En 1ère ligne depuis le début de la lutte contre la pandémie de Covid-19, les agents en charge de la riposte ne savent plus à quel saint se vouer. Ils demandent que soient payés les arriérés de leurs primes de motivation. Une situation en cours de traitement, tranquillise le ministère de tutelle.
Désabusés, dépités… C’est un personnel à bout de force. Leurs regards hagards en disent long. Un sentiment d’impuissance le ronge au point de redouter un manque d’investissement de leur part si une flambée des cas venait à s’observer.
« L’optimisme serait permis si la ministre de tutelle en personne prenait le temps de nous expliquer la situation », se désole A.J.
Bientôt une année, cette infirmière fait savoir qu’ils se heurtent au silence radio lorsqu’ils demandent à quand ils seront régularisés.
S’élevant à 200 mille BIF mois, le montant de ladite prime, un agent en charge du dépistage sur un des sites se trouvant à Bujumbura fait savoir que les derniers paiements remontent en mars 2021. Dans leurs familles, une situation confuse. « Il est très difficile d’expliquer à ta femme que tu te lèves de lundi à samedi à 7h du matin pour rentrer 18 h, sans rien rapporter à la fin du mois », se lamente un infirmier.
Une situation d’autant plus compliquée par la récente mesure du ministère de l’Intérieur restreignant la circulation des deux roues et des tricycles. « Imaginez quelqu’un qui habite Carama (nord de Bujumbura). Il doit, au quotidien, se rendre sur le site de dépistage situé à Ruziba (sud de Bujumbura) », s’alarme-t-il.
Même rengaine pour F.N., infirmière à la Clinique Prince Louis Rwagasore. Pour elle, si le gouvernement estime que l’épidémie est déjà maîtrisée, le ministère de tutelle devrait leur permettre de rejoindre leurs anciens postes d’attache. Le seul moyen, estime-t-elle de prévenir des mécontentements inutiles.
Une situation pire pour les agents se trouvant sur les différents points d’entrée (POE) des frontières du pays. Selon des témoignages concordants, les derniers paiements remonteraient en août 2020.
D. S., infirmier à Rumonge, fait partie de ces agents. Il parle d’une situation exaspérante : « De lundi à samedi, aucun jour, nous nous sommes absentés. Mais voyez comment nous sommes récompensés! » Rappelant combien exposés ils sont, il déplore également l’indolence dont font preuve certains officiels du ministère de tutelle lorsque la question de régularisation de leur situation est évoquée.
« C’est comme si on demande un crédit », fulmine-t-il. Il fait savoir que lorsqu’ils ont l’occasion d’aborder cette question avec les responsables de leur district sanitaire, ils se heurtent à cette unique réponse : « Votre situation est en cours de traitement ». Et de souligner que cela va faire une année et sept mois que cela dure.
De quoi s’interroger sur les raisons d’un tel retard vu que ladite prime a été instituée par une ordonnance ministérielle conjointe entre les ministères des Finances, celui de la Santé publique et du Commerce.
Des accusations infondées, clame la Cousp
Jean Claude Bizimana, directeur DU Centre d’opérations d’Urgence de Sante Publique (Cousp), nie en bloc les accusations : « Puisque c’est une prime dûment accordée par le gouvernement, pourquoi leur en priver avec le travail qu’ils abattent? »
Il indique que le processus de déclaration de ces primes se fait une fois par trimestre. Et de confier que certains responsables véreux peuvent ajouter un ou deux noms sur les listes. M. Bizimana explique que, dans pareils cas, les listes sont renvoyées pour rectification : « Le temps des corrections avec l’analyse minutieuse de ces déclarations, la durée du traitement des dossiers au niveau du ministère des Finances, vu qu’il traite des dossiers de plusieurs ministères, des retards peuvent survenir. »
Par rapport aux agents des points d’entrée, il assure que hormis ceux se trouvant sur les frontières encore fermées, ceux se trouvant sur les frontières rouvertes, à l’instar de la frontière de Kobero, de Gatumba, de Rumonge et de Mugina, perçoivent leurs primes. Il reconnaît qu’il peut y avoir une ou deux irrégularités. .
Au tout début de la riposte contre la Covid-19, souligne-t-il, les agents sur les POE étaient payés via un appui financier de l’Organisation Internationale pour la Migration (OIM), à raison de 300 mille BIF par mois. Un financement qui a pris fin avec la fermeture des frontières. « Une décision normale parce qu’on ne pouvait pas continuer à les motiver alors qu’ils ne travaillent pas», conclut-il.