Dimanche 22 décembre 2024

Politique

Processus électoral : entre explications et questionnements

Processus électoral : entre explications et questionnements
Elisabetta Pietrobon : « L’Union européenne est aux côtés du Burundi en ces moments des élections »

Le Code électoral n’est pas encore disponible, la carte d’identité biométrique à oublier, un budget pour le moment insuffisant… Des acteurs politiques et partenaires électoraux se posent beaucoup de questions. Certains se demandent comment la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) peut enclencher le processus sans une base légale. Cette dernière promet des élections inclusives, crédibles et transparentes.

« Dans 3 mois, l’enrôlement des électeurs va commencer. Il s’avère que la carte d’identité biométrique ne sera pas encore disponible. La Ceni prévoit d’utiliser la carte d’identité nationale en vigueur pour ne pas perturber le calendrier électoral. Si par miracle, il peut être disponible dans 2 ou 3 semaines, nous allons l’utiliser. Sinon, rien n’empêchera l’enrôlement électoral », a déclaré d’emblée Prosper Ntahorwamiye, président de la Ceni, devant un public confus.

C’était lors de la rencontre, le 17 mai dernier, entre la Ceni et les représentants des partis politiques, des confessions religieuses, de la société civile, des responsables des médias, des commissions spécialisées ainsi que des points focaux des différents ministères. L’objectif était de les informer et de discuter de l’état des lieux et perspectives des élections de 2025.

« C’est vrai que c’est déjà arrivé que des personnes utilisent plusieurs cartes d’identité nationale, mais on a essayé de rejeter des doublons. Il y a aussi l’encre indélébile. Personne ne peut voter deux fois. Et si vous faites l’audit du fichier électoral, vous pouvez voir ceux qui ont voté et ceux qui n’ont pas voté. En tout cas, même si nous utilisons la méthode manuelle, le déroulement des élections au Burundi respecte les standards », a répondu Prosper Ntahorwamiye à un participant.

Faute d’un nouveau recensement, celui de 2008 sera utilisé

Prosper Ntahorwamiye a embrayé sur le recensement de la population et la répartition des sièges suivant le nombre d’habitants de chaque circonscription. « Au cas où les résultats du recensement général de la population actualisés ne seront pas disponibles, la Ceni prendra comme référence les résultats du recensement de 2008.

Prosper Ntahorwamiye : « Ce Code électoral ne peut pas bloquer vos préparatifs. Il ne faut pas se laisser distraire. Il faut l’attendre en étant au travail. »

Cela veut dire 8 038 618 de Burundais en appliquant le taux de croissance naturelle de la population de 3 % chaque année. » Et d’ajouter : « En 2025, la population burundaise serait projetée à 13. 286.611. Le quotient électoral devient 132 866 pour 100 sièges de député à l’Assemblée nationale tel qu’il est stipulé dans l’article 169 de la Constitution burundaise. »

Il a aussi indiqué que les élections de 2025 auront lieu en tenant compte du nouveau découpage administratif, conformément à l’article 3 de la loi organique n° 1/05 du 16 mars 2023 portant détermination des provinces, des communes, des zones, des collines ou quartiers du Burundi.

Selon le président de la Ceni, la projection montre qu’avec le nouveau découpage territorial, la province de Buhumuza aura 16 députés, Bujumbura aura 23 députés, Burunga aura 17 députés, Butanyerera aura 23 députés, et Gitega aura 21 députés. « A ce nombre de députés s’ajoutent 3 députés de l’ethnie Twa qui seront cooptés pour avoir 103 députés à l’Assemblée nationale. Côté Sénat, il y aura 2 sénateurs par province, un Hutu et un Tutsi et 3 Batwa qui seront cooptés pour totaliser 13 sénateurs. »

Sur la question des observateurs électoraux, le président de la Ceni a fait savoir qu’il y aura des observateurs nationaux et internationaux. « Nous sommes prêts à leur donner des accréditations s’ils viennent en demander. Seulement, il faut qu’ils viennent à temps. Déjà, nous projetons 15 000 bureaux de vote. Deux observateurs par bureau de vote. Dans tout le pays, il y aura 30 000 observateurs. »

