Vendredi 22 novembre 2024

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Projet paix et santé mentale : un projet à mille réussites

09/06/2023 Commentaires fermés sur Projet paix et santé mentale : un projet à mille réussites
Projet paix et santé mentale : un projet à mille réussites
Emelyne Nzohabonimana : « Mes collègues laveuses peuvent le témoigner, je n’ai plus honte de m’asseoir avec les autres ».

Ce projet financé par le Fond des Nations Unies pour la consolidation de la Paix (Peace Building Fund – PBF) est mis en œuvre par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et CORD à travers ses partenaires dont la Fondation CAPAMI qui s’occupe de l’aspect de résilience mentale et bien être psychosocial, AFRABU qui s’occupe de l’aspect de résilience socio-économique, et l’Inspection Générale de la Police Nationale qui s’occupe de l’aspect sur le renforcement de la paix et la sécurité au niveau communautaire. Le projet est piloté par le Ministère de l’Intérieur, du Développement Communautaire et de la Sécurité Publique et intervient dans 3 provinces pilotes Makamba, Rutana et Rumonge.

Affectés des traumatismes causés par les différentes crises qu’a connues le pays et les violences basées sur le genre, les bénéficiaires du projet de renforcement de la paix durable à travers le bien être psychosocial dans les communautés et dans les corps policiers financé par le PNUD saluent les avancées. 15 mois après l’exécution du projet, les résultats sont très applaudis.

Abandonnée par son mari avec un bébé de trois mois, Emelyne Nzohabonima, est l’une des 52 femmes de la colline Makamba II dans la commune et province de Makamba qui ont suivi une formation sur la résilience mentale dispensée par le projet.

« Avant la formation, j’étais une personne maussade, je pouvais passée toute une journée sans parler ». Tout cela, à cause de cette blessure causée par son mari, qui selon elle, est partie prier en Tanzanie pour ne jamais revenir.

Mais grâce à la formation reçue, cette mère de trente ans affirme avoir retrouvé la joie de vivre. « Mes collègues laveuses peuvent le témoigner, je n’ai plus honte de m’asseoir avec les autres ».

Même situation pour Judith Harushimana de la colline Makamba II. Elle aussi, délaissée par son mari avec huit enfants, dit avoir souffert de l’insomnie à cause de ce stress. « Je passais des nuits blanches à penser où vais-je trouver de quoi nourrir les enfants et leurs frais de scolarité ». Un stress qui l’a rendu égoïste jusqu’à ne vouloir partager avec personne tout tâche de cultiver une terre, elle l’assumait seule pour gagner plus d’argent ; et ses enfants ne pouvait manger qu’une seule fois par jour.

Avec les différentes thématiques sur la résilience mentale, Mme Harushima n’est plus celle d’avant. « Le voisinage peut en témoigner. Aujourd’hui, je suis une personne très joviale, collaboratrice, je ne vise plus des intérêts égoïstes ».

Mme Lyduine Niyonziga, vivant dans le quartier Swahili de la colline Makamba II, se dit avoir appris à supporter sa belle-famille grâce au projet. Ce qui n’était pas ainsi les 9 dernières années. « Depuis la mort de mon mari, je vis dans des conflits interminables avec mes belles sœurs ». Elle ajoute qu’elle n’a plus accès ni à la maison ni à l’héritage laissés par son défunt mari, c’est après plusieurs tentatives d’expulsion de sa maison principale.

Malgré ces différends avec les membres de sa belle-famille, Mme Niyonziga confie avoir appris comment les surmonter et de se créer d’autres moyens de prendre en charge ses enfants. « Avant je passais toutes mes nuits à pleurer à cause de mes belles sœurs. Mais aujourd’hui, j’ai appris comment les résister et défendre mes enfants qui étaient souvent tabassées par leurs tantes ».

Aline Nibayubahe : « Depuis mon intégration au projet toutes mes blessures ont été guéries. Je peux affirmer que ma vie a complétement changé »

Abandonnée avec cinq enfants, Aline Niyubahe, elle, s’est fait construire une maison moderne, et les enfants vont tous à l’école. Un changement qui n’était qu’un rêve pour Mme Aline Niyubahe.

