gardent de communiquer. Même les appels tentés pour avoir quelques précisions se soldent par un non-recevoir : « Pas de commentaires ».

Dans le hangar, il y avait une odeur de pourriture qui se dégageait dans les grains de maïs étalés sur les bâches à l’intérieur et à l’extérieur. Des charançons circulaient. On s’est précipité à emballer ces grains de maïs quand la responsable du stock a su qu’elle avait à faire à des journalistes.

Selon les informations recueillies sur place, c’est la Coopérative d’investissement agro-pastoral qui collecte et gère la production du maïs à travers tout le pays. Elle joue le rôle de prestataire de services pour le compte de l’Agence nationale de gestion des stocks de sécurité alimentaire (Anagessa). La coopérative ne compte que trois employés.

Des grains bien tamisés

Selon Oscar Uwikunda, directeur du bureau provincial de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage à Gitega (BPEAE), les agriculteurs doivent amener des grains de maïs bien tamisés et bien séchés sur les lieux de collecte.

Il fait savoir que ceux qui sont chargés de la collecte ont des instruments appelés humidimètres qui mesurent le degré d’humidité des grains de maïs. « On met cet instrument dans les grains de maïs pour voir s’ils sont bien séchés. On vérifie s’il n’y a pas d’autres impuretés. Si on constate qu’il y a des impuretés, on demande à l’agriculteur de les enlever », explique-t-il, avant d’ajouter que « s’il y a des insectes dans le maïs, ce dernier est jugé irrecevable et retourne chez l’agriculteur. S’ils sont séchés, on y met des pesticides et après on les emballe dans des sacs de conservation », souligne-il.

Concernant la conservation des grains de maïs sur la colline Rutegama, Oscar Uwikunda se veut rassurant en affirmant que les stocks sont en bon état.

Il explique que les charançons apparaissent quand on a mal emballé les sacs en laissant passer l’air. « Mais, en ce qui concerne le hangar de Rutegama, nous avons bien emballé les sacs et nous vous garantissons qu’il n’y aura pas de pourriture », tranquillise-t-il.

Toutefois, reconnaît-il, certains hangars ne remplissent pas les conditions de stockage exigées. « Nous constatons que les hangars actuels sont étroits. Des rats s’y cachent et rongent souvent les grains de maïs. Il faut construire des hangars dans toutes les régions qui remplissent les normes », recommande-t-il.

L’Anagessa nie les faits

De son côté, Olivier Bitegimana, directeur général de l’Agence nationale de gestion des stocks de sécurité alimentaire, semble rejeter les cas de pourriture.

« La production est bien conservée. On balaie tous les jours. Dans plusieurs hangars, on y a même installé des pièges pour attraper des rats qui tenteraient de ronger les sacs », précise-t-il.

Il fait savoir qu’il y a des employés qui veillent au quotidien à la bonne conservation des grains de maïs déjà collectés tout en précisant que ces derniers sont emballés dans des sacs appropriés avec deux sachets en plastique à l’intérieur pour empêcher l’air d’y pénétrer.

« Nous suivons au jour le jour les stocks pour veiller à ce que les grains de maïs ne soient pas attaqués par les charançons. Nous avons aussi à notre disposition des pesticides pour protéger les grains de maïs », tient-il à rassurer.
Cependant, a-t-on appris des sources de bonne foi, dix tonnes de grains de maïs ont été amenées dans le hangar situé sur la colline Rutegama et parmi celles-là 3 tonnes ont été rejetées parce que les grains contenaient des impuretés.

Un paiement tardif

Depuis le mois de février 2024, l’Anagessa a débuté la collecte de la récolte de maïs dans les différentes provinces. Le gouvernement du Burundi a fixé à 1 700 BIF le prix d’un kg de grains de maïs.

Les agriculteurs se sont bousculés pour amener leur production. Cependant, certains agriculteurs déplorent le retard enregistré dans l’octroi des frais pour les quantités vendues.

« J’ai vendu 200 kg à l’Anagessa. Mais, le paiement a été tardif alors que j’avais besoin de cet argent pour subvenir à d’autres besoins », se lamente Francine Ndayikengukiye de la colline Gihamagara, commune Itaba, province de Gitega.
Elle demande à l’Anagessa de résoudre ce problème et de rendre disponibles les fonds destinés à l’achat de la production du maïs à temps.

