69 détenus, sur plus de mille, sont en pleine formation dans différents métiers pour une meilleure réinsertion socioéconomique. A la découverte de cette nouvelle vie à la prison de Rumonge.
Couture, maroquinerie, savonnerie, travail de la corne. Ce sont les métiers enseignés à quelques détenus de Rumonge qui écopent trois ans, maximum, de servitude pénale. C’est en effet le principal critère pour être bénéficiaire de la formation.
Derrière les barreaux, une autre vie. Mardi 6 novembre, il est 10h. La cour intérieure présente une allure différente de celle d’une prison. On est accueilli par le bruit des machines à soudure. Une sorte d’atelier de menuiserie est en vue. C’est une dizaine de jeunes détenus qui fabriquent des bijoux en cornes.
A quelques mètres, dans un grand bâtiment, d’autres détenus apprennent la couture à l’aide d’une formatrice âgée, plus expérimentée dans le métier. Juste à côté, une vingtaine d’hommes s’activent à travailler les peaux de chèvres. Avec leur cuir, un autre groupe se chargera des chaussures et ceintures. Des articles qui ne coûtent pas moins de 15 mille BIF, la pièce, d’après le formateur. C’est dans un climat enjoué que ces prisonniers travaillent, espérant une vie meilleure après la prison.
Une jeune femme, la vingtaine, courant après son nourrisson retient l’attention. Apprentie en couture, cette mère célibataire est incarcérée depuis plus d’un an pour tentative de meurtre contre son enfant, après l’accouchement. Pour elle, cette formation est comme « un miracle », une raison de ne plus revenir en prison.
Simple cultivatrice auparavant, elle confie qu’elle ne connaissait aucun autre métier jusque-là. Démunie, c’est à peine si elle arrivait à nourrir ses deux enfants. « Désormais, je serai capable de les nourrir grâce à cette activité génératrice de revenus », indique-t-elle, rayonnante.
Nombre de ces détenus parlent d’une initiative importante qui va changer leur vie post-carcérale. Car pour eux, voler s’avérait le seul choix pour survivre.
Plus qu’une formation, une thérapie
Naguère des condamnés déprimés, aujourd’hui ce sont des détenus ambitieux. Pour certains bénéficiaires, ces activités s’avèrent aussi être une thérapie contre la dépression, la paresse… Les jours passent sans qu’ils s’en rendent compte. Certains d’entre eux confient qu’ils commettaient des délits faute d’occupation. Au lieu d’élaborer un plan de vengeance contre le responsable de leur incarcération, ils pensent aux moyens de réaliser leur métier après la prison.
Le directeur de la prison de Rumonge, Patrice Nkurikiye, soutient que les détenus bénéficiaires sont très contents, passionnés. Leur comportement a changé. « A la place des détenus qui passent leur temps sur les « ligalas » (rassemblement des jeunes désœuvrés), à planifier les plans d’évasion, des prisonniers soucieux d’initier des activités génératrices de revenus, après la prison. »
Le chef de la section sociale de la prison, Jean Niyongabo, affirme que les cas de tentative d’évasion ont sensiblement diminué depuis le lancement de ces formations. « En moyenne, un cas par mois au lieu de 4 à 6 cas de tentative d’évasion. »
Ces détenus ont déjà produit plusieurs articles qui sont stockés pour être sur le marché, bientôt. Ils ont une même inquiétude cependant : les moyens pour réaliser ces métiers après la prison. Une question qui reste sans réponse, pour le moment.
Soulagement pour la DGAP
La Direction générale des affaires pénitentiaires (DGAP) se frotte les mains. Le Directeur général, Gervais Hajayandi, parle d’un projet important pour la prévention de la récidive.
Il affirme que les cas de récidives sont très nombreux. La prison de Rumonge a enregistré plus de 25 cas depuis la grâce présidentielle de février dernier, d’après le directeur de cette prison.
Le DG de la DGAP estime que les récidives sont dues à une quasi-absence de programmes de réinsertion des prisonniers. Pour lui, l’idéal est de préparer les détenus, tant qu’ils sont encore incarcérés, à leur vie post-carcérale.
Une autre cause probable de la récidive, selon lui : dans la prison, les détenus prennent l’habitude de manger sans rien faire. Après la prison, ils ont du mal à gagner leur vie. Ils doivent travailler pour survivre. « Certains d’entre eux provoquent même leur incarcération. Ils récidivent. »
Mais avec ces métiers, estime M. Hajayandi, ils seront motivés pour travailler après la peine. « Si les projets pouvaient être étendus sur toutes les prisons, il serait possible d’éradiquer complètement la récidive. »
Cette formation est initiée également dans les prisons de Gitega (69 détenus) et Ngozi (99). Au total, 260 prisonniers sont bénéficiaires au niveau national.
Ce projet de réinsertion socioéconomique des prisonniers est financé par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et mis en œuvre par la Chambre sectorielle d’art et d’artisanat (Chasaa).