« Depuis mon intégration au projet, toutes mes blessures ont été guéries. Je peux affirmer que ma vie a complétement changé », indique Mme Niyubahe, toute contente.

Après la pluie vient le beau temps

Après la formation sur la résilience mentale, les femmes prises en charge par le projet sur la colline Makamba II ont pu lancer des activités génératrices de revenus. Les unes délaissées par leurs maris, d’autres victimes des violences conjugaux, disent mener une vie financièrement stable plus qu’avant lorsqu’elles étaient avec leurs maris.

« Je vends aujourd’hui des ndangala (petits poissons) grâce à un capital que j’ai reçu dans le groupement. Et mes enfants mangent deux fois alors qu’avant ils ne mangeaient qu’au soir seulement », révèle Judith Harushimana. Et grâce à ce commerce de ndangala, tous ses huit enfants vont à l’école, dont trois qui sont en terminale.

Deux ans et trois mois après le départ de son mari, Emelyne Nzohabonimana, affirme vivre une meilleure situation plus que celle où elle vivait encore avec son mari.

« Aujourd’hui ces femmes ont construit leurs propres maisons, leurs enfants vont à l’école, elles sont financières autonomes. C’est vraiment très agréable », se réjouit la Cheffe de la colline Makamba II

Pour assurer leur indépendance financière, les femmes bénéficiaires du projet sont organisées en groupements d’épargne et crédit et aide mutuelle.
« Aujourd’hui je peux m’acheter un pagne avec mon propre argent. Et mon enfant ne manque de rien ». Tout cela grâce à l’argent qu’elle gagne en lavant les habits et à un petit business de vente d’avocats qu’elle a commencé avec un crédit obtenu dans le groupement.

Une résilience financière approuvée aussi par Mme Lyduine. « Mes enfants ne pleurent plus parce qu’ils ont faim et je ne suis plus obligée d’aller quémander de la nourriture chez mes belles sœurs grâce aux crédits que l’on reçoit dans les groupements ».

Et d’ajouter qu’avec ce crédit, elle aussi a lancé un business de commerce ndangala appelés Mwanza. Une stabilité qui lui a redonnée une bonne réputation jusqu’à être élue cheffe de quartier.

Avec les subventions du Fond des Nations Unies pour la consolidation de la paix, à travers le bureau du PNUD au Burundi (Programme des Nations Unies pour le développement) deux groupements ont été formés sur la colline Makamba II. Turiho avec 23 femmes a un stock de 687 kilos de maïs à vendre et un élevage de 15 chèvres et le groupement Dushire inguvu hamwe (conjuguons nos forces) comptant 19 femmes, elle aussi, a un stock à vendre de 700 kilos de maïs et un élevage de 19 chèvres et deux porcs.

Le projet, un remède aux conflits conjugaux

L’administration locale de la colline Makamba II se dit soulagée depuis l’arrivée de ce projet de résilience mentale et promotion du bien-être social. « Avant le projet, on enregistrait environ 50 cas de plaintes des femmes. Les unes chassées, d’autres battues par leurs maris », révèle Mariam Nduwimana, cheffe de la colline Makamba II.

Et depuis le projet, elle indique qu’elle peut passer toute une semaine sans enregistrer aucune plainte d’une femme. Et de saluer un changement radical des conditions de vie des femmes qui ont été abandonnées ou rejetées par leurs conjoints.

« Aujourd’hui ces femmes ont construit leurs propres maisons, leurs enfants vont à l’école, elles sont financières autonomes. C’est vraiment très agréable », se réjouit la cheffe de colline Makamba. Tout en jubilant que le projet a apporté un changement de mentalité chez les hommes. « On a mené plusieurs sensibilisations chez les hommes en les montrant que l’autonomisation financière des femmes contribue dans le développement de la famille et peut aussi remédier les conflits conjugaux causés souvent par la pauvreté au sein des ménages », a fait savoir Mariam Nduwimana.

Les bénéficiaires du projet, elles aussi saluent ce changement de mentalité observé chez les hommes. Judith Harushimana, aussi notable collinaire indique que les femmes ont retrouvé leur place dans leurs ménages. « Elles sont impliquées dans la prise de décision et dans la gestion de biens familiaux, ce qui n’était pas ainsi dans les temps passés où les hommes géraient comme beau les semblaient ».

