Ce lundi 4 septembre, réunis dans la province de Ruyigi, des responsables du parti Cndd-Fdd ont annoncé la mise en place de comités ‘’Turerere Uburundi’’ (Eduquons l’avenir du Burundi) à l’endroit de toute la population burundaise. Les politiques interrogés craignent le retour d’un régime à parti unique.
Godelieve Nininahazwe, secrétaire au parti Cndd-Fdd en charge de la culture et des traditions, a fait savoir que les comités « Turerere Uburundi » seraient mis en place sur tout le territoire national : « La devise de cette mission sera : Mon Burundi, mon avenir et celui de mes descendants. Les membres de ces comités proviendront de toutes les cellules qui composent les collines et les quartiers et vont sensibiliser, conseiller, superviser les échanges et enseigner à la réhabilitation du tissu social, les liens harmonieux, la culture et les traditions burundaises en conformité avec l’idéologie du parti Cndd-Fdd. »
La secrétaire en charge de la culture et des traditions indique que les membres des dits comités seront au nombre de 10 par cellule et vont s’appeler « indereraburundi » (Encadreurs au service de la nation). « Les femmes vont constituer les 2/3 des effectifs par cellule soit 6 membres parmi les 10. Parmi eux, il devra y avoir un homme et une femme célibataires. Les 10 membres devront eux-mêmes choisir cinq d’entre eux qui vont les représenter au niveau des comités collinaires. « Les encadreurs au service de la nation » sont élus pour une période de cinq ans renouvelables ».
Les critères qui président aux choix des « indereraburundi », souligne Mme Nininahazwe, sont multiples : être de nationalité burundaise, être âgé d’au moins 18 ans, être issu d’une famille de bonne réputation, être sociable, être dynamique lors des travaux de développement, être doté d’Ubuntu, serviable, ne pas être un ivrogne, un adultérin et un vagabond.
Ils devront, en outre, ne pas faire partie des instances du parti Cndd-Fdd, du Conseil des jeunes ou des Abahuza. « Avec ces comités, nous espérons zéro abandon scolaire, zéro grossesse non désirée, des foyers sereins, plus de maris qui battent leurs épouses, plus d’épouses qui battent leurs maris, cela aussi existe. Nous, femmes du Cndd-Fdd, admettons-le. Plus de garçon Imbonerakure qui abuse sexuellement d’une fille Imbonerakure, plus d’enseignants qui se méconduisent à l’encontre de leurs élèves. Tout devra être dit séance tenante. Ça va se savoir ».
Les présages
Cet intérêt pour les valeurs ancestrales de la part du parti au pouvoir n’est pas nouveau. Le 12 avril 2019, le défunt président Pierre Nkurunziza a animé une séance de moralisation de la société à l’endroit des élus, les administratifs et les natifs de Rumonge en commune et province de Rumonge.
Le chef de l’Etat avait insisté à l’époque sur la richesse et la profondeur des coutumes de la tradition burundaise. Il avait par conséquent appelé tout le peuple burundais en général et la population de Rumonge en particulier à puiser profondément dans les valeurs et coutumes burundaises car, disait-il, ce sont ces dernières qui ont donné sa vaillance et sa dignité au peuple burundais.
Le président Pierre Nkurunziza avait appelé la population burundaise à garder jalousement la tradition burundaise.
Réactions
Olivier Nkurunziza : « Nous ne sommes plus dans un régime de parti unique »
Pour le président du parti Uprona, le programme « Turerere Uburundi » ne serait pas un problème s’il était destiné aux seuls membres du parti Cndd-Fdd. « Ce qui fait une société, c’est l’éducation de base basée sur le respect mutuel. Si le parti au pouvoir n’avait jusqu’ici pas encore initié cela, il était en retard ».
Le député de l’EALA parle de propagande déguisée de la part des responsables du Cndd-Fdd : « Quand ils disent qu’ils vont exécuter ce programme en tenant compte de l’idéologie du parti Cndd-Fdd, c’est un moyen détourné d’amener les membres des autres partis politiques à adhérer à leur parti. Nous ne sommes plus dans un régime de parti unique ».
