Dimanche 22 décembre 2024

Editorial

Prêt du FMI, un test

14/04/2023 6

Le Burundi va recevoir un prêt de 261 millions de dollars en vue de « soutenir une politique de réformes visant à rétablir la soutenabilité extérieure et la soutenabilité de la dette tout en permettant la reprise économique face aux chocs qui se sont succédé ». Au-delà du jargon des initiés, retenons que c’est un ballon d’oxygène pour notre économie exsangue. La nouvelle a d’ailleurs défrayé la chronique et fait couler beaucoup d’encre et de salive. « La véritable clé pour une mobilisation substantielle des fonds pour le redressement de l’économie », saluera l’ONG locale, la Parcem.

Par Léandre Sikuyavuga
Directeur du groupe de presse Iwacu

Pour les experts en économie, c’est un accord qui permettrait également de mobiliser l’assistance de la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, l’Union européenne, et autres, qui attendaient la conclusion des négociations pour appuyer le Burundi. C’est donc un test dont la réussite attirera la confiance des autres bailleurs de fonds.

Le gouvernement n’a pas de choix, n’a pas droit à l’erreur. Les mesures sont contraignantes. Ce sont notamment l’assainissement budgétaire, la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption, la réduction de ses emprunts auprès de la Banque centrale, la réduction des arriérés des dettes que l’Etat doit auprès du public.

Selon l’économiste André Nikwigize, les 261 millions de dollars du FMI seront largement insuffisants pour couvrir les besoins en devises du pays : « Les besoins en devises, aussi bien, pour couvrir les importations de biens et services (de 1 200 millions de dollars par an), le paiement du service de la dette extérieure, et d’autres dépenses en devises, sont énormes. »

L’appui d’autres partenaires reste donc une nécessité. Le gouvernement est tenu d’observer le contenu de cet accord. Non seulement le décaissement se fera par tranches progressives, mais aussi ce sera une façon d’intéresser et de rassurer d’autres bailleurs de fonds.

Les initiatives qui sont en train d’être prises par le gouvernement sont encourageantes. L’adoption du système général de diffusion des données amélioré (SGDD-a) du FMI a été considérée par ce dernier comme une façon de promouvoir la transparence dans la gestion budgétaire : « L’application de la recommandation du SGDD-a et le lancement du portail de données (la page nationale récapitulative de données ) témoignent de la détermination du Burundi à assurer la transparence des données. »

Le budget est censé être le miroir de contrôle de la bonne gouvernance et de la transparence. Ainsi le Conseil des ministres du 5 avril a décidé de restructurer le projet de loi portant fixation du budget général de l’Etat, exercice 2023-2024, sur base de budget-programme. Le budget sera apprécié en fonction des résultats atteints selon les indicateurs de performance.

Il y aura une implication effective des ministères dorénavant ordonnateurs avec plus de responsabilisation de la Cour des comptes (pouvoir juridictionnel) et la responsabilité accrue de l’Assemblée nationale quant au suivi et contrôle. De bons mécanismes à saluer, mais insuffisants.

Outre les exigences annoncées, les bailleurs de fonds exigent aussi l’efficacité, le culte du mérite pour l’obtention des résultats concrets. Ce qui constitue le maillon faible de l’économie du pays. Pourtant, ce ne sont pas les compétences qui manquent au Burundi. Il faudrait « des hommes qu’il faut à la place qu’il faut. »

En définitive, il y a des signaux encourageants pour que le gouvernement puisse bénéficier des soutiens financiers pour le développement économique. Les lignes bougent, mais on doit passer à la vitesse supérieure. Les anglophones diraient au gouvernement : « Go ahead, keep it up ! »

FMI

Forum des lecteurs d'Iwacu

6 réactions
  1. Rududura Claver

    « Le gouvernement est tenu d’observer le contenu de cet accord. Non seulement le décaissement se fera par tranches progressives, mais aussi ce sera une façon d’intéresser et de rassurer d’autres bailleurs de fonds. »
    Mon commentaire: Des centaines des millions de dollars sont retournés à la Banque Mondiale faute d’absorption. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous risquons de nous contenter à la seule première tranche. Vous m’en direz les nouvelles.

  2. Jean Pierre Hakizimana

    Espère que j’ai tord, malheureusement les autorités Burundaises n’ont pas de courage moral et intellectuel pour respecter le contrat avec le FMI. D’un côté on a un gouvernement le plus corrompu et d’autre part on a le FMI, une institution qui l’histoire de soutenir des gouvernements corrompus.

    Tout le monde le sait que le G5 est pour l’instant entrain d’essayer de rattraper l’avancée de la Chine en Afrique.

    Il y a un adage Anglais qui me revient dans la tète : Insanity is doing the same thing over and over again, expecting different results ».

    Comme je serai content d’avoir tord. Rendez vous dans quelques mois après l’encaissement du premier chèque.

  3. Jamahaar

    Cette modique somme de $261 millions, c’est de la poudre aux yeux a l’echelle d’un pays.C’est symbolique.Juste des frais de missions pour les diplomates et experts qui vont aller renegocier les vraies aides au developpement et a l’investissement a Washington, Abidjan, Paris et Bruxelles.Un geste encourageant tout de meme de la part du FMI, quoi pullure amere a avaler vue les conditionnalites imposees.Le pays commence a inspirer confiance aux bailleurs de fonds internationaux apres presqu’une decennie de traversee du desert et des nuits sombres consecutifs a la crise de 2015.De statut de pariah international a celui de bon eleve de la classe, les autorites burundaises devront prouver qu’elles ont bien appris la lecon et qu’elles vont tout faire pour ne pas rechuter et echouer en cours de route pour bien meriter les appuis budgetaires et aides au developpement de la communaute financiere internationale qui a pignon sur les cordons de la bourse.

    • Stan Siyomana

      @Jamahaar
      1. Vous ecrivez:« .Un geste encourageant tout de meme de la part du FMI, quoi pullure amere a avaler vue les conditionnalites imposees… »
      2. Mon commentaire
      Pour un RETA MVYEYI, RETA NKOZI (gouvernement responsable et travailleur), « l’assainissement budgétaire, la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption, la réduction de ses emprunts auprès de la Banque centrale, la réduction des arriérés des dettes que l’Etat doit auprès du public. » devrait etre dans sa nature et non une pillule amere a avaler.
      Reta Mvyeyi Reta Nkozi devrait accepter/se moquer du challenge avec le rugissement du lion de Kwa Ntare Rushatsi (= Presidence du Burundi) ou le cri de guerre des farouches Maori de Nouvelle Zelande ou tout simplement le defaint « BRING IT ON » (= bravade des boxeurs americains comme Muhamad Ali?)

  4. Kanda

    Vu le montant face aux besoins, force est de constater que c’est quelques comprimés de paracétamol quand on a la malaria et la malnutrition aggravée.
    Espérons que le changement de mentalité va prévaloir dans le chef des décideurs pour justement inciter les autres partenaires à apporter une contribution constructive.

  5. Maningo Jean claude

    Je suis d’accord avec vous Monsieur l’éditorialiste, mais « Le gouvernement n’a pas de choix »… C’est plutôt la normalisation des relations avec le Fonds monétaire international. Cela se passe partout comme ça. Ce n’est donc pas un choix forcé.

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