Quant à la question de la publication des résultats des élections, M. Ntahorwamiye a souligné que seule la Ceni est l’organe habilité pour publier les résultats de tout le scrutin. « Mais, les journalistes auront le droit de diffuser le résultat du bureau de vote tel que publié par le chef du bureau de vote après le comptage des voix. » Il a précisé que les mandataires politiques auront le droit de signer sur le procès-verbal des résultats du bureau de vote, mais leur refus de signature ne va pas invalider les résultats des élections.

Moins de 3 semaines pour déposer les candidatures pour le Cepi

Prosper Ntahorwamiye a également annoncé que la Ceni recevra les dossiers de candidature des Commissions électorales provinciales indépendantes (Cepi) durant 4 jours, dans la période du 3 au 7 juin 2024. D’après la Ceni, chaque parti politique doit présenter 3 candidats par province. La société civile et les confessions religieuses doivent se mettre ensemble pour présenter 3 candidats, représentants toutes les organisations de la société civile et 3 candidats, représentants toutes les confessions religieuses par province.

Pour ceux qui se lamentent, que ce délai est très court, la réponse de Prosper Ntahorwamiye a été sans équivoque : « Il n’y a pas de surprise. Qui ne savait pas que les élections étaient fixées pour 2025 ? Un parti politique qui n’est pas encore prêt, il n’est pas encore prêt. Nous sommes dans une compétition et tous les partis politiques ne peuvent pas être prêts. Cela fait partie de la compétition. »

Il a précisé que la Ceni a un droit discrétionnaire. « La Ceni a le droit de nommer un citoyen dans n’importe quelle commission si elle estime qu’il est capable d’assumer ces fonctions. »

Les participants à cette rencontre ont soulevé des inquiétudes concernant le Code électoral qui n’est pas encore promulgué par le président de la République alors que c’est la base légale de ce processus électoral. M. Ntahorwamiye les a balayées d’un revers de la main : « Ce Code ne peut pas bloquer vos préparatifs. Il ne faut pas se laisser distraire. Il faut l’attendre en étant au travail. »

Quid du budget pour préparer les élections ?

Concernant le budget prévu pour la préparation des prochaines élections, la Ceni prévoit un budget de plus de 114 milliards de BIF qui seront étendus sur deux exercices budgétaires (2024-2025 et 2025-2026). « C’est provisoire, car sur le marché, les prix changent. La Ceni a déjà 48 milliards de BIF. »

Les partenaires électoraux nationaux se sont inquiétés des 66 milliards de BIF qui restent à mobiliser. « C’est à l’Etat de mobiliser les fonds nécessaires pour le fonctionnement de la Ceni. Les ressources de la commission proviennent des subventions inscrites annuellement dans le budget général de l’Etat. Par conséquent, ces 60 milliards peuvent être discutés lors des prochaines sessions budgétaires (2024-2025 et 2025-2026) », a déclaré François Bizimana, porte-parole de la Ceni.

La question du financement des élections législatives et communales de 2025 et de la présidentielle de 2027 a été posée lors de la Session du dialogue de partenariat Union européenne-Burundi dans le cadre de l’Accord de Samoa qui s’est tenue le 21 mai 2024 à Bujumbura.

Elisabetta Pietrobon, ambassadrice de l’Union européenne(UE) au Burundi, a précisé que son équipe a écouté avec beaucoup d’attention les plans de la Ceni. « La Ceni a un rôle très important à jouer dans le processus électoral. C’est une année très importante, une année électorale. Nous l’avons souligné dans notre dialogue avec le ministre. Nous tenons beaucoup à ce que les élections au Burundi soient libres, équitables et transparentes. »

D’après elle, l’UE est aux côtés du Burundi en ces moments des élections. Sans donner des détails, l’ambassadrice Pietrobon a fait savoir que l’UE a signé avec le Burundi une convention de financement d’un programme de soutien et d’accompagnement de la culture démocratique et de renforcement des institutions et des acteurs impliqués dans les élections.


