Pr Paul Ngarambe s’oppose catégoriquement à la modification de la Constitution actuelle. D’après lui, ce n’est pas un texte qu’il faut « tripatouiller » pour s’assurer de remporter les élections.
<doc5175|right>{La Constitution actuelle, a-t-elle besoin d’être retouchée pour le bon déroulement des élections futures?}
Aucunement, car il n’y a pas de dispositions problématiques. La Constitution définit un projet de société. Pour l’essentiel, après la crise sociopolitique que le Burundi a connue depuis le 21 octobre 1993, les contours du projet de société ont été tracés dans le consensus qui s’est dégagé dans l’Accord d’Arusha. Il faudrait plutôt le relire, non pas pour préparer les élections de 2015, mais pour s’interroger sur son contenu. Il faut analyser si cet Accord a été mis en application ou s’il y aurait des mesures correctives à prendre – et il y en a -, pour s’assurer que l’on va dans la bonne direction. Il s’agirait d’un moment d’arrêt pour réfléchir et méditer ensemble avec tous les partenaires politiques.
{Estimez-vous que ce soit l’avis du pouvoir ?}
Le pouvoir semble ne pas l’entendre de cette oreille, ce qui est un recul par rapport aux acquis de 2005. S’il faut revoir la Constitution, c’est pour mieux définir le projet de société à mettre en œuvre pour placer le pays sur la voie du développement à tous points de vue. Ce n’est donc pas pour préparer des élections. De surcroît, cela ne doit pas être le fait d’un parti politique, mais de tous les partenaires sociaux et politiques. Il y a des études préalables pour guider les réflexions. Il n’y a rien de tout cela. C’est malheureusement le cas dans beaucoup de pays africains. Certains dirigeants burundais semblent s’inscrire dans cette logique de la mort de la démocratie et du développement.
{Pourquoi insistez-vous sur l’Accord d’Arusha, alors que les dirigeants actuels n’ont pas participé à sa conception ?}
Les dirigeants ne peuvent pas prétendre qu’ils ne sont pas signataires de l’Accord d’Arusha. Du moment qu’ils ont accepté le verdict des urnes en 2005, ils s’inscrivent dans la logique de cet accord, inspirateur de la Constitution dont il est, d’ailleurs, partie intégrante. Agir autrement, c’est couper la branche sur laquelle l’on est assis !
{Le président a parlé de la révision de la Constitution sans préciser sur quoi elle porterait. Votre commentaire ?}
Ça m’échappe aussi. Pourquoi huit mois après cette déclaration, le président Nkurunziza ne veut toujours pas dire sur quoi va porter le débat sur la révision de la Constitution, du Code Electoral et de la Loi Communale. Il faut qu’il y ait des études préalables, la préparation et l’organisation du débat, le recueil du consensus et les procédures au sein de l’Assemblée nationale… Il ne faut pas oublier qu’il a également promis que la Commission Vérité et Réconciliation sera mise en place avant la fin de l’année 2012.
L’agenda est beaucoup trop chargé pour le temps qui reste. Cela demande un budget important pour organiser les travaux nécessaires, tirer les conclusions et les mettre en œuvre. Bonne volonté ou agenda caché ? Je me pose vraiment la question.
{Quels sont les risques d’une révision de la loi fondamentale dans la précipitation ?}
Les risques sont ceux d’un manque de débat politique, d’une dictature de fait du parti au pouvoir et d’une avancée d’un cran supplémentaire vers les violences, comme on le remarque déjà. Il y a aussi cette question des leaders politiques en exil qui constitue un problème très grave. A Arusha, les partenaires politiques étaient tous assis autour d’une table, même si cela a pris du temps. Celui qui est arrivé au pouvoir, parce que les partenaires politiques ont accepté de s’asseoir et de débattre, ne veut pas de cette méthode pour chercher un consensus autour des problèmes qui se posent. Je remarque que les politiques, une fois arrivés au pouvoir, deviennent amnésiques.