Patrick Nkurunziza : « Une confusion entre les affaires du parti Cndd-Fdd et l’Etat »
Selon le président du parti Sahwanya Frodebu, la manière dont est prévue l’exécution du programme « Turerere uburundi » montre une confusion entre les affaires du parti Cndd-Fdd et l’Etat. « En principe, ces programmes qui, s’ils étaient destinés aux seuls Bagumyabanga, ne seraient pas un problème, étaient du ressort des pouvoirs publics et d’un parti politique ». Et de prévenir. « Les Burundais n’accepteront plus le retour des partis uniques. »
Abdul Kassim : « Le parti Cndd-Fdd n’a aucune légitimité d’initier ce genre de programmes »
Le président du parti UPD-Zigamibanga juge que le programme « Turerere uburundi » devrait être destiné aux seuls membres du parti Cndd-Fdd : « Chaque parti a ses sections. Donc, si la section Culture du parti Cndd-Fdd a mis en place ce programme, il devrait viser uniquement les membres du parti Cndd-Fdd. »
D’après lui, le parti Cndd-Fdd aurait dû inscrire ce programme « Turerere Uburundi » dans le cadre des projets de l’Etat. « Le parti Cndd-Fdd n’étant pas l’Etat, il n’a aucune légitimité d’initier ce genre de programme. Surtout que dans le cadre du multipartisme reconnu par la Constitution, chaque parti politique a son idéologie propre ».
Simon Bizimungu : « Tous les Burundais ne sont pas membres du parti Cndd-Fdd »
Le secrétaire général du parti Cnl parle d’un amalgame entre le parti gagnant des élections et le pays : « Pourquoi le parti Cndd-Fdd n’a-t-il pas fait à ce que ce programme soit exécuté dans le cadre du Gouvernement ? Cela était du ressort par exemple du ministère de la Culture. »
De même, il déplore une volonté d’embrigader la population dans un programme initié par un parti politique « alors qu’ils ne sont pas tous membres d’un parti politique ».
Jean de Dieu Mutabazi : « Les missions du projet sont complémentaires aux cours de Formation patriotique et humaine donnés dans les écoles »
Le président du Radebu estime que le programme « Turerere Uburundi » est à encourager : « Après avoir compris que les objectifs du projet étaient notamment de sauvegarder les valeurs de la culture burundaise face à la mondialisation, de renforcer le tissu social pour lutter contre les divisions de toutes sortes, avec pour finalité de bâtir un Burundi-pays émergent à l’horizon 2040, un Burundi-pays développé à l’horizon 2060, j’ai vite trouvé que le projet » Turerere UBURUNDI » était à soutenir et à encourager. »
M. Mutabazi estime que les missions du projet sont complémentaires aux cours du FPH (Formation patriotique et humaine) donnés dans les écoles secondaires. Et de souligner : « Compte tenu du fait que le Cndd-Fdd est le parti majoritaire depuis 2005, il n’est pas étonnant qu’il soit le parti le plus implanté dans le pays et qu’il veut le faire davantage par les enseignements des valeurs de notre tradition dont certaines sont universelles et qui peuvent nous aider à atteindre les objectifs de la vision 2040 et 2060. »
Hamza Venant Burikukiye : « Le projet « Turerere Uburundi » n’a rien de problématique »
Pour le président du collectif des associations des personnes infectées et affectées par le VIH/SIDA (CAPES+), il appartient au parti au pouvoir d’initier des politiques garantissant le bien-être de la population comme contenu dans son programme lors de la campagne électorale.
M. Burikukiye avance que le projet ‘’Turerere Uburundi’’ initié par le parti au pouvoir en faveur de toute la population burundaise n’a rien de problématique car, d’après lui, ce n’est qu’une mise en application des promesses du parti Cndd-Fdd.
Tout cela pour renforcer les dispositifs d’encadrement et de phagocytage de la population
En tout cas, les chefs du parti au pouvoir ont beaucoup d’imagination: après avoir mis en place les structures tels que les imbonerakure, les bakenyerarugamba et les biswi vy’inkona, voilà qu’ils se rendent compte que ça ne suffit pas, qu’il faut ajouter une structure mi-partisane mi-civile mais toujours contrôlée par le parti, pour répandre la bonne éducation et culture à la population. Multiplier les structures donne l’impression fausse que les chefs sont en train de faire bouger les choses, mais en réalité cela ne donne nécessairement pas de résultats positifs. Il y a déjà des structures qui s’occupent en première lieu de l’éducation des populations: ce sont notamment les familles, les écoles, les églises (et il y’en a à gogo)… Comme on dit : que chacun fasse « son métier et les vaches seront bien gardées ».
Quand j’etais au College Don Bosco (aujourd’hui Lycee de Burengo a Ngozi) (1964-1971) pour voir des etudiantes de notre age, il fallait attendre qu’une excursion soit organisee pour aller a l’Ecole Moyenne Pedagogique de Busiga qui se trouvait a 7-10 kilometres.
