Professeur de Science politique à l’Université du Burundi, Denis Banshimiyubusa s’intéresse aux processus de démocratisation. Il s’est confié à Iwacu pour faire le point sur le déroulement des séances plénières à l’Assemblée nationale du Burundi.
« Ces problèmes de dysfonctionnements, notamment de manque de considération envers le parlementaire, s’expliquent par la place négligeable que l’on accorde à l’institution parlementaire dans l’architecture institutionnelle burundaise. », analyse Denis Banshimiyubusa.
Pour ce professeur de science politique, refuser la parole à un parlementaire ou tout simplement lui couper le micro en pleine séance de la plénière est un sacrilège. C’est l’empêcher carrément d’accomplir sa mission première : celle de « parlementer », débattre pour défendre les intérêts de la nation. « Oser faire cela, c’est faire preuve de la méconnaissance de la raison d’être de cette institution, du pourquoi l’on est là, car si le parlement est connu comme étant une institution législative, elle n’est pas moins délibérative, surtout en matière du vote des lois. »
Il fait savoir que dans de véritables démocraties modernes contemporaines dites « démocraties représentatives », le parlement est une institution prestigieuse en ce sens qu’il est le véritable siège du pouvoir du peuple. Mais en Afrique comme ici au Burundi, c’est une institution de seconde zone dont les membres doivent se soumettre aux détenteurs du pouvoir exécutif, principalement le président de la République. « A cela viennent s’ajouter les velléités monopartisanes qui font qu’un seul parti (au pouvoir) veut imposer sa loi à tout le reste, y compris au parlement. »
Dans ces conditions où les parlementaires sont déconsidérés dans leurs missions, observe cet enseignant d’université, ils ne peuvent pas remplir convenablement leur rôle de contrôle de l’action gouvernementale via les questions orales adressées aux membres du gouvernement, à travers les commissions d’enquête parlementaires ou même les motions de censure. D’ailleurs, poursuit-il, il en est de même pour l’analyse, les amendements et l’adoption des projets de loi en provenance du gouvernement.
Trompe-l’œil constitutionnel
D’après toujours ce politologue, il y a certes une séparation des pouvoirs au Burundi selon la Constitution de la République du Burundi de juin 2018 : les 3 types de pouvoirs, à savoir le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire ou mieux « pouvoir juridictionnel » ainsi que le pouvoir exécutif ou mieux « pouvoir gouvernemental ». Mais le pouvoir gouvernemental a tendance à vouloir écraser les deux autres. « Les deux assemblées du parlement se révèlent ainsi être comme des caisses de résonance de l’exécutif. La nullité du mandat impératif proclamé par la Constitution, article 154, n’est qu’une théorie. »
Mais là encore, fait-il remarquer, il faudrait souligner que dans l’entendement de Montesquieu, le concepteur de cette théorie des libertés politiques, la séparation ne signifie pas ignorance entre les 3 institutions. « Les 3 institutions politiques ne doivent pas s’ignorer mutuellement, elles doivent dialoguer. »
Denis Banshimiyubusa voit qu’il faut remettre le pouvoir aux mains du peuple car, c’est de cela dont il s’agit lorsqu’on parle de démocratie. Pour y arriver, avance-t-il, trois solutions sont possibles : d’abord, il faudrait reconnaître au parlement sa vraie place et son pouvoir réel dans la hiérarchie institutionnelle burundaise. Deuxièmement, il faut supprimer ce mandat impératif déguisé introduit dans le code électoral depuis 2009, c’est-à-dire, ces dispositions selon lesquelles lorsque le parlementaire quitte son parti, il doit perdre obligatoirement son siège. « A part que c’est inconstitutionnel, cela prive également à ces élus le droit de s’exprimer librement dans leurs assemblées respectives. » Enfin, il faut penser à introduire au Burundi la catégorie de ce qu’on appelle « les assistants parlementaires » pour aider les députés et sénateurs dans leurs missions respectives.