19 nourrissons sont hébergés dans la prison centrale de Mpimba, indique la situation carcérale du 18 octobre. Leurs mères déplorent les conditions dans lesquelles ils vivent. La direction tranquillise.
« Le milieu carcéral n’est pas favorable pour une bonne éducation et l’épanouissement de nos enfants », se lamente N.B., une mère détenue depuis 2016 ayant un nourrisson de 23 mois. La prise en charge de nos enfants reste insuffisante. Ils ont besoin d’un supplément alimentaire.
N.B. salue les efforts de quelques bienfaiteurs. Les religieuses de la paroisse Guido Marie Conforti de Kamenge communément appelée chez Buryengero leur apportent un supplément alimentaire. Un œuf et des fruits par semaine pour chaque nourrisson, de la farine pour la bouillie chaque mois.
Mêmes lamentations chez F.H., mère d’un nourrisson de 10 mois. Elle indique que les quantités de nourriture offerte ne permettent pas d’avoir du lait maternel dont leurs enfants ont besoin.
Du côté soins de santé, elle affirme que leurs enfants bénéficient gratuitement des soins au centre de santé situé dans les enceintes de la prison. Les médicaments restent insuffisants. En cas de complications, ces enfants sont transférés à l’extérieur dans d’autres structures de soins plus appropriées. Néanmoins, elle déplore que l’hygiène reste précaire, suite à la surpopulation carcérale. « Nous logeons dans une salle commune. Nos enfants attrapent souvent les maladies des mains salles et celles de la peau ».
M.A. déplore le fait qu’à l’âge de trois ans, leurs enfants quittent leurs mères. Ils sont transférés dans les maisons de prise en charge : les orphelinats, les organisations caritatives, comme la Fondation Stam. « Nous souffrons de cette séparation. L’avenir de nos enfants est incertain. Ils en arrivent à nous oublier ».
Même les visites organisées par la direction ne réconfortent pas ces mères. Chose douloureuse. «Il arrive que certains enfants ne reconnaissent pas leurs mères ».
Ces détenus suggèrent des solutions pour pallier cette séparation : «Nous demandons au parquet d’accorder une liberté provisoire aux mères qui ont des nourrissons pour que nous veillions à l’éducation de nos enfants.»
Elles réclament la construction d’un centre d’hébergement et d’encadrement des nourrissons à proximité de la prison. « Loin de nos enfants, nous sommes mal à l’aise. Nous ne sommes pas rassurées du traitement qui leur est réservé ».
Manque de politique nationale de réintégration
Quant aux défenseurs des droits de l’enfant, le constat est amer. David Ninganza, directeur du centre de protection de l’enfance au sein de la Sojepae-Burundi, indique que le manque de visites affecte psychologiquement ces enfants. Mais à des degrés différents. Il fait une distinction de trois catégories de nourrissons. Des nourrissons qui entrent en prison avec leurs mères au moment de l’arrestation. D’autres qui naissent en prison parce que leurs mères étaient enceintes au moment de l’arrestation. Enfin, des enfants qui naissent en prison à la suite de rapports sexuels avec des gens de l’extérieur.
Pour ce défenseur des droits des enfants, la troisième catégorie éprouve des difficultés. « Ils sont rejetés par leurs familles pour être nés hors mariage ». Il souligne que ce sont ces enfants qui sont récupérés par les associations caritatives. D’autres sont accueillis par leurs familles. «Ils ne sont pas en conflit avec la loi à l’instar de leurs mères. Leur place n’est pas en prison ».
M. Ninganza soutient que ces enfants ont besoin d’un espace d’épanouissement leur permettant de jouir de leurs droits. Ces nourrissons doivent être préparés à une vie scolaire. D’où ils doivent être en contact avec les enfants de leur âge.
David Ningaza déplore le manque d’engagement des pouvoirs publics sur cette question. Et de suggérer : « Il faut une politique nationale de réintégration des nourrissons.»
La direction tranquillise
Arthémon Nzitabakuze, directeur de la prison centrale de Mpimba, reconnaît la vulnérabilité des nourrissons et de leurs mères : « La direction s’attèle à améliorer leurs conditions de vie ». En plus des quantités destinées à chaque détenu, explique-t-il, ces mères ont un supplément alimentaire. Le service en charge de la production offre de la farine pour la bouillie et du sucre. Et de préciser qu’il y a des bienfaiteurs qui interviennent dans la prise en charge des nourrissons, tels les religieuses, la Fondation Stam et le CICR. Il signale que, chaque mardi, des religieuses apportent à manger pour plus de 600 détenus, affirme-t-il.
Cette autorité pénitentiaire fait savoir que les nourrissons bénéficient des soins de santé gratuitement. Il fait savoir qu’il y a un centre de santé qui accueille tout détenu malade, y compris les nourrissons.
A propos de l’enregistrement de ces nourrissons à l’état civil, M. Nzitabakuze se veut rassurant : « Nos services font enregistrer tous ces enfants.»
Interrogé sur la liberté provisoire souhaitée par les mères ayant des nourrissons, le directeur de la prison évoque la loi. Celle-ci fixe les conditions dans lesquelles un détenu est éligible à une libération provisoire. « Si les juridictions compétentes le décident ainsi, nous exécuterons la mesure ».
Bientôt un centre d’hébergement
M. Nzitabakuze reconnaît les souffrances qu’éprouvent les mères quand elles sont séparées de leurs enfants. « Nous sommes au courant de ces plaintes, mais des efforts sont en train d’être faits pour remédier à la situation ». M. Nzitabakuze indique que la loi exige qu’à trois ans chaque enfant quitte le milieu carcéral. Ils sont réintégrés dans leurs familles ou dans des orphelinats.
Toutefois, Arthémon Nzitabakuze indique qu’il y a une solution intermédiaire. La direction organise des visites. « Nous amenons les enfants qui sont dans les orphelinats pour rendre visite à leurs mères ». Faute de moyens financiers, nuance-t-il, ces mesures ne sont pas régulièrement organisées. Et de préciser qu’un centre d’hébergement et d’encadrement des nourrissons sera bientôt construit par des religieuses. « Un terrain leur a déjà «été offert ».