Réactions

Patrick Nkurunziza : « La fraude électorale a déjà commencé. »

« La fraude électorale commence avec le recensement des électeurs pour constituer un fichier électoral crédible. A cet effet, la question de la carte nationale d’identité doit être préalablement résolue », réagit Patrick Nkurunziza, président du parti Sahwanya-Frodebu.

Selon lui, l’approche actuelle de la Ceni semble biaisée dans la constitution d’un fichier électoral crédible. Et là, poursuit-il, l’impact est évident : « Un faux recensement des électeurs va donner un faux fichier électoral et partant de faux résultats électoraux avec toutes les conséquences qu’on connaît. »

D’après M. Nkurunziza, il faudra d’abord que le ministère de l’Intérieur et la Ceni harmonisent sur cette question. « Le ministère affirme que la carte nationale d’identité biométrique sera disponible pour les prochaines élections ! La Ceni dit non ! Qui croire, qui ne pas croire ? », s’interroge-t-il. Pour lui, l’utilisation de la carte nationale d’identité biométrique pourrait réduire considérablement la fraude électorale.

Réagissant sur la non-disponibilité du Code électoral, il signale que normalement, tout le processus électoral se réfère au code électoral. « La Ceni devrait patienter pour se conformer aux prescrits du code électoral afin d’éviter de créer des polémiques et des suspicions au début du processus. Sinon, cela peut compromettre sa crédibilité. »

A voir ce qui se passe, M. Nkurunziza crie déjà au vol électoral. « La Ceni a été mise en place avant la promulgation de la loi électoral. La loi communale a été votée par le Parlement avant la promulgation du Code électoral. Rien d’étonnant dans ce marathon de la Ceni. La fraude électorale a déjà commencé. »

Kefa Nibizi : « Rien ne garantit un processus transparent »

L’absence de statistiques spécialisées sur l’état de la population burundaise actuelle pourrait avoir un impact négatif sur le processus électoral plus précisément dans la confection du fichier électoral voire dans la transparence de la véracité des résultats qui seront issus des urnes », analyse Kefa Nibizi, président du parti Codebu.

En effet, explique-t-il, un recensement récent montrerait le nombre de personnes qui auront l’âge de 18 ans, donc susceptibles de participer aux élections de 2025-2027. « Cela aurait facilité la comparaison de voir les personnes inscrites aux rôles électoraux, si elles se rapprochent ou ne dépassent pas le nombre donné par les statistiques récentes. »

Pour lui, quand on n’a pas de statistiques récentes sur la population, il y a lieu que le fichier électoral soit constitué avec gonflement des effectifs. « Et cela aurait directement un impact négatif sur le processus électoral. »

C’est vrai que même les élections de 2010, 2015, 2020 sont passées par cette procédure d’estimation de la population burundaise, mais, souligne-t-il, après à peu près 17 ans, on aurait dû confectionner un fichier électoral qui se base sur des statistiques récentes pour la crédibilité du fichier électoral et par voie de conséquence pour la crédibilité du vote.

Quid de la carte biométrique ? Kefa Nibizi trouve que cette carte aurait facilité un vote électronique. « Ce qui aurait évité au grand maximum les cas de fraude. Parce que les résultats peuvent être suivis par pas mal d’observateurs instantanément. D’où, le changement des résultats des urnes ne pourrait pas être possible. »

Mais, commente-t-il, avec l’ancienne carte nationale d’identité (CNI), on peut assister à des fraudes électorales ou on peut changer facilement les résultats qui ont été obtenus à un bureau de vote, dans la commune ou province sans qu’il y ait facilité de vérification ou de contre-expertise.