Les policiers n’ont pas été oubliés

Toujours dans son projet de renforcement de la paix durable à travers le bien être psychosocial, 44 Pairs Educateur policiers de la région Sud ont suivi une formation sur la santé mentale et le bien être psychosocial en milieu policier et ont menés des sensibilisations en milieu policier et au niveau communautaire.

Victime de la guerre civile de 1988 à Ntega-Marangara, un des policiers du Commissariat communal de Burambi dans la province de Rumonge, révèle que son rêve était d’intégrer la police ou l’armée pour venger sa mère. « En intégrant la police, mon seul but était de poursuivre et tuer tous les gens qui ont tué mes frères et ma mère ».

En plus de ce stress post traumatique causée par cette guerre, le trauma sera empiré qu’en 2012 avec la mort de son enfant et de sa jeune sœur mortes le même jour. « Ma femme a accouché un mort-né, et ma sœur a fait un accident de moto en venant l’aider et elle est morte sur le champ », raconte avec sanglots l’adjudant major du Commissariat de la commune Burambi. Les deux stress créeront un agent de sécurité insupportable dans la famille et au travail.

Grâce aux formations sur la connaissance de soi et sur les différentes sortes de tempérament, ce dernier se dit être changé et prêt à pardonner le plan de vengeance de ceux qui ont assassiné sa famille. « A la maison tout comme au travail, tout le monde peut le témoigner. Aujourd’hui je suis une personne paisible, calme », se réjouit-il.

Aussi, l’officier de la police judicaire, il fait savoir qu’il profite au moins trente minutes pendant les causeries morales pour partager avec ses collègues les notions retenues pendant la formation.

Une autre policière du Commissariat communal de Burambi, dit avoir retrouvé la motivation et le dévouement à servir la Nation dans les 15 mois de formation sur la santé mentale et le bien-être psychosocial. C’est après avoir pris conscience qu’elle vivait avec un traumatisme grâce à la thématique de la conscience de soi-même.

« Mon pancréas a été endommagé pendant la formation physique. On m’a opéré deux fois en deux mois pour enlever une tumeur qu’on avait diagnostiquée. Et dès lors, le métier de policier a commencé à me dégouter », témoigne la policière. Et son rêve d’enfance ne deviendra qu’un cauchemar depuis ces deux opérations du pancréas. « Et à chaque fois que je voyais ma fille d’une année et demie porter mes souliers ou dans mon uniforme, je la frappais sérieusement. Je ne voulais pas qu’elle aussi soit contaminée de ce rêve de devenir policière », regrette-t-elle.

Mais depuis la formation, elle se dit plus motivée et dévouée qu’avant et prête à encourager et à aider sa fille à faire grandir ce rêve de devenir elle aussi policière.
Et après avoir vu comment la formation a été très utile pour son bien-être, cette policière mène aujourd’hui de ces séances de sensibilisation sur la santé mentale au travail pendant les causeries morales et même dans la communauté où un couple a pu se réconcilier après avoir fait quelques séances chez elle.

La santé mentale est primordiale dans la police

Un commissaire provincial colérique, qui ne sait pas contrôler ses émotions devant ses collègues et sa famille, tel est le portrait d’un des commissaires provinciaux qui ont suivi la formation sur la santé mentale et le bien-être psychosocial en milieu policier.

« J’étais une personne très colérique. Je criais sur toute personne qui m’adressais la parole. Tout le monde avait peur de moi au travail, même à la maison », se décrit ce commissaire. C’était avant de suivre la formation. Il se dit aujourd’hui être une personne très abordable, jovial, facile à cohabiter avec depuis cette formation qu’il a aidé à comprendre les gens avec leurs tempéraments différents.

« Les gens ne me reconnaissent plus. Il y a certains qui me demandent même ce qui m’aurait fait changer de comportement », confie-t-il tout fièrement. Et dit lui avoir déjà organiser beaucoup de sensibilisations pendant les causeries morales et que les résultats sont très louables. « Il y a des policiers qui ne rentraient plus à la maison à cause des conflits conjugaux, mais aujourd’hui ils ont retrouvé leur bien-être psychologique et leur rendement au travail est très satisfaisant ».

