Le ministre de la coopération a rassuré les diplomates à propos du projet de loi sur la presse. Sincérité ou opération séduction ?
<doc7999|left>Lundi le 29 avril, Laurent Kavakure, ministre des Relations Extérieures et de la Coopération, rencontre les diplomates accrédités à Bujumbura pour débattre sur les questions de l’heure. Parmi elles, le projet de loi sur la presse. Les journalistes ne sont pas conviés. « Le texte issu du Sénat est un bon texte. Il faut que les gens s’y réfèrent et évitent d’intoxiquer l’opinion », lance le ministre, après la rencontre. Laurent Kavakure a soutenu que le projet de loi tel qu’il est aujourd’hui ne ressemble pas à celui qui avait été adopté par le Parlement, raison pour laquelle les acteurs de la vie politique du pays et les partenaires au développement ne devraient pas polémiquer. Et les ambassadeurs sont rentrés convaincus.
Alexandre Niyungeko, président de l’UBJ, est surpris : « Nous aimerions savoir ce qui a convaincu, puisque ce qui a été décrié, dès le départ, par plusieurs personnes, se trouve toujours dans ce texte ! » En effet, l’Assemblée nationale l’a adopté, en deuxième lecture, lundi 29 avril, malgré l’opposition des professionnels des médias burundais, de la société civile, et même de la communauté internationale.
« La liberté d’expression au Burundi est gravement menacée par cette loi répressive, qui se prête aux abus et place les journalistes à la merci des autorités », a déclaré Netsanet Belay, directeur d’Amnesty International pour l’Afrique. Même crainte de la part de Reporters sans frontières et du Comité pour la protection des journalistes (CJP). Ce dernier a interpellé le chef de l’Etat pour lui demander de s’investir personnellement, afin que le Sénat n’adopte pas les amendements proposés par l’Assemblée nationale.
<doc7998|right>Et pourtant, il convainc …
Human Rights Watch et le Bureau intégré des Droits de l’Homme des Nations unies au Burundi (BNUB) exhortent le président de la République à ne pas promulguer la nouvelle loi sur la presse adoptée par le Sénat, mais plutôt à le renvoyer devant le Parlement
La Délégation de l’Union européenne accréditée auprès du gouvernement burundais est critique vis-à-vis de certaines dispositions de ce texte qui paraissent de nature à porter atteinte aux principes de la liberté de presse et d’expression, tels que reconnus par la Constitution du Burundi et par plusieurs textes juridiques internationaux. Idem pour le Réseau Européen pour l’Afrique Centrale (EurAc) qui condamne également ce projet de loi sur la presse.
Le ministre belge des Affaires Etrangères, Didier Reynders, interrogé par le Sénat belge, a fait savoir que les dispositions de ce projet de loi sont contraires à la Constitution burundaise et au pacte international relatif au droit civil et politique.
Et pourtant, le ministre Kavakure a indiqué que le gouvernement a été satisfait de la rencontre avec les diplomates qui ont été rassurés par ses explications. Cependant, au vu des explications données par le ministre (voir encadré), ses promesses, et le zèle du parlement pour maintenir les amendements décriés, il semble qu’il s’agisse d’une opération séduction pour calmer les esprits. Mais elle ne dure qu’un temps…
<quote>Le Ministre des Relations Extérieures et de la Coopération Internationale a démontré, preuves à l’appui, que le projet de loi que venait d’adopter le Sénat était suffisamment compatible avec les exigences et les garanties d’un Etat de droit et de la liberté d’expression. Il a, par exemple, fait savoir que la nouvelle loi n’allait nullement être rétroactive et que même le niveau de formation universitaire qui sera exigé, dans l’avenir, se limitait soit à une licence soit à un simple baccalauréat. Il a ajouté que l’exception au principe du secret professionnel était la possibilité pour le juge d’exiger, dans des cas très précis, de révéler les sources. Il a fait remarquer que les amendes avaient été aussi sensiblement revues à la baisse. Surtout en comparant les amendes prévues dans certains pays d’Europe ou d’Afrique de l’Ouest, il a montré que le Burundi ne demandait pas les yeux de la tête au journaliste défaillant. Le ministre Kavakure a, par ailleurs, fait remarquer que cette loi qui dépénalisait les délits de presse s’inscrivait dans la dynamique que même les professionnels des médias avaient souhaitée, lors des états généraux de la presse tenue à Gitega.</quote>