Une autre difficulté, selon M. Nibizi, c’est que les cartes qu’on va utiliser ne correspondent plus au nouveau découpage administratif. « On se demande par exemple ce que seront les cartes d’identité qui vont être attribuées maintenant ce qu’elles seront. Pour uniformiser, on devrait s’arranger à ce que toute la population ait les nouvelles CNI selon le nouveau découpage. »

M. Nibizi s’étonne d’ailleurs de la rapidité de la Ceni qui ne rime pas avec la rapidité de la mise en place du Code électoral. « Car, la majorité des opérations qui vont être menées par la Ceni que ça soit dans la mise en place des Cepi, Ceci, que ça soit dans l’enrôlement des électeurs, tout doit se référer au code électoral. Or, jusqu’à maintenant, nous sommes régis par l’ancien code électoral. Le nouveau n’est pas encore disponible. »

Et de laisser un message aux acteurs électoraux : « La transparence du processus électoral dépendra plus de la bonne foi de la Ceni, de l’indépendance que les pouvoirs publics vont lui accorder, mais aussi beaucoup plus de la détermination de l’opposition à faire une observation rigoureuse de toutes les étapes du processus électoral. S’il advenait que l’opposition ne s’organise pas bien, en tout cas, rien ne garantit que le processus soit transparent du fait que déjà, la Ceni n’est pas inclusive. »

Jean de Dieu Mutabazi: « A l’impossible, nul n’est tenu »

« Quand nous avons attendu qu’il y a une probabilité d’utiliser la carte d’identité papier que nous avons actuellement, avec toutes les imperfections qu’elle comporte dans l’élaboration du fichier électoral, nous avons été déçus. Mais, à l’impossible, nul n’est tenu », indique le président du parti Radebu. Il trouve que ce sera une bonne chose d’avoir une carte d’identité biométrique, car, c’est facile de corriger les erreurs se trouvant dans le fichier électoral. « A l’heure du numérique, c’est dommage qu’on puisse aller dans les élections de 2025 sans la carte biométrique. »

Concernant le budget pour le moment insuffisant de la Ceni, M. Mutabazi estime que c’est préférable que le Burundi organise les élections avec ses propres moyens. « Le Burundi donne de la considération aux valeurs de souveraineté et d’indépendance. » Pour lui, c’est faisable.

Aloys Baricako: « Quand on n’a pas ce qu’on veut, on se contente de ce qu’on a »

« Cette approche de la Ceni de constituer le fichier électoral en appliquant l’accroissement naturel de 3 % chaque année est une approche qui est scientifiquement acceptable quand le pays n’a pas pu faire un recensement comme ça devait se faire », observe Aloys Baricako, président du parti Ranac.

Pour lui, il n’y a aucun problème. Cette approche permet tout simplement de connaître la représentativité, une partie de la population qu’un député peut représenter. C’est-à-dire qu’elle permet de calculer, dans chaque circonscription, combien de gens un députe représente.

Il indique d’ailleurs que cela n’a pas d’impact négatif, car la Ceni va faire également l’enrôlement des électeurs. « On tiendra compte du nombre d’électeurs inscrits. Pour pondérer, calculer les voix des urnes lors des électorales de 2025 et 2027. »

Justement, si le recensement de la population était déjà fait, poursuit-il, on aurait un nombre exact de la population burundaise. Mais comme cela n’a pas été le cas, les statistiques acceptent qu’on applique l’accroissement naturel par an de 3 %. Là, il n’y a vraiment pas d’équivoques.

Aloys Baricako rappelle que la Ceni est un organe technique qui doit organiser des élections avec tous les moyens qui sont à sa disposition. « Maintenant, comme le recensement n’a pas encore eu lieu, la Ceni n’a qu’à appliquer la méthode scientifiquement acceptable. »

Concernant la carte biométrique qui n’est pas encore disponible et du coup qui ne sera pas utilisable lors des prochaines élections, là aussi M. Baricako fait savoir que la Ceni n’a qu’à se contenter de ce qui est là. « Quand on n’a pas ce qu’on veut, on se contente de ce qu’on a. »

Il aurait été préférable, pour le président du Ranac, que la carte d’identité biométrique soit là. Mais comme le ministère de l’Intérieur n’a pas pu organiser tout ce qui est nécessaire pour sa disponibilité, comme prévu, promis et convenu, la Ceni doit organiser de toute manière des élections en utilisant la carte d’identité qui est disponible. Sinon il ne faut pas qu’il y ait un vide institutionnel.

