Ce lundi 26 avril, le chef de l’Etat, Evariste Ndayishimiye, a procédé aux cérémonies de remise de peine et de libération effective pour 1.400 prisonniers de Mpimba. Les concernés qui attendaient ce jour avec impatience, ont exprimé leur joie et leur soulagement.
8 heures. Nous sommes à la prison centrale de Mpimba. D’un côté, la tribune qui commence à accueillir quelques officiels et diplomates. Beaucoup de journalistes de différents médias sont aussi présents. De l’autre côté, dans leur uniforme vert, les prisonniers bientôt libérés, assis en rangée, comme dans une salle de classe. Des hommes, des femmes avec enfants, des jeunes filles, des jeunes hommes. Ils sont sereins.
Le directeur de la prison passe au milieu des rangées de prisonniers graciés pour leur dire d’éviter le moindre chuchotement au moment du discours présidentiel. Justement, le président de la République, grandement attendu, arrive sur les lieux.
La prison, une exception
Pour le président Evariste Ndayishimiye, l’emprisonnement devrait être une exception. S’adressant aux bénéficiaires de la grâce présidentielle, il a signalé que l’Etat n’est pas là pour emprisonner. Car, a-t-il expliqué, un prisonnier est un fardeau pour le pays, pour la famille. « Il consomme sans produire, la famille s’appauvrit.»
Et de conseiller aux bénéficiaires de la grâce présidentielle d’éviter de ne pas se retrouver dans la même situation. Il leur a demandé de s’intégrer dans la société, à initier des activités génératrices de revenu.
A la Justice, aux Officiers de police judiciaire, le président Ndayishimiye leur a recommandé d’enregistrer tous les prisonniers dès leur arrivée. « Il faut éviter qu’une personne passe trois mois sans être jugée.» Des emprisonnements abusifs et sans motifs sont aussi à éviter selon le président de la République. Un clin d’œil aussi à ceux qui s’adonnent à la corruption. « C’est une honte !»
Insistant sur cette grâce présidentielle, il a déclaré que la mesure n’a pas été prise pour plaire à qui que ce soit. Et de tranquilliser les non-bénéficiaires qu’ils pourront eux aussi en bénéficier. Par ailleurs, il a affirmé que ceux qui ne se sont pas retrouvés sur la liste alors qu’ils remplissent les conditions requises peuvent faire des réclamations.
Néanmoins, a-t-il rappelé, l’impunité a handicapé le développement du pays. Ce qui a fait, selon lui, que certains ont banalisé même les crimes de sang. « Même ces conflits ethniques qui ont endeuillé notre pays, c’est parce qu’il y a eu des gens qui se sont dit que ce n’est pas un crime s’ils tuent une personne de l’autre ethnie, comme si le fait de tuer est devenu un acte de bravoure ».
De son côté, Jeanine Nibizi, ministre de la Justice, a indiqué que c’est une première au Burundi où plus de 5.000 prisonniers sont graciés. Parmi eux, des femmes allaitantes, des vulnérables, des prisonniers souffrant de maladies chroniques, etc.
La ministre précise également que les prisonniers graciés sont au nombre de 1400 pour la prison de Mpimba. Parmi eux, 944 ont bénéficié d’une libération effective et les autres une remise de peine.
Elle a aussi signalé qu’aujourd’hui, le Burundi compte environ 12 mille prisonniers alors que la capacité d’accueil des prisons oscille autour de 4 mille.
Les bénéficiaires soulagés
« Je me sens très content. Je ne trouve pas les mots pour remercier le président. Que Dieu le bénisse », confie une jeune fille, bénéficiaire de la grâce présidentielle.
Elle venait de passer trois ans à la prison centrale de Mpimba. Sous émotion, elle dit que c’est une journée inoubliable : « Je viens de retrouver ma liberté. Je vais retrouver mes amies. La vie dans la prison était un vrai calvaire ».
Elle demande au président de la République de penser aux non-bénéficiaires de sa grâce. « Qu’il les pardonne aussi. Certains sont sans assistance judiciaire. Il y en a même qui viennent d’y passer des années sans dossiers».
Un autre prisonnier gracié ne cache pas sa joie : « C’est la première fois qu’un président accorde une grâce et qu’il vienne lui-même ici pour libérer les prisonniers. C’est la joie. J’ai hâte de retrouver les miens ». Ce jeune homme avait été arrête en 2016. Il promet de tout faire pour éviter de se retrouver encore une fois détenu à Mpimba.
Tenant dans ses bras deux bébés, une mère bénit par tous les cieux le président Ndayishimiye : « J’étais presque désespérée. Je me demandais comment pourrai-je élever mes enfants en prison. Et voilà, je suis libre ».
La CNIDH applaudit
Pour la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme (CNIDH), la mise en œuvre de la grâce présidentielle est un signe éloquent du souci permanent de la part du gouvernement.
Et ce, pour désengorger les prisons en vue de l’amélioration des conditions de détention. Dans un communiqué sorti ce lundi, cette commission trouve que l’instauration des Travaux d’intérêt général (TIG) s’avère une autre mesure alternative à l’emprisonnement pour désengorger les prisons. Ce qui rendrait aussi, selon elle, les prisonniers plus productifs et utiles non seulement à la société mais aussi à eux-mêmes.
La CNIDH plaide également pour la réduction du recours excessif à la détention provisoire et pour la création d’un mécanisme national de prévention de la torture.
Après le départ des invités, aux environs de midi, des camions font leur arrivée sur les lieux pour transporter les ex-prisonniers qui le désirent, dans leurs communes d’origine. Mais certains prisonniers graciés refusent d’embarquer et préfèrent rentrer par leurs propres moyens. La raison ? « Ce n’est pas sûr que ces camions ne nous fassent pas revenir ici », une scène qui a fait rire les journalistes et quelques cadres du ministère de la Justice présents.
Rappelons qu’au total, 5.255 prisonniers ont bénéficié de la grâce présidentielle au niveau de toutes les prisons du pays.
Je veux bien croire qu’Il n’y a pas de prisonniers politiques, mais des personnes emprisonnées pour les crimes qu’elles ont commis. Seulement, si on creuse bien en dessous de ce crime qu’on appelle Atteinte à la sûreté de l’Etat, on trouverait bien quelque chose qui n’est pas si éloignée de motivation politique. C’est d’ailleurs pour cela que le Président se dit prêt à recevoir les plaintes de ces « prisonniers politiques ». J’applaudis cette formidable ouverture. J’espère que Mr Rwasa ne dira pas le contraire. A vos plumes !
« La CNIDH plaide également pour la réduction du recours excessif à la détention provisoire et pour la création d’un mécanisme national de prévention de la torture ».
Comment se fait-il que tout le monde se pose des questions sur la situation socio-économique du pays et qu’en même temps cette situation perdure ?
Vous avez dit »situation socio-économique »?