Quand l’un des eleves de la premiere promotion Scientifique B (1969) est revenu de Belgique pour les vacances, nous ecoutions tres attentivement quand il nous racontait qu’il y avait tellement de filles a la faculte/amphiteatre qu’il s’asseyais sur leurs jupes.
Je crois qu’aujourd’hui le Lycee de Burengo a pres de 800 garcons et des filles.
1. Vous ecrivez:« Avec ces comités, nous espérons zéro abandon scolaire, zéro grossesse non désirée, des foyers sereins, plus de maris qui battent leurs épouses, plus d’épouses qui battent leurs maris, cela aussi existe… »
S’ils sont utilises correctement, les lois et systeme judiciaire burundais pourraient regler tous ces problemes de la societe burundaise, PAS BESOIN D’ALLER REINVENTER LA ROUE.
2. Vous ecrivez:« Le chef de l’Etat avait insisté à l’époque sur la richesse et la profondeur des coutumes de la tradition burundaise…. »
Moi je crois qu’il faut voir chaque epoque de la societe burundaise dans son propre contexte. Moi je ne crois pas que nos ancetres se conduisaient necessairement mieux que nous aujourd’hui, il y avait par exemple des filles-meres que l’on noyaient dans les ruisseaux en guise de peine capitale.
La societe burundaise actuelle a ses challenges avec les influences des cultures etrangeres (a travers l’internet, la musique, le cinema, voyages/etudes a l’etranger), le systeme educatif ou garcons et filles se cotoient tous le temps, les jeunes gens qui sortent ensemble au restaurant ou dans les boites de nuit…Le systeme ancestral ou la jeune fille, par exemple, faisait presque toutes ses activites en famille sous l’oeil vigilant de sa mere ou de ses tantes NE PEUT PLUS NOUS SAUVER.
Tout à l’heure, après avoir lu l’article, j’ai pensé à chercher le sens du mot »référentiel » dans un dictionnaire en ligne. Je voudrais partager avec les autres ce que j’ai trouvé:
Référentiel(Informatique): »Ensemble structuré d’informations utilisé pour l’exécution d’un logiciel et constituant un cadre commun à plusieurs applications ».
J’ai pensé ensuite à poser la question suivante: y a-t-il au Burundi, un socle de valeurs communes constitutives de notre identité en tant que Burundais, qui nous définissent et nous singularisent par-delà la commune humanité que nous partageons avec les autres dans tous les pays et sur tous les continents? Quels sont les éléments à la base du »logiciel culturel » burundais? Quels sont les morphèmes (éléments minimaux de sens) qui entrent dans la définition de notre concept de l’Ubuntu » que les autres cultures semblent trouver si séduisant? Qu’est-ce qui est tapi au fond de l’âme du Burundais (âme définie sur le plan littéraire de façon restrictive comme »Siège de l’activité psychique et des états de conscience de quelqu’un, ensemble des dispositions intellectuelles, morales, affectives qui forment son individualité, son moi profond ; esprit, intellect, cœur, conscience » ou encore de façon extensive comme »l’ensemble des manières de penser ou d’agir propres aux membres d’un groupe social et qui le caractérisent »? Pour le dire en termes simples, quels sont les éléments constitutifs de l’âme des Burundais en tant que peuple?
Je veux bien être d’accord avec cet historien français (François Furet?) qui aimait dire que »les hommes ressemblent beaucoup plus à leur époque qu’à leur père », mais tout de même! On me fera difficilement croire qu’au fond de l’âme des Burundais se trouvent tapis la culture LGBT++++, la GPA (gestation pour autrui), la vente des ovocytes, le libre-échangisme, la marchandisation du corps humain, le transhumanisme, l’eugénisme (théorie cherchant à opérer une sélection sur les collectivités humaines à partir des lois de la génétique), j’en passe. Il existe un ensemble de valeurs (valeur: »ce qui est posé comme vrai, beau, bien, d’un point de vue personnel ou selon les critères d’une société et qui est donné comme un idéal à atteindre, comme quelque chose à défendre ») qui définissent notre identité ainsi que notre rapport au monde et aux autres, nous, Burundais.
Rejeter cet appel (par un réflexe quasi pavlovien) à définir collectivement cet ensemble de valeurs n’est pas faire preuve d’intelligence, au moment ou des enjeux sur le plan éthique se posent non seulement aux Burundais en tant que peuple mais à l’humanité tout entière(enjeux parmi lesquels on peut citer ChaptGPT et l’intelligence artificielle).