« Même en 1993, en 2005, il n’y avait pas ce genre de carte d’identité, mais les élections se sont bien déroulées. La Ceni doit être tout simplement animée de bonne foi. »

La Ceni a également annoncé le dépôt des candidatures pour ses démembrements, notamment les Cepi sans que le Code électoral ne soit promulgué. Là aussi, il n’y a pas de problème pour le président du Ranac. « Les démembrements de la Ceni peuvent être mis en place sans le Code électoral. Parce qu’il n’y a plus de temps. La Ceni a donné un calendrier qu’elle doit respecter. Au lieu d’attendre le code électoral et de faire un travail marathon après, il vaut mieux commencer à réaliser certaines choses qui ne sont pas handicapées par l’absence de ce Code. »

Olivier Nkurunziza: « C’est déplorable, mais… »

Selon Olivier Nkurunziza, président du parti Uprona, prendre la probabilité de 3 % comme un croisement naturel de la population burundaise pour chaque année, c’est constituer une base de données erronée. « C’est une base de données qui n’est pas du tout fiable. Parce qu’on va produire des chiffres approximatifs au lieu de tenir compte du recensement général de la population. »

Concernant la carte d’identité biométrique, M. Nkurunziza indique que c’était bel et bien prévu qu’elle sera utilisée dans les élections de 2025-2027 si l’on tient compte des promesses du ministre de l’Intérieur aux présidents des partis politiques. Mais aujourd’hui, à regarder le temps qui reste et les moyens nécessaires, c’est pratiquement impossible de l’utiliser lors des prochaines échéances électorales comme la Ceni l’a annoncé d’ailleurs.

Or, estime-t-il, la carte d’identité biométrique pouvait minimiser les vols. « Avec la carte d’identité actuelle, une seule personne peut en détenir deux ou trois. Elle peut même changer son identité et du coup voter plusieurs fois. Dans la sous-région, c’est seulement le Burundi qui utilise encore une carte d’identité qui n’est pas biométrique. »

M. Nkurunziza déplore que la carte d’identité actuelle n’ait jamais donné confiance quand bien même il y a des élections qui se sont bien déroulées. Parmi le truquage des urnes, lâche-t-il, figure bien évidemment le fait d’utiliser cette carte qui n’est pas biométrique. C’est très déplorable car ce que nous avions demandé n’a pas été respecté. Malheureusement, on n’a pas d’autres choix.

« Au niveau du parti Uprona, comme c’est déjà assumé, on n’a rien à faire que de déplorer. Il fallait que le recensement de la population qui commence au mois d’août se termine très tôt pour qu’effectivement la base de données du fichier électoral tienne compte des chiffres réels sur la population burundaise. »

Toutefois, le président du parti Uprona fait remarquer que techniquement, la Ceni n’a rien à faire que de se préparer sans ou avec le déroulement du recensement de la population. Les élections de 2025 doivent avoir lieu.

Quand bien même le nouveau code électoral n’est pas encore promulgué, avance toujours M. Nkurunziza, la Ceni a son agenda. « Elle doit le respecter. Nous demandons seulement à la Ceni que la mise en place de ses démembrements se fasse de manière inclusive. Il ne faut pas que les membres de ces commissions électorales soient seulement ceux du parti au pouvoir. Car, il y a parfois des choses qui se répètent lors de cette opération : les gens peuvent se déguiser en représentants d’autres organisations alors que ce sont des membres à part entière du parti au pouvoir. »

Gaspard Kobako: « La confiance n’exclut pas le contrôle.»