La direction régionale de la police dans la région sud du pays salue les résultats apportés par le projet sur le bien-être psychosocial en milieu policier.

Commissaire de Police Abdoul Mose Ndimurukundo, Commissaire région de Police Sud : « L’importance de la santé mentale est primordiale dans la police nationale car un policier doit être mentalement équilibré avant d’accomplir sa mission »

« Ça nous a apporté un soulagement. Les pairs éducateurs ont énormément contribué à ramener la conscience des policiers en donnant des conseils aux policiers qui avaient des problèmes surtout conjugaux », indique colonel de police Abdoul Mose Ndimurukundo, commissaire de la Région du Sud de Police.
Pour lui, la santé mentale est un atout primordial dans le milieu policier. Et de demander que le projet soit étendu dans toutes les provinces et régions du pays.

« L’importance de la santé mentale est primordiale dans la police nationale car un policier doit être mentalement équilibré avant d’accomplir sa mission », renforce le colonel de police Abdoul Mose Ndimurukundo. Et de préciser que dans chaque causerie morale, les pairs éducateurs ont 15 minutes pour parler de la santé mentale.

Les agents communautaires s’engager à pérenniser le projet

A 6 mois de la fin du projet, pour assurer la pérennisation de ses activités deux ateliers de formation en faveur des psychologues, des médecins, et des organisations locales qui interviennent dans la prise en charge et l’accompagnement psychosocial des personnes affectées par les crises et les violences, a été organisé du 29 mai au 9 juin, à Makamba, sur la compréhension et la gestion du traumatisme à travers l’approche Bio-Psycho-Social. La formation était destinée aux intervenants provenant des structures de prise en charge psychosocial dans les provinces de Makamba, Rumonge et Rutana.

Lambert Muhitira : « La formation a été comme un renforcement de capacités et j’ai y appris beaucoup de choses surtout sur l’approche bio psychosocial »

70% de cas de traumatismes enregistrées par l’antenne de Thars à Rumonge, sont ceux des femmes, a fait savoir Lambert Muhitira, un des cadres de cette organisation non gouvernementale pour la guérison des traumatismes et la réconciliation, antenne Rumonge. Pour lui, la formation a été d’une grande utilité. « La formation a été comme un renforcement de capacités et j’ai y appris beaucoup de choses surtout sur l’approche bio psychosocial ».

Au-delà des connaissances acquises, M Muhitira ajoute que la formation lui a aidé à entrer en contact avec d’autres psychologues et agents sociaux, dont le réseautage qui selon lui, servira à pérenniser le projet.

Angélique Nzobonimpa : « Je suis prête à pérenniser les résultats apportés par le projet même s’il ne serait pas étendu »

Déjà impliquée dans la gestion des traumatismes causées par des guerres civiles dans l’Association des femmes rapatriées du Burundi, AFRABU en sigle, Angélique Nzobonimpa, confie que la formation lui a aidée à mieux comprendre ce que c’est le traumatisme et comment le gérer.

« Et je suis prête à pérenniser les résultats apportés par le projet même s’il ne serait pas étendu », s’engage Mme Nzobonimpa.

D’après Noel Kwizera, psycho clinicien et superviseur à la fondation CAPAMI dans la province de Makamba, la pérennisation du projet est sans doute assurée. Il précise que parmi les 25 intervenants dans le bien-être psychosocial formés, figurent des psychologues provenant de la FVS-Amade, Thars, la Fenadeb, des agents des CDFS (Centre de Développement de la Famille et de la Communauté), les représentants du forum national des femmes, des intervenants psychosociaux de l’AFRABU.

Et parmi les résultats déjà acquis : plus d’une centaine de familles dans les différentes communes de la province Makamba se sont réconciliées, une centaine de femmes victimes violences sexuelles basées sur le genre ont été guéries des traumatismes psychologiques. Sur le volet de la résilience économique, des activités génératrices ont été lancées dans les différentes communes de la province Makamba. L’on citerait un poulailler de 200 poules dans la commune Makamba, une vente de maïs de plus de 200 tonnes à Kayogoro, à Nyanza-lac, des femmes ont démarré un atelier de couture. Tout cela grâce ce projet.

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