La Confédération Nationale des Associations des Caféiculteurs du Burundi (CNAC-Murimawisangi) exige l’annulation de l’appel d’offre pour la vente de 104 stations de lavage. Elle estime que dans les 13 déjà achetées par Webcor, les caféiculteurs ont été grugés.
<doc2155|left>L’appel d’offre pour la vente des stations de dépulpage et de lavage a beaucoup surpris la CNAC. Selon son président, Joseph Ntirabampa, les caféiculteurs n’ont pas eu l’occasion de se prononcer sur la manière de privatiser la filière café. D’ailleurs, affirme M. Ntirabampa, le 5 septembre dernier, une réunion avait eu lieu entre la CNAC, la ministre de l’Agriculture et de l’Élevage et le chef de cabinet du Deuxième Vice-président de la République : « On avait recommandé d’éviter la précipitation dans la privatisation de la filière café. »
La CNAC indique qu’elle voulait d’abord s’entretenir avec le Service chargé des entreprises publiques (SCEP) et le Comité des réformes de la filière café (CRC). Les trois avaient rencontré les députés qui auraient été favorables à leurs doléances. Ils viennent de demander l’audience à la Banque Mondiale et à la présidence de la République pour les convaincre d’annuler le dernier appel d’offre pour la vente de 104 stations de dépulpage et de lavage, selon M. Ntirabampa. Pour lui, les Burundais ne seront pas en mesure d’acheter ces stations. Car, pour soumissionner, il faudra avoir enregistré un chiffre d’affaires de 500 mille dollars (6.750.000.000 Fbu) et 50 mille dollars (67.500.000 Fbu) de fonds propres pendant trois ans.
« Pas d’avantages avec les privés »
Selon le président de la CNAC, l’histoire récente a montré que dans les 13 stations déjà achetées par la société suisse Webcor, les caféiculteurs n’ont eu aucun avantage : « Webcor a payé 350 Fbu/kg au moment où les Sogestals octroyaient 49 Fbu/kg. Aujourd’hui, ces derniers achètent le kg de café à 630 Fbu contre 600 Fbu/kg chez Webcor. » D’après le président de la CNAC, il avait été convenu, en 2006, que l’agriculteur devrait avoir un revenu de 72% des ventes annuelles de son café : « Mais les privés n’offrent jamais ce pourcentage aux caféiculteurs. »
La CNAC n’en revient pas: « L’acheteur d’une station de lavage ou de dépulpage pourra, après cinq ans, utiliser la terre pour d’autres fins. » Or, ces terres appartiennent à la population. D’où la confédération exige l’annulation d’une telle mesure.
« Le caféiculteur vendra au plus offrant »
Selon le ministre à la présidence chargé de la Bonne Gouvernance, Jean Baptise Gahimbare, la privatisation de la filière Café donne l’occasion à la population de vendre au plus offrant. Et « l’on ne pourrait éviter ce phénomène qui s’observe dans le monde entier », explique-t-il.
En outre, d’après M. Gahimbare, l’avantage de la privatisation de la filière Café est que les agriculteurs deviennent des actionnaires : « Ils pourront acheter plus de 25% d’actions contrairement aux affirmations de la CNAC. » Et de demander aux coopératives de caféiculteurs et aux hommes d’affaires burundais de s’unir pour acheter des stations de lavage.
<doc2153|left>Le commissaire général du SCEP affirme que le prix du kg de café a commencé à augmenter depuis le lancement du processus de privatisation de cette filière en 2008. Pour Melchiade Nzopfabarushe, après l’achat de 13 stations de lavage à Ngozi et Kayanza, Webcor a fixé le prix du kg de café à 350 Fbu alors que les Sogestals l’achetaient à 300 Fbu : « Ces dernières l’ont donc fixé à 490 Fbu ». Aujourd’hui, « le prix du kg de café est de 630 Fbu dans les Sogestals, après avoir constaté que Webcor l’achète à 600 Fbu, » selon toujours le N°1 su SCEP qui démontre donc que la privatisation de la filière café profite aux agriculteurs.
Ce qui pourrait arriver
Sans doute, des intérêts guident le processus de privatisation de la filière Café. Le gouvernement affirme avoir rencontré et discuté minutieusement avec les caféiculteurs sur terrain. La CNAC déclare le contraire. Selon cette confédération, le gouvernement agit sous pression de ses donateurs. Des conséquences néfastes pourront surgir face à ce bras de fer. Les caféiculteurs pourront carrément abandonner cette culture, sous l’instruction de la CNAC qui va perdre ses avantages de suivi et d’encadrement de la filière, une fois celle-ci privatisée. Cela a, d’ailleurs, commencé à s’observer au Nord du pays (Kayanza et Ngozi) où 13 stations de lavage ont été achetées en 2009 par Webcor : certains ménages ont substitué le café aux bananiers, arachides et haricots. Conséquence : la pauvreté pourra frapper des ménages et le pays perdre des devises. Le café a généré, en effet, pour le pays, 86% de devises en 2010- 2011, selon Joseph Ntirabampa, président de la CNAC. Pourcentage confirmé par le projet INADES- Formation Burundi.
De même, les conflits fonciers pourraient naître, car les anciens occupants des terrains sur lesquels sont construites des usines demanderaient à être indemnisés. Or, le gouvernement avoue que ces terres lui appartiennent. Dans ce cas, les nouveaux acheteurs pourraient fermer leurs usines et plier bagages pour éviter des pertes. Et adieu le café et les devises, et bonjour la paupérisation de la population.