Pour le président du parti Alliance nationale pour la démocratie (AND-Intadohoka), la Ceni a commencé très tardivement. « Nous l’avons dénoncé et maintenant elle nous accule à nous adapter au calendrier forcément. Il va falloir tenir compte de toutes ces considérations. Les partenaires nous n’y sommes pour rien et nous ne devrions pas payer les pots cassés. La Ceni, elle aussi, n’y est pour rien parce que le calendrier et le Code électoral ont été présentés très tardivement alors que ce dernier il est controversé. »

M. Kobako trouve que le temps octroyé pour présenter les candidatures pour les démembrements de la Ceni est très court. « On ne peut nous donner 2 semaines alors que vous savez les barrières et les lenteurs administratives surtout que ceux qui délivrent ces dossiers est une administration du parti au pouvoir. Elle ne va pas hésiter à mettre les bâtons dans les roues des citoyens que nous allons proposer pour figurer dans les Cepi et Ceci. La confiance n’exclut pas le contrôle. »

Gaspard Kobako demande aux concernés par les élections et aux partenaires d’être extrêmement vigilants. « Au-delà du discours éloquent et rassurant du président de la Ceni, nous devons y veiller surtout que nous nous connaissons. Au-delà du bénéficie du doute que nous accordons à la Ceni, les enjeux sont tellement sérieux que nous devons aussi les prendre au sérieux. »

Gabriel Rufyiri: « Il y a encore du travail à faire, mais le début est prometteur à entendre la Ceni. »

« Au regard des conclusions de la réunion et les prérogatives de la Ceni, nous voyons que c’est un peu rassurant », réagit le président de l’Olucome. Il donne deux raisons : « Le premier point est par rapport aux inquiétudes que nous avons concernant la proclamation des résultats au niveau du bureau de vote. Selon la Ceni, les journalistes auront le droit de communiquer les résultats du bureau de vote. Le deuxième élément important est que tous les mandataires politiques pourront avoir une copie du procès-verbal du bureau de vote. Ces deux points sont rassurants. » Pour lui, le bémol est d’avoir des mandataires des partis de l’opposition et de la mouvance dans tous les bureaux de vote.

Toutefois, il indique que le financement des partis politiques n’a pas été évoqué. « L’autre point non évoqué est l’équité dans les médias surtout au niveau de la Radio-Télévision nationale. Il faut que tous les partis politiques soient égaux. Il faut aussi que tous les partis politiques aient accès sur terrain, car nous voyons que seul le parti au pouvoir est sur le terrain. »

Gabriel Rufyiri trouve qu’il y a encore du travail à faire, mais « le début est prometteur à entendre la Ceni. »

Pancrace Cimpaye: « C’est le cadre légal des élections qui devait commencer.»

Pour le coordonnateur général de la Synergie belgo-Burundi pour le développement (BEL- Burundi), c’est qui est rassurant est d’abord cette réunion, le climat et les interventions des uns et des autres. « On nous a démontré que chaque mandataire politique aura les résultats de chaque bureau de vote. C’est qui est une bonne chose. De plus, il y aura l’implication et la participation des observateurs. Ces derniers rassurent, réduisent les tricheries et surtout crédibilisent les résultats des élections. A mon avis, ce sont des éléments qui sont importants. »

Il pense qu’avec la transparence qui a été promise, tous les acteurs et tous les partenaires électoraux auront la chance et l’opportunité de jeter un œil sur le fichier électoral afin d’avoir une même idée du nombre d’électeurs.

« Que le Code électoral ne soit pas encore promulgué, c’est une anomalie parce que c’est le b.a.-ba de tout processus électoral d’avoir un cadre légal des élections. C’est ça qui devrait commencer. Je ne sais pas où et à quel niveau le problème se pose. » M. Cimpaye estime que ce retard n’est pas une bonne chose.