Cette agricultrice s’inquiète aussi du retard enregistré dans la livraison des fertilisants et des semences sélectionnées. « Le semis pour la saison culturale A approche alors que les fertilisants et les semences sélectionnées ne sont pas encore disponibles. Nous demandons que ces semences et ces fertilisants soient distribués gratuitement parce que nous avons des moyens limités », plaide-t-elle.

Il s’agit des mêmes lamentations de la part de Victor Nduwimana qui dit avoir vendu deux tonnes mais que l’argent est venu à compte-goutte.

De son côté Hakizimana, secrétaire de la coopérative « Kigori Terimbere » Muramvya, reconnaît lui aussi qu’il y a eu du retard dans le paiement des agriculteurs.

« La production a presque doublé. C’est pourquoi il y a eu un problème de paiement des agriculteurs. On avait sous-estimé les quantités produites et l’argent s’est épuisé avant de payer tous les agriculteurs », explique-t-il.
Il demande que l’Anagessa fasse des planifications pour disponibiliser l’argent suffisant et à temps.

Planifier et faire des projections

Le directeur général de l’Anagessa reconnaît également le retard enregistré dans le paiement de certains agriculteurs tout en promettant d’y remédier. « Nous allons nous préparer à temps pour éviter ce retard surtout que nous avons remarqué que la production augmente d’année en année ».
Même constat du côté de Venant Manirambona, gouverneur de la province de Gitega. Il épingle ce retard qui, selon lui, aurait été dû au fait que l’Anagessa a sous-estimé la production du maïs.

Il recommande à l’Anagessa de planifier et de faire des projections pour se faire une idée de la production afin qu’il n’y ait plus de retards dans le paiement des agriculteurs.

De son côté, le directeur du BPEAE tranquillise les agriculteurs qui se lamentent que les semences leur arrivent tardivement. Il explique qu’on distribue les semences multipliées localement et que d’autres, surtout hybrides, viennent de l’extérieur.

« Il faut savoir que les semences qui viennent de l’extérieur sont de la Zambie, surtout le PAN 53. Ce pays a connu une sécheresse et a multiplié une faible quantité de maïs hybride », fait-il savoir.
Pour cette raison, il encourage les agriculteurs d’utiliser la variété du maïs composite locale qui est multipliée par l’Institut des sciences agronomiques du Burundi, Isabu, qui a déjà prouvé sa productivité afin d’éviter cette dépendance extérieure.

Quant aux fertilisants, Oscar Uwukunda rassure les agriculteurs que sa direction est en train d’approvisionner les stocks et qu’il n’y aura pas de rupture dans la livraison.

Remettre la production du maïs sur le marché

Les silos de Zege à Gitega pourraient servir pour une bonne conservation du
maïs

Les agriculteurs rencontrés dénoncent la montée vertigineuse du prix du maïs sur le marché qui avoisine 2 200 BIF par kg. Ils demandent qu’une certaine quantité de maïs collectée soit reversée sur le marché pour casser les spéculations de certains commerçants.

Interrogé, Olivier Bitegimana, directeur général de l’Anagessa dit qu’il va l’annoncer ultérieurement sans pour autant préciser les délais. Il informe que les quantités déjà collectées avoisinent 71 mille tonnes.

De son côté, Venant Manirambona, gouverneur de Gitega dit qu’il appartient aux services habilités de se pencher sur la question pour en étudier l’opportunité et la faisabilité.

Précisons que Prosper Dodiko, ministre de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage, a fait savoir que la production du maïs cette année est estimée à plus de 71 mille tonnes. Si on soustrait les quantités déjà vendues et celles qui seront données à la police ou ailleurs, il restera 60 mille tonnes.

C’était au cours d’une réunion que le Premier ministre burundais Gervais Ndirakobuca a tenu le mardi 10 septembre 2024 au chef-lieu de la capitale politique Gitega à l’intention des directeurs des BPEAE, des gouverneurs de province, des administrateurs et des agronomes communaux, pour analyser le rapport du déroulement de la saison culturale C ainsi que l’état des lieux des préparatifs de la saison culturale A.

Le ministre Prosper Dodiko a annoncé que le marché d’écoulement existe parce qu’il y a d’autres pays qui en ont besoin.

Forum des lecteurs d'Iwacu

2 réactions
  1. Caritas Mbeba

    L’objectif d Anagessma est mal défini.
    En plus cela nécessite une compétence et une gouvernance que le Burundi ne possède pas

  2. Rafiki

    On a vu comment la Sobecov a fait faillite.
    La même mauvaise gouvernance

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