Rémy Havyarimana: « Je suis convaincu que si l’observation est très bien menée, les marges de tricheries sont très réduites. »

Selon le représentant légal de l’association Maison lueur d’espoir, la période pré-électorale est très déterminante pour les élections. « La façon dont tout le processus électoral a été élaboré, mis sur pied, convenu, discuté, tout cela à un pourcentage important dans la réussite du processus. Maintenant, nous avons affaire à une Ceni très ouverte, très communicative en la comparant aux équipes précédentes. » 

Toutefois, il souligne que cette équipe travaille dans un contexte. « S’il faut évaluer l’équipe par rapport à ce qu’elle a présenté pendant la réunion, je suis satisfait. Mais, s’il faut évaluer le contexte, c’est autre chose. »

Concernant l’absence de la carte d’identité biométrique, M. Havyarimana trouve que le système électoral burundais ne souffre pas encore d’écarts causés par l’effectif d’identité truqué ou les doublons. « Si le système d’observation se fait correctement, il n’est pas aisé d’avoir des doublons. Avoir un effectif qui change sensiblement les résultats sur un bureau de vote, c’est qu’il y a eu bourrage des urnes et là si l’observation est bien faite ça se remarque facilement. Que la carte d’identité ne soit pas biométrique, ce n’est pas un problème qui devrait fausser les
élections. »

Rémy Havyarimana trouve que s’il faut attendre que le recensement général de la population se fasse, on risquerait d’avoir un dépassement des délais réglementaires. « Les conséquences de ces manquements sont tellement inférieures à celles qui se produiraient si l’on devait par exemple décider du report des élections pour qu’on ait d’abord les statistiques actualisées. Je suis convaincu que si l’observation est très bien menée, les marges de manœuvre de tricheries sont très réduites. »

Par rapport au Code électoral qui n’est pas encore disponible, M. Havyarimana souligne qu’avec un esprit citoyen, entre deux maux, il faut choisir le moindre. « C’est important qu’on aille avec les moyens de bord sachant qu’il y a tellement de manquements plutôt que reporter les élections. Ce que nous sommes en train de vivre maintenant, c’est ce qui devrait avoir été fait il y a des années. Le processus électoral ne commence pas la veille du scrutin. »

Il propose de rester réaliste. « Un pays qui sort de la crise ne peut pas sauter sur des solutions globales et satisfaisantes. Il faut y aller étape par étape. Il faut accepter qu’il y a eu des manquements et essayer de chercher des solutions dans un esprit convivial avec cette volonté partagée que tout ce qui ne va pas bien ne soit pas le résultat d’un seul acteur, mais de tout le monde. »

Forum des lecteurs d'Iwacu

4 réactions
  1. Leconomiste

    Quel avenir peut avoir un pays surpeuplé?
    Le gouvenement du Burundi doit travailler à gérer sa population qui ne cesse de croitre sur des terres minuscules.Parler de développement dans un contexte de surpopulation dans un pays le plus pauvre du monde démontre un manque de sérieux sans pareil. Plus de 13 millions de personnes sans latrines, sans eau propre, sans électricité, sans nourriture suffisante, sans pétrole, etc. Le Burundi doit régler ses problèmes avec sérieux. La réduction des naissances est vitale. Ne venez pas parler de Singapour ici. C’est beau de rêver mais le niveau d’èducation des burundais est proche de zéro mais ils se reproduisent très vite et c’est LE problème. L’UE n’a cessé de rappeler le Burundi à l’ordre et le message ne changera pas après avoir vendu le système numérique.

  2. Ernest

    Aloys on peut acheter cette carte biométrique pour chaque famille, et ces parties politiques doivent financer pour ces partisants qui n’auront pas des moyens. au lieu de se ramanter tout le temps et aprés qu’on va crier de vol electoral, et vu que certains partis ont déjà commencer à crier de vol electoral avant même entre en compétition.

  3. Stan Siyomana

    1. Vous ecrivez:« Si par miracle, il peut être disponible dans 2 ou 3 semaines, nous allons l’utiliser. Sinon, rien n’empêchera l’enrôlement électoral », a déclaré d’emblée Prosper Ntahorwamiye, président de la Ceni, devant un public confus… »
    2. Mon commentaire
    Est-ce que reellement les cartes biometriques des burundais peuvent tomber du ciel comme de la manne sans que le gouvernement ait investi des fonds dans ce projet?

    • B

      L’espoir fait vivre! Il paraît que ça a été démontré!

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